Les États Unis

« Nous ne faisons que commencer », clame devant le Congrès un Donald Trump provocateur

Auteur: Sophie-Hélène Lebeuf Source: Radio Canada
Mars 5, 2025 at 07:50
PHOTO : GETTY IMAGES / WIN MCNAMEE
PHOTO : GETTY IMAGES / WIN MCNAMEE

Six semaines après un retour au pouvoir tumultueux, le président américain, Donald Trump, a promis de maintenir le pied sur l'accélérateur au cours d'une allocution ouvertement partisane prononcée mardi soir devant les deux Chambres du Congrès.

L'Amérique est de retour, a soutenu d'emblée le président Trump, figure centrale d'une scène qui symbolise la mainmise du camp républicain sur Washington : il avait derrière lui – tout sourire – le président de la Chambre des représentants, Mike Johnson, et le vice-président, J.D. Vance, qui agit comme président du Sénat.

Nous avons accompli plus en 43 jours que la plupart des administrations en quatre ou huit ans. Et nous ne faisons que commencer, a-t-il promis au cours d'un discours provocateur qui a duré tout près de 100 minutes, un record pour un tel exercice.

Le rêve américain est inarrêtable et notre pays est sur le point de faire un retour en force, comme le monde n'en a jamais vu et n'en verra peut-être jamais plus, a-t-il affirmé.

Aujourd'hui, pour la première fois dans l'histoire moderne, les Américains sont plus nombreux à penser que notre pays va dans la bonne que dans la mauvaise direction, a-t-il soutenu, même si l'immense majorité des sondages indique le contraire.

L'allocution du président américain ponctuait six semaines d'un début de mandat mouvementé, marqué par l'adoption de plus de 75 décrets, l'accroissement des pouvoirs présidentiels, des compressions massives dans l'appareil fédéral et un virage draconien dans la politique étrangère et commerciale américaine.

Elle coïncidait d'ailleurs avec la guerre commerciale lancée plus tôt dans la journée contre les principaux partenaires commerciaux des États-Unis, dont le Canada, et venait au lendemain d'un gel sur l'aide militaire à l'Ukraine, point culminant de semaines de tensions avec ce pays envahi par la Russie.

 

Des tensions palpables

Des démocrates montrent des pancartes qui indiquent leur revendication ou font part de leur protestaion lors du discours de Donald Trump devant le Congrès.
Plusieurs démocrates ont opté pour une protestation silencieuse, véhiculant des messages sur des pancartes lors du discours de Donald Trump devant le Congrès.  PHOTO : GETTY IMAGES / CHIP SOMODEVILLA

 

Signe du ton qui a été donné à la soirée, la porte-parole de la Maison-Blanche, Karoline Leavitt, avait présenté l'allocution comme un événement télévisuel à ne pas manquer. Axée autour du thème Renouveler le rêve américain, l'allocution a pris des accents de discours de campagne.

Triomphaliste, combatif ou moqueur, Donald Trump a multiplié les attaques à l'endroit de son prédécesseur Joe Biden et s'est moqué des démocrates.

Se targuant d'avoir obtenu un mandat comme on n'en a pas vu depuis des décennies, il s'est dès les premières minutes fait ovationner par les républicains et huer par les démocrates, dont les voix ont rapidement été enterrées par les USA, USA, USA! martelés par leurs rivaux.

Refusant de s'asseoir, un élu démocrate qui a crié que Donald Trump n'a pas le mandat qu'il se targue d'avoir a même été escorté par le sergent d'armes, à la demande de Mike Johnson, qui présidait la session – sous les Na-na-na-na, hey, hey, hey, goodbye – scandés par des républicains. 

La marge de victoire du républicain est en fait la plus modeste pour un vainqueur du vote populaire en une cinquantaine d'années.

Fidèle miroir de la polarisation caractéristique de Washington, l'allocution a été, tout au long, le théâtre des applaudissements nourris du camp majoritaire et des nombreux signes de protestation, vocaux ou silencieux, des démocrates.

Brandissant des petites pancartes disant Faux, les démocrates n'ont pas manqué de souligner certains mensonges du président. 

D'autres pancartes disaient Musk vole ou Protégez les anciens combattants(les vétérans figurant parmi les fonctionnaires congédiés et les Américains touchés par les compressions budgétaires), ou encore Sauvons Medicaid, le programme d'assurance maladie pour les moins nantis.

Certains démocrates ont quitté avant la fin, révélant un T-shirt où apparaissait le message Résistez.

 

Droits de douane : Trump prévoit de « légères perturbations »

M. Trump de dos devant les premiers rangs des élus du Congrès qui l'applaudissent.
« L'Amérique est de retour », a lancé Donald Trump au Congrès lors de la première allocution de son deuxième mandat devant les deux Chambres du Congrès.  PHOTO : GETTY IMAGES / AFP / SAUL LOEB

 

Quelques heures après l’entrée de l'entrée en vigueur, en début de journée, d'importants droits de douane imposés au Canada, au Mexique et à la Chine, qui ont rapidement lancé des représailles, le président Trump a maintenu son approche combative.

Le Canada et le Mexique doivent en faire plus pour contrer l'entrée du fentanyl aux États-Unis, a-t-il déclaré, invoquant l'argument officiel avancé pour l'imposition des droits de douane. 

Alors que les économistes prévoient que les tarifs douaniers, qui ont entraîné la chute des indices boursiers nord-américains, auront un effet inflationniste, Donald Trump a banalisé les effets négatifs, assurant qu'ils allaient protéger l'âme de notre pays

 

Les droits de douane vont rendre les États-Unis de nouveau riches et grands. Cela va se produire et même plutôt rapidement. Il y aura quelques perturbations, mais nous sommes d'accord avec ça. Ce ne sera pas grand-chose.

Une citation de Donald Trump

 

Il a assuré que les droits de douane, qui inquiètent notamment les agriculteurs, les protégeraient. Nos agriculteurs vont s'en donner à cœur joie en ce moment. À nos agriculteurs, [je dis :] amusez-vous bien. Je vous aime aussi.

Il a en outre réitéré son intention d'imposer des tarifs réciproques le 2 avril, affirmant que les États-Unis, superpuissance économique, avaient été volés par à peu près tous les pays de la Terre.

Quel que soit le niveau des droits de douane qu'ils nous imposent, on les frappera des mêmes droits de douane. S'ils nous imposent des taxes, nous allons leur imposer des taxes. S'ils appliquent des droits de douane non monétaires pour nous empêcher d'accéder à leur marché, nous érigeons des barrières non monétaires pour les empêcher d'accéder à notre marché, a-t-il assené.

Nous encaisserons des milliers de milliards de dollars et créerons des emplois comme jamais auparavant.

Plusieurs élus républicains, dont le parti était jadis celui du libre-échange, se sont levés pour l'applaudir, même si certains restent méfiants par rapport à la stratégie tarifaire. 

Donald Trump, qui avait promis de renverser l'inflation dès son entrée en poste, a rejeté sur son prédécesseur les signes préoccupants de l'économie américaine. Nous avons hérité de l'administration précédente une catastrophe économique et un cauchemar inflationniste, a-t-il lancé, alors que l'économie américaine, malgré une forte inflation, était sous Joe Biden la plus forte du monde.

 

Pas d'entente signée avec Kiev, mais un nouveau changement de ton

Donald Trump n'a pas annoncé, comme l'avaient avancé des médias la signature de l'entente sur les minerais ukrainiens, qui avait été torpillée vendredi dernier après une violente altercation entre le président ukrainien, Volodymyr Zelensky et ses hôtes américains de la Maison-Blanche. Il a toutefois indiqué avoir reçu une lettre de son homologue disant qu'il était prêt à signer l'accord.

J'apprécie qu'il ait envoyé cette lettre. Je l'ai reçue il y a peu de temps, a-t-il dit. Dans un message publié plus tôt dans la journée sur les réseaux sociaux, le président Zelensky s'est dit prêt à travailler sous la direction énergique du président Trump pour parvenir à une paix durable avec la Moscou.

Nous avons eu des discussions sérieuses avec la Russie et avons reçu des signaux forts indiquant qu'elle est prête pour la paix, a ajouté Donald Trump.

Il a par ailleurs réitéré ses visées expansionnistes, assurant que les États-Unis reprendraient le contrôle du canal de Panama et mettraient la main sur le Groenland d'une manière ou d'une autre.

 

M. Musk sert une main dans la foule.
Elon Musk était présent pour écouter le discours de Donald Trump devant les élus du Congrès, à Washington, le 4 mars 2025.  PHOTO : GETTY IMAGES / AFP / SAUL LOEB
 

Donald Trump a également insisté sur le travail fait par le multimilliardaire Elon Musk, puissant allié du président chargé de sabrer dans les dépenses publiques.

Il a affirmé à tort que le département de l'efficacité gouvernementale (DOGE)avait détecté plusieurs centaines de milliards de dollars en fraudes, un montant supérieur à celui mis de l'avant par le principal intéressé et révisé à la baisse par plusieurs médias. 

Il a aussi répété que le DOGE avait détecté des fraudes à l'aide sociale liées à des personnes mortes ayant jusqu'à 300 ans, une allégation largement démentie.

L'époque du règne des bureaucrates non élus est révolue, a clamé le président américain, alors que plusieurs milliers d'employés fédéraux ont déjà perdu leur emploi.

Les démocrates ont réagi fortement, pointant vers Elon Musk, qui figurait parmi les invités d'honneur de la Maison-Blanche, un non-élu qui jouit, lui, de vastes pouvoirs.

Alors que le nombre de migrants clandestins entrant au pays a chuté, Donald Trump s'est par ailleurs targué d'avoir mis en place les mesures de répression les plus radicales de l'histoire des États-Unis en matière de frontières et d'immigration illégale, l'une des mesures phares de sa campagne.

Il s'est moqué des démocrates qui voulaient faire adopter un projet de loi pour contrer l'immigration illégale quand Joe Biden était au pouvoir. Donald Trump avait convaincu les républicains de le rejeter. En fin de compte, tout ce dont nous avions besoin, c'est d'un nouveau président, a-t-il ironisé.

Pour marteler son message, la Maison-Blanche avait d'ailleurs invité des proches de victimes de crimes commis par des immigrants en situation irrégulière.

Donald Trump s'est par ailleurs à nouveau dit investi d'un mandat divin après avoir survécu à la tentative d'assassinat plus tôt cet été. La famille du pompier tué était elle aussi dans la tribune. 

Se présentant comme une victime de persécution judiciaire, il a accusé les lunatiques de la gauche radicale d'avoir politisé le système de justice. Donald Trump, dont l'administration a congédié des procureurs fédéraux qui avaient participé aux poursuites lancées contre lui, a affirmé avoir ramené l'impartialité. 

Reprenant des thèmes chers aux républicains, il a aussi proclamé la fin des politiques de diversité, du wokisme et de l'idéologie transgenre.

 

Pas d'approche consensuelle chez les démocrates

Des élues démocrates habillées de rose autour de Nancy Pelosi.
Des élues démocrates rassemblées autour de Nancy Pelosi au Congrès où le président Trump a pris la parole.   PHOTO : GETTY IMAGES / AFP / JIM WATSON

 

La division des démocrates – bien discrets depuis l'investiture du chef de file républicain – quant à la stratégie à adopter devant l'électrochoc qu'administre au pays le président Trump s'est également fait sentir pendant l'événement.

Conformément aux demandes des leaders démocrates de la Chambre et du Sénat, plusieurs élus avaient comme invités des employés fédéraux congédiés ou des Américains touchés par les compressions.

Selon des médias américains, les leaders démocrates avaient aussi donné le mot d'ordre à leurs troupes de faire profil bas, leur disant spécifiquement de ne pas apporter de pancartes ni d'objets symboliques. La directive a choqué les partisans d'une approche plus combative, qui ont d'ailleurs signalé leur mécontentement pendant le discours. 

Plusieurs élus démocrates avaient simplement choisi d'exprimer leur opposition par leur tenue vestimentaire. Certaines élues étaient vêtues de rose pour dénoncer l'effet des mesures sur les femmes et les familles, d'autres portaient du noir pour exprimer la gravité du virage apporté par le président Trump et d'autres encore portaient des foulards bleu et jaune, couleurs du drapeau ukrainien.

Plusieurs autres, dont des membres de l'aile progressiste de la formation, comme la représentante Alexandria Ocasio-Cortez, ont pour leur part préféré boycotter l'allocution, certains participant à des assemblées citoyennes virtuelles.

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