Russie

Malgré les sanctions, la Russie affiche une nouvelle année de croissance spectaculaire

Auteur: Yves Bourdillon Source: Les Echos:::
Février 7, 2025 at 21:07
Le complexe militaro-industriel, illustré ici par une usine de chars, a joué un rôle clé dans la vigoureuse croissance économique russe. (Olga Maltseva/AFP)
Le complexe militaro-industriel, illustré ici par une usine de chars, a joué un rôle clé dans la vigoureuse croissance économique russe. (Olga Maltseva/AFP)

Le Kremlin se vante d'une hausse du PIB de 4 % l'an dernier en dépit des sanctions. De quoi continuer à financer son effort de guerre, estiment certains experts.

Les sanctions, quelles sanctions ? Le gouvernement russe a claironné ce vendredi une croissance du PIB de 4,1 % en 2024 et une révision à la hausse, au même niveau, de celle de 2023, affichée jusqu'ici à 3,6 %. « Cela dépasse les attentes », a assuré le Premier ministre, Mikhaïl Michoustine, lors d'une réunion avec Vladimir Poutine diffusée par le Kremlin. Il s'agit là des plus fortes croissances de l'économie russe depuis 2010, hormis le rebond post-Covid de 2021.

Une performance spectaculaire, compte tenu du fait que les Occidentaux ont fortement sanctionné le pays : eux qui absorbaient les deux tiers des exportations russes, essentiellement d'hydrocarbures, ont fermé leurs portes, peu ou prou (pour le gaz, c'est Poutine lui-même qui a fermé le robinet). Les exportations russes ont pu se redéployer vers d'autres marchés, surtout Inde et Chine ou Turquie, mais au prix de rabais conséquents.

Des dépenses militaires au plus haut

Cette croissance vigoureuse « n'est pas surprenante, estime Vladislav Inozemtsev, économiste du Centre pour l'analyse et la stratégie en Europe. Les fondamentaux macroéconomiques de l'économie russe sont relativement sains, avec des entreprises profitables dans l'ensemble et un budget fédéral solide grâce à l'apport de l'épargne domestique ».

Certes, mais cette croissance s'explique massivement par l'effort de guerre : l'an dernier, le budget russe pour la défense et la sécurité dans son ensemble s'était élevé à environ 8,7 % du PIB, une première en Russie depuis la chute de l'URSS en 1991. Cela représentait un tiers des dépenses de l'Etat.

Selon Vladislav Inozemtsev, les dépenses du complexe militaro-industriel ne sont à l'origine que de 1 % de la croissance du PIB, effets de « ruissellement inclus », en sus d'environ 1,5 % de croissance liée aux salaires et primes versées par l'Etat aux engagés sur le front. Cela laisserait donc, au sein d'un total de 4,1 %, une contribution des secteurs civils de 1,6 % environ selon les calculs de cet expert.

Pas spectaculaire, mais illustratif de la résilience de l'économie russe compte tenu de la sévérité des sanctions occidentales. Le chercheur estime que, sauf accident sur les marchés pétroliers, Vladimir Poutine disposera des ressources nécessaires pour mener la guerre encore cette année et sans doute l'an prochain.

 

L'horizon 2025 s'annonce pourtant morose, avec une croissance attendue en baisse, à 1,6 % selon la banque centrale. Le dopage de l'économie nationale par le complexe militaro-industriel n'est pas sans limites, ni effets pervers, d'autant plus que les nuages s'accumulent à l'horizon : la « flotte fantôme » des pétroliers acheminant discrètement du pétrole russe pour contourner les sanctions, a été repérée et enfin sanctionnée ces dernières semaines par l'administration Biden, puis Trump. Les ports chinois et indiens ne les accueillent plus.

Autre point noir, une inflation obstinément élevée, proche de 10 %. Cette dernière est alimentée par la pénurie de main-d'oeuvre, conséquence du départ de centaines de milliers de Russes sur le front ou à l'étranger, qui oblige les entreprises à proposer des salaires plus élevés. Vladimir Poutine, qui avait reconnu en décembre être préoccupé par ce niveau, le troisième plus élevé parmi les cinquante principales économies du monde, a exigé de son chef de gouvernement, vendredi, qu'il mette les bouchées doubles sur ce sujet.

L'augmentation des prix du beurre, de 36 % sur l'année, et de l'huile de tournesol, avait fait à l'automne les gros titres de la presse russe. Pour lutter contre l'inflation, le taux directeur de la banque centrale russe est fixé depuis fin octobre à 21 %, un record depuis 2003. Un niveau rédhibitoire pour les investissements dans le secteur privé.

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