George Washington was uneasy about the idea of commemorating his life
Rien ne semble freiner l’administration Trump dans son désir de réformer en profondeur la taille et les fonctions du gouvernement fédéral américain, d'amincir ses finances et de réduire sa portée.
Les proclamations et les décrets signés, souvent devant les caméras, donnent l’image d’un président omnipotent, un politicien qui, contrairement aux autres, remplirait vite ses promesses.
L’utilisation des décrets lui permet d’agir rapidement. De manière unilatérale. Pas besoin de négocier des compromis avec les élus, même si les républicains sont majoritaires au Congrès.
Donald Trump a signé bien plus de décrets en un mois que ses prédécesseurs au cours des 100 premiers jours de leur mandat respectif. Il s'agit d'actes présidentiels qui, souvent, entrent en conflit avec les normes, voire avec la Constitution américaine :
Frein appliqué par les tribunaux
Une bonne partie des Américains semble apprécier cette cure minceur imposée au gouvernement fédéral. Selon un sondage de Pew Research (Nouvelle fenêtre), 47 % des répondants approuvent la performance du président. La grande majorité d'entre eux, bien sûr, sont des républicains.
Toutefois, ce n’est pas parce que Donald Trump agit vite et dans autant de domaines qu’il en a véritablement le droit. Ses pouvoirs sont limités par la Constitution, tout comme ceux des élus.
Les Américains qui s’estiment lésés se sont tournés vers les tribunaux, dont une des fonctions, justement, consiste à faire en sorte que les autorités respectent les limites.
Ainsi, le déluge de décrets musclés a mené à une pluie d’injonctions, c'est-à-dire des ordres de tribunaux, qui ont temporairement bloqué l’application des directives de l’administration Trump.
Lorsqu'un tribunal ne lui donne pas raison, Donald Trump assure qu’il respecte toujours les consignes données tout en soulignant qu’il contestera la décision en appel. C’est son droit.
Toutes ces démarches juridiques prennent beaucoup de temps. Elles constituent bien sûr un frein utile pour ralentir les ardeurs des équipes chargées de sabrer dans la bureaucratie américaine.
Cependant, puisque les tribunaux prennent des jours ou des semaines à bloquer temporairement des décisions, il est facile de garder l'impression que le président est tout-puissant et qu’il peut agir à sa guise.
Qui pour le freiner?
Outre les tribunaux, peu de citoyens ou d’institutions semblent être en mesure de freiner ce qui peut être comparé à un rouleau compresseur en train de foncer vers la fonction publique américaine.
(Théoriquement, un autre président pourra annuler les décrets signés par Donald Trump, une perspective lointaine qui n’a qu’un effet bien théorique sur la situation actuelle.)
Certains ont démissionné plutôt que d’obéir à des directives jugées immorales ou illégales. Il s'agit de gestes isolés, à la portée limitée, le temps que l’administration trouve une personne prête à suivre les consignes.
L’opposition démocrate au Congrès a bien quelques recours. Elle peut appuyer des poursuites, poser des questions en comité, faire de l’obstruction lors des débats sur certains projets de loi.
Encore là, il s'agit d'outils à portée limitée pour une opposition en minorité dans les deux Chambres.
Quelques critiques républicaines se font entendre ici et là sur des dossiers bien précis. Mais dans l’ensemble, les élus rentrent dans le rang. Peut-être parce qu’ils approuvent. Peut-être parce qu’ils ont peur d’être victimes des puissants mégaphones d’Elon Musk et de Donald Trump.
Les préoccupations quant à l’ampleur des pouvoirs que s’attribue Donald Trump ne sont pas partisanes. Des juges républicains (dont au moins un nommé par M. Trump lui-même) ont appliqué des freins temporaires.
Le juge John Coughenour, nommé par le très conservateur Ronald Reagan, estime que l’État de droit ne semble être qu’un obstacle vers ses objectifs politiques, quelque chose qu’il faut contourner ou ignorer.
Au plus haut tribunal de trancher
La Maison-Blanche a bien mal reçu les décisions qui ont bloqué ses ordres. De la porte-parole au président en passant par une série d’élus républicains, on accuse ces juges d’être militants et d’abuser de leur autorité.
Autrement dit, l’autorité du pouvoir judiciaire est remise en question par le pouvoir exécutif (la Maison-Blanche) et par le législatif (le Congrès). Or, ce respect attendu est nécessaire pour la stabilité de la démocratie américaine.
L’attitude de l’administration Trump met en lumière une faiblesse dans cet équilibre : les juges n’ont pas de policiers ou de shérifs pour faire respecter leurs décisions. Que peuvent-ils faire si on fait abstraction d'eux?
Pour l’instant, cette question est surtout théorique. Les décisions des tribunaux inférieurs sont largement respectées (les quelques manquements ont donné lieu à des rappels tranchés).
Plusieurs observateurs juridiques croient qu’une partie des décrets sont écrits de manière à forcer un débat devant la Cour suprême, à supermajorité conservatrice (six contre trois).
Ce tribunal pourrait au bout du compte appuyer cette vision bien large des pouvoirs du président, une vision connue comme la théorie de l’exécutif unitaire dans les cercles conservateurs.
Cette théorie imagine le président comme une sorte de PDG d’entreprise qui peut décider de beaucoup dans n’importe quel département de son administration.
Dans les faits, c’est pas mal ce que pratique Donald Trump depuis le 20 janvier.
Si le plus haut tribunal du pays lui donne raison, il pourra continuer à dire qu’il respecte toujours ses décisions, donc l'État de droit.
Mais si la Cour suprême conclut plutôt qu'il est allé trop loin... qui peut prédire de la réaction de ce président hors-norme?