Volodymyr Zelensky est venu à Washington pour officialiser le partenariat sur l'exploitation minière de l'Ukraine. Mais la discussion a mal tourné avec Donald Trump, qui estime que le président ukrainien «n'est pas prêt pour la paix».
DÉCRYPTAGE
Vendredi en début d'après-midi, la réunion à la Maison-Blanche entre Donald Trump, son vice-président JD Vance et Volodymyr Zelensky a pris fin après un clash mémorable, rediffusé en direct à la télévision. Suite à cette rencontre, le président ukrainien a tourné les talons au lieu de signer un partenariat avec les Etats-Unis. La conférence de presse qui était prévue dans la foulée de la rencontre a été annulée.
Donald Trump a publié un mot vengeur sur Truth Social : «J'ai constaté que le président Zelensky n'était pas prêt pour la paix». «Il manque de respect aux Etats-Unis d'Amérique au sein même de son bureau ovale chéri. Il pourra revenir quand il sera prêt pour la paix».
De la gratitude et pas d'exigences
« Vous n'êtes pas vraiment en bonne position maintenant », a dit Donald Trump à son invité Volodymyr Zelensky ce vendredi, en parlant de la situation militaire ukrainienne face aux forces russes. Le président ukrainien n'était surtout pas en très bonne position entre l'hôte de la Maison-Blanche et le vice-président JD Vance, qui attendaient de lui de la gratitude et zéro exigence.
Volodymyr Zelensky a été invité pour signer un partenariat entre les deux pays donnant accès aux Etats-Unis aux ressources minières ukrainiennes. Mais la conversation à trois a tourné au vinaigre, après de premiers échanges pourtant constructifs. « Je pense que le président Trump est de notre côté », a notamment déclaré le président ukrainien au départ.
Pour Donald Trump, le « deal » sur les ressources représente déjà « 95 % » du travail pour parvenir à un cessez-le-feu en Ukraine. « C'est un deal incroyable pour l'Ukraine. On investit dans leur pays », a-t-il dit. Donald Trump a déclaré qu'il y aurait des armes envoyées à l'Ukraine, mais « j'espère que nous n'en enverrons pas beaucoup parce que je veux que ce soit réglé vite ».
« Vous jouez avec la troisième guerre mondiale »
Mais pour Volodymyr Zelensky, « il faut des garanties de sécurité » - ce que Donald Trump appelle « la partie facile ». « Nous n'accepterons jamais un simple cessez-le-feu », a ajouté le président ukrainien, pour qui l'Ukraine ne fera « pas de compromis avec un tueur sur notre territoire », en référence au président russe.
« Ça va être très dur de faire du business dans ces conditions », s'est alors emballé Donald Trump, en lui demandant d'être « plus reconnaissant », « parce que laissez-moi vous dire, vous n'avez pas les cartes en main. Avec nous, vous avez les cartes, sans nous, vous ne les avez pas ».
« Vous jouez avec la vie de millions de personnes. Vous jouez avec la troisième guerre mondiale et ce que vous faites est très irrespectueux pour le pays, ce pays », a encore lâché un Donald Trump très en colère. Le vice-président JD Vance est également intervenu, en accusant à son tour Volodymyr Zelensky de « manquer de respect » aux Américains, le tout devant les caméras.
Ravaler sa fierté
L'accord qui devait être signé ce vendredi stipule que les Etats-Unis créeront un fonds d'investissement, dans lequel l'Ukraine contribuera à hauteur de la moitié de ses ventes futures de gaz, de pétrole et de terres rares. Ce fonds investirait dans la reconstruction de l'Ukraine.
Le texte ne mentionne toujours pas de garantie de sécurité explicite, mais la seule présence d'intérêts américains dans le pays est censée dissuader la Russie d'attaquer l'Ukraine. La visite mardi du président français Emmanuel Macron puis jeudi du Premier ministre britannique Keir Starmer à Washington n'a pas suffi à infléchir la volonté de Donald Trump de laisser la défense du continent à l'Europe.
Pour venir à Washington, le président ukrainien a dû ravaler sa fierté après les provocations de Donald Trump, qui a multiplié les concessions à Moscou et traité l'Ukraine comme le responsable de l'invasion russe. Après que Volodymyr Zelensky a évoqué la « désinformation » régnant autour de la Maison-Blanche, le leader américain a même traité l'Ukrainien de « dictateur ». Puis il a fait mine de ne plus s'en souvenir jeudi.
Un modèle pour les « deals » futurs de l'Amérique
Le partenariat avec l'Ukraine est un marché imposé sous la contrainte, même si les conditions ne sont plus aussi léonines qu'au début de la négociation - Donald Trump exigeait que l'Ukraine paie 500 milliards de dollars et reconnaisse une dette pour l'aide gratuite apportée par les Etats-Unis. Car la Russie est dangereuse pour l'Ukraine, qui a besoin d'armes et de dissuasion américaines.
Cette entreprise évoque celle de la Chine, qui fait avancer ses intérêts géopolitiques dans le monde en signant des partenariats pour exploiter les terres ou les autres ressources naturelles de pays africains, avec son initiative des « routes de la Soie ». Pékin est parfois accusée de piller les pays pauvres en exigeant qu'ils remboursent coûte que coûte leur dette.
L'accord avec l'Ukraine « pourrait être le modèle pour toute une série de deals que les Etats-Unis pourraient conclure avec les pays à travers le monde », s'est félicitée Victoria Coates, de la fondation conservatrice Heritage, à l'antenne de Fox News. En Afrique, a-t-elle ajouté, Washington pourrait ainsi établir un « partenariat de prospérité mutuelle », en devenant « l'acheteur de premier ressort » des ressources naturelles locales, « plutôt que de laisser ces pays se commettre avec la Chine communiste ».
Solveig Godeluck (Bureau de New York)
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