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Guerre commerciale : pourquoi Trump frappe plus fort sur ses alliés que sur la Chine

Auteur: admin, Solveig Godeluck Source: Les Echos:::
Février 2, 2025 at 16:48
Donald Trump a imposé de lourds droits de douane au Canada et au Mexique, un peu moins lourds pour la Chine. (Mandel NGAN/AFP)
Donald Trump a imposé de lourds droits de douane au Canada et au Mexique, un peu moins lourds pour la Chine. (Mandel NGAN/AFP)

Le président américain avait promis des droits de douane d'au moins 60 % sur tous les produits chinois. Pour l'instant, ce sera 10 %. Washington a d'autres dossiers à négocier avec Pékin.


Deux poids, deux mesures. Samedi, le président Trump a imposé par décret des droits de douane de 25 % sur les plus proches alliés de l'Amérique, le Canada et le Mexique, et de 10 % sur la Chine. Le grand rival géopolitique a donc été relativement épargné. Le candidat Trump avait pourtant claironné qu'il taxerait l'ensemble des importations chinoises à 60 %, au minimum.

Cette décision est d'autant plus surprenante que la Chine est le partenaire commercial avec lequel les Etats-Unis accusent le plus gros déficit - 280 milliards en 2023, contre 68 milliards avec le Canada et 152 milliards avec le Mexique. Or c'est justement ce déficit « injuste » que Donald Trump a juré de supprimer.

La Chine ne perd rien pour attendre. Comme il l'a annoncé vendredi à la face du monde, le nouveau président n'en est qu'au début de son offensive protectionniste. En l'occurrence, il justifie la première salve par la nécessité de forcer ses partenaires commerciaux à lutter contre l'afflux de drogues de synthèse dans le pays. La Chine n'a donc pas été touchée parce qu'elle subventionne ses industries, mais parce qu'elle exporte des précurseurs chimiques du fentanyl. Pékin pourra donc subir d'autres droits de douane, pour d'autres motifs.

La puissance que Trump admire et respecte

La différence d'approche et de dimension avec les taxes Trump de 2018 et 2019 est remarquable. A l'époque, le président avait ciblé les exportations chinoises en priorité, en raison d'un énorme déficit commercial bilatéral (419 milliards). Il avait visé une liste à la Prévert, des lave-vaisselle à la nourriture en passant l'électronique grand public, pour 280 milliards de dollars de marchandises. En 2024, Joe Biden y a ajouté une nouvelle vague de tarifs douaniers portant sur 18 milliards de produits stratégiques pour les industries du futur (panneaux solaires, auto, etc.).

Mais on parle à présent de 400 milliards de dollars de marchandises taxées supplémentaires tous azimuts. Les iPhone fabriqués en Chine ne sont plus épargnés. Peut-être une partie de ces nouveaux droits de douane vont-ils être effacés en échange de contreparties politiques. En tout cas, Donald Trump montre qu'il met ses menaces à exécution.

Il envoie un signal au reste du monde, tout en conservant des munitions pour sa bataille à venir contre la Chine, surtaxée à 10 % seulement. Ce partenaire est autrement puissant que les deux grands voisins des Etats-Unis, et la puissance est une qualité que Donald Trump admire et respecte. Xi Jinping, le président chinois, est un acteur du grand jeu diplomatique mondial. La Chine est un rival militaire, industriel et technologique, contrairement au Canada et au Mexique. Elle ne tombera pas en récession demain à cause des droits de douane américains, alors que c'est le sort qui guette ces deux pays.

Le compte à rebours est enclenché pour TikTok

Avec Pékin, Washington avance comme dans un magasin de porcelaine, parce qu'il y a beaucoup plus de choses à négocier qu'avec deux alliés dépendants. Donald Trump espère notamment conclure d'ici au mois de mars le rachat de TikTok par une entreprise américaine. Le jour de son investiture, et avec force roulements de tambour, le président a suspendu l'interdiction de cette plateforme sociale contrôlée par le chinois ByteDance. Il s'est soudain pris de passion pour l'app aux vidéos de quelques secondes, très populaire aux Etats-Unis, et s'est donné 75 jours pour conclure une transaction avant l'écran noir. Mais pour l'instant, Pékin campe sur son refus de vendre.

De nombreux repreneurs sont sur les rangs, en particulier Elon Musk, l'ami intime et conseiller de Donald Trump, qui possède déjà la plateforme X et l'a mise au service du nouveau pouvoir. L'entrepreneur en série a d'ailleurs plus d'une raison de ménager la Chine. Il y a ouvert une gigantesque usine automobile et il y vend ses Tesla électriques. Elon Musk est un intercesseur auprès du pouvoir chinois. Il pourrait jouer un rôle modérateur dans la guerre commerciale qui commence.

Donald Trump n'a sans doute pas dit son dernier mot sur la Chine, mais le leitmotiv qui prévalait lors de son premier mandat, celui de « punir » Pékin pour les délocalisations et les pertes d'emplois industriels, semble être passé au second plan. Les nouvelles taxes doivent d'abord remplir les caisses, puis affirmer l'hégémonie américaine et la domination des alliés, jusqu'à ce que ces derniers crient grâce. Une nouvelle ère.

Solveig Godeluck (Bureau de New York)

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