Les services de renseignement sud-coréens et ukrainiens estiment que 300 soldats nord-coréens, engagés du côté russe, ont déjà été tués dans le conflit européen. Plusieurs auraient reçu l'ordre de se suicider pour ne pas être capturés.
Le visage bandé sur une mauvaise blessure à la mâchoire et un bras dans une attelle, un premier soldat nord-coréen répond par des mouvements de tête aux questions posés par un militaire ukrainien, à la voix maquillée, et un interprète. Un autre homme, les deux mains recouvertes de compresses de gaze, couché dans un lit, assure, lui, qu'il ne savait même pas qu'il se battait contre l'Ukraine. A Pyongyang, ses chefs lui auraient parlé d'un simple départ pour des manoeuvres d'entraînement.
En diffusant, ce lundi, ces premières images des interrogatoires de prisonniers nord-coréens, le président ukrainien Volodymyr Zelensky veut prouver à la communauté internationale que Moscou a bien déployé des milliers de soldats venus de Pyongyang dans sa guerre contre Kiev. « Le monde doit connaître la vérité sur ce qui se passe », a expliqué sur X, samedi, le dirigeant ukrainien, après la capture des deux hommes, dans la région russe de Koursk, où les forces ukrainiennes occupent plusieurs centaines de kilomètres carrés depuis août dernier.
Plus de 300 Nord-Coréens tués
Selon les services de renseignement sud-coréens (NIS), qui ont informé, ce lundi, des parlementaires à Séoul, plus de 300 Nord-Coréens auraient ainsi été tués, ces derniers mois, dans le conflit européen, dont ils ne comprennent ni les méthodes de guerre, ni, parfois, les ordres de leurs supérieurs russes. « Les estimations indiquent que 2.700 ont déjà été blessés », a expliqué Lee Seong-kweun, un député débriefé par les NIS. « Des notes retrouvées sur des soldats morts indiquent que les autorités nord-coréennes ont fait pression sur eux pour qu'ils se suicident », y compris en « se faisant exploser avant d'être capturés », a révélé l'élu.
Sur l'un des prisonniers comme sur plusieurs cadavres de Nord-Coréens fouillés ces derniers jours, les militaires ukrainiens affirment qu'ils ont aussi retrouvé, à plusieurs reprises, des faux documents d'identité assurant que ces soldats seraient originaires de la République de Touva, un territoire de la fédération russe situé en Sibérie orientale, juste au nord de la Mongolie, où Moscou a déjà recruté des milliers d'hommes pour alimenter son offensive en Ukraine. Sur les vidéos diffusées par Kiev, les prisonniers ne parlent toutefois pas le touvain (de la famille des langues turques), le russe ou le mongol, mais bien le coréen.
Un retour en Corée du Nord possible ?
Kiev et Séoul s'interrogent désormais sur le sort de ces prisonniers qui seraient, selon le NIS et les services ukrainiens, des membres du General Reconnaissance Bureau (GRB), un organe de renseignement de l'armée nord-coréenne. « Les autorités nord-coréennes leur ont dit qu'ils seraient 'traités en héros' pour leur rôle dans la guerre, sans leur promettre de salaire », a expliqué Lee Seong-kweun.
Les experts sud-coréens estiment toutefois qu'ils pourraient être sanctionnés ou exécutés lors d'un éventuel retour à Pyongyang, où le régime de Kim Jong-unrefuse toujours de reconnaître son implication dans le conflit. Dimanche, Volodymyr Zelensky a suggéré de les échanger contre des prisonniers ukrainiens dans une opération qui semble peu probable.
Séoul pourrait également proposer de les récupérer s'ils venaient à demander l'asile en Corée du Sud, où 34.000 Nord-Coréens ont déjà fait défection, pour des raisons politiques ou économiques, essentiellement depuis la fin des années 1990. « Mais il faudrait procéder à des examens juridiques, notamment en ce qui concerne le droit international, et consulter les pays concernés », a modéré Koo Byoung-sam, le porte-parole du ministère sud-coréen de l'Unification, qui gère les affaires intercoréennes. « Il n'y a rien que nous puissions dire à ce stade », a-t-il assuré.
Yann Rousseau (Correspondant à Tokyo)
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