Le président américain, Donald Trump, utilise son rapport de force avec son homologue ukrainien, Volodymyr Zelensky, pour tenter d'accaparer les ressources en minéraux critiques de l'Ukraine. (Photos d'archives)
PHOTO : GETTY IMAGES / AFP / ALEX WROBLEWSKITETIANA DZHAFAROV
Une fois de plus, ce n’est pas tant l’Ukraine que le président Trump vise avec sa volonté de conclure une entente sur les minéraux critiques, mais plutôt la Chine.
Les États-Unis – et c’était déjà le cas sous la présidence de Joe Biden – cherchent à réduire leur dépendance envers la Chine, qui domine la production de minéraux critiques. Les Américains en font un enjeu de sécurité nationale et de souveraineté technologique et économique.
La Chine fournit près de 70 % de la production mondiale, et 90 % de la capacité de traitement, des minéraux critiques. Il s'agit donc d'un enjeu majeur pour les États-Unis, qui veulent assurer un approvisionnement durable pour des ressources qui sont aujourd’hui essentielles.
Le président américain utilise maintenant son rapport de force avec l’Ukraine pour tenter d’accaparer ces ressources. Il y est peut-être arrivé puisqu’on apprenait, en fin de journée mardi, qu’une entente aurait été conclue avec l’Ukraine. Le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, se rendrait à Washington vendredi pour y rencontrer Donald Trump.
Le problème des États-Unis, c’est qu’ils ont perdu une partie de leur industrie minière, nous expliquait l’expert Michel Jébrak, professeur émérite au Département des sciences de la terre et de l’atmosphère de l’UQAM, en entrevue à Zone économie, jeudi dernier.
Depuis les années 1990, ils ont laissé partir leur exploitation, en particulier vers la Chine, mais également vers le Canada, le Mexique et vers les pays africains. Et, donc, ils n’ont plus le contrôle de l’alimentation de leur industrie. Or, sur 50 métaux identifiés par les États-Unis, il y en a 43 pour lesquels les Américains dépendent de pays étrangers. C’est un vrai problème, selon M. Jébrak.
Il faut 16 ans pour ouvrir une mine, ajoute-t-il. Donc, il est urgent pour les Américains de trouver des solutions pour leur approvisionnement de ces matériaux nécessaires à la fabrication de voitures électriques, de téléphones, d’ordinateurs et de toutes sortes de composantes électroniques. Les minéraux critiques sont importants également pour la fabrication d'éoliennes et de panneaux solaires, de même que de satellites, de missiles et d'avions, dans le secteur de la défense.
Face à la Chine
Selon l’Agence internationale des énergies renouvelables, 100 % du graphite naturel, 70 % du cobalt et 60 % du lithium de manganèse sont raffinés en Chine.
Or, l’Ukraine regorge de ces ressources essentielles au développement des technologies de l'avenir. Avant son invasion par la Russie, l’Ukraine était considérée comme un fournisseur de premier plan de titane, avec 7 % de la production mondiale en 2019.
L’Ukraine affirme également détenir 500 000 tonnes de lithium, soit environ 2 % des réserves mondiales, ainsi que 20 % du graphite dans le monde, très important dans l’industrie nucléaire. Le pays possède aussi des éléments de terres rares, un sous-groupe des minéraux critiques essentiel à la fabrication de téléphones intelligents.
Cinq pour cent des réserves mondiales de minéraux stratégiques, d’une valeur approximative de 500 milliards de dollars américains, sont en Ukraine. C’est considérable, sachant que l’Ukraine occupe 0,4 % de la surface planétaire. L’Ukraine possède des réserves importantes de 22 des 34 minéraux que l'Union européenne juge critiques.
Cela dit, la Russie contrôle en ce moment environ 18 % du territoire ukrainien. Et environ 70 % des ressources en minerais de l’Ukraine sont situées dans les régions de Donetsk, de Louhansk et de Dnipro. Jusqu'à 40 % des ressources en métaux de l'Ukraine seraient ainsi sous contrôle russe. La Russie occupe deux des grands gisements de lithium de l’Ukraine.
De l’extorsion?
Donald Trump continue de marteler qu’il souhaite récupérer le montant de l’aide fournie à l’Ukraine depuis le début de la guerre contre la Russie. En guise d'acompte pour l’aide militaire et économique, les États-Unis ont proposé de prendre possession de 50 % des ressources minérales jugées critiques de l'Ukraine.
Il s’agit d’extorsion, nous disait, sans détour, le professeur d’économie Arthur Silve à Zone économie, lundi. Ce sont des pratiques qu’on associe généralement avec la mafia. On vous a protégés, alors maintenant, on va obtenir un paiement de votre part, un paiement dont la forme n’est pas claire.
L’aide des États-Unis a atteint 128 milliards de dollars américains depuis le début de la guerre en Ukraine, il y a trois ans, selon plusieurs estimations. Le plan de Donald Trump pour obtenir une compensation pour cette aide militaire apportée à l’Ukraine est de 500 milliards de dollars, souligne Arthur Silve. Ce qu’on oublie de mentionner, au passage, c’est que ce qui était discuté depuis trois ans lorsqu’on parle d’aide américaine à l’Ukraine, c’est qu’il s’agissait du meilleur investissement que les États-Unis pouvaient faire en termes de démantèlement et de détournement de la puissance russe. C’était censé être dans l’intérêt américain, dans l’intérêt occidental.
Nous verrons donc les modalités de l’entente annoncée avec l’Ukraine. Toutefois, il est clair qu’un tel accord viendrait confirmer une fois de plus à quel point Donald Trump entend utiliser tous les moyens à sa disposition pour tenter de réaliser des gains économiques. Ses moyens sont tout sauf orthodoxes pour tenter d’infléchir la domination de la Chine.
Avec la participation de Maya Chebl et de Tristan Champagne-Lessard
Sources: BBC, OCDE, The Guardian
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