L’achat de publicités sur Facebook et Instagram est devenu un enjeu électoral majeur pour les deux candidats à l’élection présidentielle américaine, selon une étude publiée mercredi. Cette première cartographie met en parallèle les dépenses publicitaires effectuées sur une année par Joe Biden puis par Kamala Harris d’un côté, et Donald Trump de l’autre.
C’est un autre champ de bataille dans la course à la présidentielle américaine. Une arène numérique dans laquelle la démocrate Kamala Harris et le républicain Donald Trump dépensent des millions de dollars pour atteindre des dizaines de millions d’électeurs qui se rendront aux urnes le 5 novembre.
Des spécialistes de la désinformation politique de l’université de Syracuse ont publié, mercredi 16 octobre, une cartographie inédite et détaillée des dépenses publicitaires des candidats et de leurs alliés sur Facebook et Instagram entre septembre 2023 et août 2024. Réalisés grâce aux algorithmes d’analyse des bases de données de la start-up californienne Neo4j, ces travaux, que France 24 a pu consulter en avant-première, ont aussi permis de découvrir des arnaques liées à l'élection américaine.
Kamala Harris, fille de pub ?
Il peut sembler surprenant de s’intéresser à Facebook à l’ère d'un TikTok triomphant. Il y a cependant d’abord une raison pratique : les plateformes de Meta sont les seules à fournir des données suffisantes pour une analyse satisfaisante des tendances.
En outre, l’empire de Mark Zuckerberg "reste une plateforme essentielle pour les annonceurs, vu que Facebook touche environ 64 % des Américains et Instagram 45 %", souligne Jennifer Stromer-Galley, spécialiste de l'influence politique en ligne qui a supervisé ces travaux dans le cadre du projet de recherche ElectionGraph 2024 de l’université de Syracuse.
Surtout, les réseaux sociaux plus à la mode "sont davantage utilisés par des jeunes, plus enclins à l’abstention, alors que le public de Facebook, plus âgé, se déplace plus volontiers pour voter. C’est donc une cible importante pour les publicités politiques", résume Jennifer Stromer-Galley.
Pour la présidentielle de 2024, ce sont les démocrates qui ont misé le plus gros sur les marques de Meta. Pour chaque dollar dépensé en publicité par Donald Trump, le camp démocrate en a dépensé 10. Sur un an, Joe Biden, puis Kamala Harris ont acheté pour un peu plus de 51 millions de dollars de publicité sur Facebook et Instagram contre 5,8 millions de dollars pour leur rival.
"C’est un résultat très surprenant puisque lors des précédentes campagnes présidentielles, les républicains dépensaient davantage. En 2016 par exemple, Donald Trump avait dépensé quatre fois plus en publicité sur Facebook que sa rivale démocrate d’alors [Hillary Clinton]", note Jennifer Stromer-Galley.
Ce renversement radical de tendance peut être dû à plusieurs facteurs. Les démocrates ont d'abord davantage de moyens levés puisqu'il ont levé bien plus de fonds que les républicains pour cette élection.
Ensuite, la campagne chaotique des démocrates a pu les inciter à dépenser plus. Joe Biden a pu vouloir dépenser plus pour tenter de rattraper son retard dans les sondages. Puis, dès qu'il a laissé la place à Kamala Harris, les dépenses ont explosé : plus de 15 millions de dollars d’achats d’annonces sur Facebook et Instagram en juillet 2024, peu après l’annonce du soutien de Joe Biden à la candidature de sa vice-présidente.
Donald Trump dans l'outrance
Ce n’est pas tout : "toutes les publicités ne se valent pas", souligne Jennifer Stromer-Galley. Il coûte plus cher de cibler certaines populations à certains endroits. Les jeunes femmes sont particulièrement prisées par les publicitaires, rappelle la spécialiste de la communication politique. Et Kamala Harris veut s'assurer leur soutien…. alors que Donald Trump vise plutôt les électeurs masculins. L’écart des dépenses s’explique ainsi aussi en partie par le fait que Kamala Harris doit payer plus cher pour ses publicités.
Il est un domaine dans lequel le candidat républicain dépasse de loin sa rivale démocrate : l’agressivité des messages publicitaires. Depuis février, environ 70 % des publicités diffusées sur les plateformes sont des "attaques personnelles, des messages irrespectueux ou les deux", souligne les auteurs du rapport.Donald Trump et ses alliés ont multiplié les "annonces dont le ton est inutilement grossier, dénigrant ou agressif à l’égard des démocrates", précise Jennifer Stromer-Galley. Par exemple, le recours systématique aux surnoms tels que "Kamabla" Harris entre dans cette catégorie.
Ce n’est pas franchement étonnant de la part d’un homme politique qui s’est déjà moqué publiquement d’un journaliste handicapé. Mais cette fois-ci, les publicités agressives sont encore plus nombreuses qu’en 2020. Et à l'approche du scrutin le ton devient de plus en plus virulent. Comme si les attaques personnelles étaient devenues l’alpha et l'oméga de la communication politique du candidat républicain.
Ce qui n’est pas entièrement vrai. Le thème de prédilection des publicités du camp pro-Trump est l’économie. L’immigration arrive loin derrière, ce qui détonne par rapport à l’obsession migratoire du candidat républicain lors de ses grands meetings.
Les arnaqueurs à l'affût
Cette étude s’intéresse aussi aux dépenses des réseaux qui gravitent autour des candidats - comités de soutien, les comptes individuels de politiciens et autres. Avec parfois des trouvailles étonnantes : ainsi dans le camp républicain, parmi ceux qui achètent des publicités pour soutenir Donald Trump, on ne trouve pas des noms de trumpistes célèbres comme la complotiste outrancière Marjorie Taylor-Greene, mais… Ronny Jackson, un candidat républicain au Texas. "Certes, c’était le médecin de Donald Trump lorsqu’il était président, mais on peut quand même se demander ce qu’il vient faire là aux côtés de JD Vance ou Lara Trump", note Jennifer Stromer-Galley.
Dans l’ombre de cette bataille publicitaire politique par publicité sur Facebook interposé, l’étude révèle aussi la persistance de réseaux d’acteurs "inauthentiques" qui cherchent à arnaquer les électeurs américains.
Le plus influent s’appelle "Liberty defender group". Sous prétexte d’offrir des "goodies" aux fans de Donald Trump, ces arnaqueurs tentent de récupérer leur numéro de carte de crédit pour facturer des abonnements mensuels à un fan club fictif du président américain. Pour y parvenir, ils ont acheté plus de 14 000 publicités pour un montant dépassant les cinq millions de dollars.
"On ne sait pas qui ils sont, si ces comptes sont liés à l’un des candidats, mais ils sont actifs", note Jennifer Stromer-Galley. En effet, son équipe de recherche avait déjà mis en lumière ce phénomène dans un précédent rapport publié en juillet 2024 et Facebook avait réagi en fermant plusieurs pages liées à ce réseau.
Mais il semble émerger de nouveau, démontrant que ces arnaqueurs estiment que l’élection américaine est un thème porteur pour se faire de l’argent.
<p>Evelyne Dillenseger, thérapeute de couple, nous éclaire sur la question et revient sur les raisons qui poussent les hommes à...