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Le Canada a acheté des drones chinois inutilisables à la frontière

Auteur: admin Source: Radio Canada
Janvier 18, 2025 at 06:28
n drone DJI, de modèle MAVIC, comme ceux achetés par la GRC pour surveiller la frontière. PHOTO : GETTY IMAGES / MIH_ALEX
n drone DJI, de modèle MAVIC, comme ceux achetés par la GRC pour surveiller la frontière. PHOTO : GETTY IMAGES / MIH_ALEX

La Gendarmerie royale du Canada (GRC) croyait bien faire en achetant des drones pour surveiller la frontière avec les États-Unis, mais elle a choisi une marque chinoise que les Américains ne veulent plus voir voler, a appris Radio-Canada. 

L’organisation a acheté des drones DJI, bien qu’elle sache qu’on ne peut pas les utiliser à la frontière, confie un agent canadien de la GRC, qui n’est pas autorisé à parler publiquement.

Deux autres sources bien au fait du dossier confirment que la GRC s’est précipitée pour faire cette commande dans la foulée de l’élection de Donald Trump, qui sera investi 47e président américain lundi.

M. Trump a fait frémir la classe politique et les milieux économiques canadiens, fin novembre, lorsqu’il a brandi la menace d’imposer des tarifs douaniers de 25 %. Cette taxe, affirmait-il, restera en vigueur jusqu'à ce que les drogues, en particulier le fentanyl, et tous les immigrants illégaux arrêtent cette invasion de notre pays.

 

Donald Trump parle dans un micro.
Le président Trump sera assermenté lundi. PHOTO : GETTY IMAGES / SCOTT OLSON

 

Dans la foulée, les autorités canadiennes ont promis de déployer des capteurs infrarouges et des hélicoptères à la frontière, mais aussi des drones, même si l’origine de ces appareils ne plaît pas au voisin du Sud.

 

Les drones DJI sont excellents, mais on ne peut pas les utiliser, car la vraie raison, c’est que [les autorités américaines] ne veulent pas voir de drone chinois sur le bord de la frontière.

Une citation de Un agent de la GRC

 

Au cours des dernières semaines, le gouvernement américain a lancé une consultation publique dans le but d’interdire, ultimement, la vente de drones provenant de Chine. Les autorités américaines suspectent ce pays d’utiliser ces appareils à des fins d’espionnage et de pouvoir les contrôler à distance (Nouvelle fenêtre).

Un projet de loi (Nouvelle fenêtre) a également été présenté au Congrès, dans lequel il est mentionné que les appareils de la marque DJI présentent un risque inacceptable pour la sécurité nationale des États-Unis.

[On] a reçu l’ordre de ne les utiliser que pour des recherches et des sauvetages. Les Américains ne sont pas favorables à l’utilisation à la frontière, confirme un autre agent.

Le géant chinois DJI est le chef de file mondial dans le domaine des drones. Ses appareils à prix abordable ont l’avantage d’être disponibles en peu de temps. La GRC a donc pu faire un achat de moins de 10 000 $ sans appel d’offres qui a été livré rapidement.

Contactée par Radio-Canada, la GRC n’a ni nié ni confirmé ces informations. Nous ne pouvons pas donner plus de détails pour préserver l’intégrité de nos opérations, souligne un porte-parole.

 

La GRC utilise des systèmes d'aéronefs télépilotés [drones], des caméras et des véhicules pour sécuriser la frontière. Le type et la marque de ces systèmes varient et sont déterminés notamment par le type d’opération.

Une citation de Camille Boily-Lavoie, porte-parole de la GRC

 

 

Kevin Baillie change la batterie d'un drone.
Un agent de la GRC utilise un drone dans les Maritimes. (Photo d'archives). PHOTO : JULIEN LECACHEUR

 

En parallèle de l’achat récent des drones DJI, la GRC avait également lancé un appel d’offres pour commander d’autres drones qui seront livrés ultérieurement.

Le corps policier, responsable de la surveillance à la frontière avec l’Agence des services frontaliers, indique qu’il possède au total 900 drones, dont le type et la marque [...] varient et sont déterminés notamment par le type d’opération.

 

Des caméras de sécurité chinoises à la frontière

Nous avons appris que les autorités américaines seraient également très réticentes en ce qui a trait à l’utilisation de caméras de surveillance de la marque REOLINK, fabriquées en Chine. La GRC n’a ni confirmé ni infirmé cette information.

Le Service des douanes et de la protection des frontières des États-Unis a refusé de répondre à nos questions, parce qu’il n’est pas autorisé à divulguer des informations spécifiques à une entreprise ou à un produit, des informations confidentielles sur une entreprise ou des informations concernant des actions policières actives, des enquêtes ou des affaires en cours.

Il est à noter que le Canada utilise également des hélicoptères dotés de caméras thermiques pour surveiller ses 8891 kilomètres de frontières avec les États-Unis. Six hélicoptères de la GRC, équipés de cette technologie, peuvent être utilisés à cet effet.

 

Différents outils électroniques ont été mis en place pour surveiller la frontière canado-américaine, au sud du Québec. (Photo d'archives). PHOTO : RADIO-CANADA / IVANOH DEMERS
Différents outils électroniques ont été mis en place pour surveiller la frontière canado-américaine, au sud du Québec. (Photo d'archives). PHOTO : RADIO-CANADA / IVANOH DEMERS

Appareils désuets et manque d’effectifs

D’après nos sources, l'équipement que possèdent et utilisent actuellement les agents canadiens qui surveillent la frontière est désuet.

L’autonomie de certains drones ne dépasserait pas quelques minutes, selon les conditions climatiques. Des problèmes importants touchent aussi les caméras de surveillance, l’hébergement des images et l’absence de réseaux dans des secteurs clés.

Nos sources à la GRC estiment que le Canada n'accorde pas assez de ressources à la surveillance de la frontière, notamment en Estrie et en Montérégie.

Nos points chauds ne méritent aucune attention à date. [Les annonces d’Ottawa], ça semble être de la belle poudre aux yeux pour faire taire les critiques, s'insurge un autre agent, tout en rappelant que les équipes frontalières manquent également de pilotes de drones.

Selon nos informations, les effectifs ont néanmoins été revus légèrement à la hausse au cours des dernières semaines, dans la foulée des déclarations de Donald Trump. Quelques agents provenant d’autres secteurs et départements sont venus renforcer les patrouilles frontalières.

La GRC revoit continuellement ses priorités opérationnelles afin de s’assurer que les secteurs sont dotés des ressources nécessaires. Au besoin, des ressources d’autres secteurs peuvent être réaffectées ailleurs à court terme afin de répondre aux besoins opérationnels, indique l’organisation policière.

 

Des traversées clandestines en baisse

Si Donald Trump a haussé le ton, c'est en raison notamment du nombre record de traversées clandestines à la frontière canado-américaine. 

L’an passé, près de 19 000 personnes ont été interceptées uniquement dans le secteur Swanton, situé au sud du Québec, qui couvre le nord des États de New York et du Vermont, soit une hausse de 800 % en seulement deux ans.

Cependant, au cours des derniers mois, le nombre d’arrestations effectuées par les autorités américaines a nettement diminué, passant d’environ 3000 par mois l’été dernier, à moins de 400 en décembre.

 

 

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Cette baisse s’explique en partie par les mesures mises en place par le gouvernement Trudeau pour resserrer la délivrance de visas canadiens, particulièrement en Inde où de nombreux réseaux de passeurs s’organisent pour faire entrer des familles entières aux États-Unis, en passant par le Canada, en échange de plusieurs dizaines de milliers de dollars.

Comme l’a déjà révélé Radio-Canada, des pots-de-vin ont même été versés, en Inde, à des employés responsables de délivrer ces documents de voyage.

Sur le réseau X, le premier ministre Justin Trudeau a d'ailleurs vanté le travail de son équipe pour réduire de manière importante ce phénomène. On a amélioré la vérification des visas, et ça marche, a-t-il écrit, en évoquant une diminution des passages clandestins de 90 % sur l'ensemble de la frontière.

 

 

Expulsés par les États-Unis plutôt que renvoyés au Canada

Malgré cette diminution des interceptions, des migrants de toutes origines continuent de franchir la frontière, surtout du Québec vers les États-Unis.

Dans la nuit du 10 au 11 janvier, six Haïtiens, dont une petite fille de 9 ans, ont été secourus par les autorités américaines. Ils souffraient du froid et des conditions climatiques difficiles.

Selon nos informations, ils avaient été repérés par des agents canadiens qui avaient suivi leurs pas dans la neige, avant de prévenir leurs homologues américains.

Ces derniers ont pu les retrouver dans les bois situés à Mooers Forks, au nord de l'État de New York, à quelques kilomètres à l’ouest du village de Champlain, l’un des secteurs les plus visés par ces passages illégaux.

 

Des migrants marchent dans la neige.
Les agents américains ont secouru six Haïtiens qui provenaient du Québec dans la matinée du 11 janvier. PHOTO : SERVICE DES DOUANES ET DE LA PROTECTION DES FRONTIÈRES DES ÉTATS-UNIS

 

Sur le terrain, la situation resterait donc sensible, confient plusieurs sources policières. 

Nous avons toujours des Indiens qui vont vers le sud en grand nombre. Je rencontre tous les jours des "étudiants étrangers" [qui n’étudient finalement pas au Canada], soupire un agent canadien. Les Américains semblent en manquer pas mal, sinon la plupart, malheureusement.

Si ces passeurs et migrants sont désormais plus discrets une fois aux États-Unis, ce serait principalement en raison de nouvelles mesures américaines.

Ils les mettent dans un avion, ils les déportent [expulsent, NDLR], explique un autre agent bien au fait de la situation. Ils ne les renvoient pas au Canada [comme le permettrait pourtant la nouvelle Entente sur les tiers pays sûrs signée en mars 2023]. Ils ne veulent pas qu’ils tentent ensuite de revenir chez eux.

Au cours des derniers mois, dans la foulée de son élection, Donald Trump a promis de déclencher l’état d’urgence aux États-Unis et de mobiliser l’armée fédérale pour expulser des milliers de migrants qu’il juge illégaux.

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