Smartphones : Google repousse les limites de l'IA embarquée avec ses Pixel 10

Un smartphone taillé pour l'intelligence artificielle? Les « AI phones », appelés à succéder aux smartphones, sont désormais revendiqués par tous les fabricants. Pour Google, qui dévoilait ses Pixel 10 mercredi, à New York (et non pas chez lui, en Californie), l'enjeu est autre : cette gamme, autrefois vitrine de ses services, est désormais le faire-valoir de ses innovations en IA.

Maintenant que tout le monde propose des résumés de mail, de la retouche photo et de la création d'images par IA, il fallait aller plus loin. C'était le rêve d'Apple avec le nouveau Siri, mais il n'est pas encore prêt. Google, de son côté, a présenté « Magic Cue », un assistant capable de piloter en partie l'appareil, et de prodiguer des conseils pratiques en observant et anticipant les usages.

Au-delà du logiciel, l'une des annonces les plus marquantes est l'intégration de la puce maison Tensor G5, désormais conçue en interne, et fabriquée par le taïwanais TSMC - contre Samsung jusqu'à présent, lequel a rencontré les difficultés de rendement sur les puces gravées en 3 nm.

Vers l'IA agentique sur mobile

Cette nouvelle puce de l'ère TSMC n'est pas la plus puissante du marché, mais elle permet à Google de mieux contrôler la conception, et d'exécuter ses IA en local ; gage d'une meilleure réactivité et d'un partage moindre des données personnelles. Le Pixel 10 intègre ainsi l'IA Gemini Nano, la version compacte du modèle Gemini, pour alimenter l'assistant Magic Cue, taillée pour un usage local.

Pour Leo Gebbie, analyste principal chez CCS Insight, « il s'agit de la mise à jour matérielle la plus complète jamais réalisée par Google ». « Magic Cue paraît extrêmement utile et constitue une première étape vers les expériences d'IA agentique tant attendues », poursuit l'expert, selon qui Google a un avantage concurrentiel énorme grâce aux données engrangées par Gmail, Maps et Calendar. Il s'interroge cependant sur la capacité de l'assistant à se brancher aux services tiers.

De très bons téléphones premium, intégrés verticalement, cela rappelle la stratégie Apple. Pourtant, et malgré l'accueil favorable de la presse, les Pixel n'ont jamais percé en dix ans. Avec une telle intégration, de la puce au modèle Gemini en passant par l'écosystème de services, le tout maintenant interfacé par l'IA, « Google est en train de réaliser ce que l'iPhone veut faire avec Apple Intelligence », ose un analyste.

« Démontrer la valeur de l'écosystème intégré de Google »

Aux Etats-Unis et en Europe, Google a certes bénéficié d'une croissance à deux chiffres au deuxième trimestre et est entré dans le Top 5 des meilleurs vendeurs. Mais avec 3 % de parts de marché sur chacun des deux marchés (entre 800.000 et 1 million d'unités écoulées) selon Canalys, il est loin d'Apple et Samsung. Au niveau mondial, Google reste absent du Top 5 établi par le cabinet IDC.

« Au départ, les Google Pixel ont été conçus comme vitrine technologique pour limiter la fragmentation d'Android et accélérer l'innovation », rappelle Thomas Husson, vice-président chez Forrester. « Dix ans après, l'enjeu stratégique n'est toujours pas de devenir leader mais de démontrer la valeur de l'écosystème intégré de Google », poursuit-il. « Cela s'inscrit dans la continuité de la stratégie de Google, qui consiste à introduire d'abord ses innovations sur ses propres appareils, avant de les diffuser à l'écosystème Android », complète Leo Gebbie.

Avec un positionnement toujours plus premium, qui dépasse vite les 1.000 dollars et devait même atteindre 1.549 dollars pour le Pixel 10 Pro XL (1 To de stockage) et 2.149 dollars pour le modèle pliable, Google confirme le rôle vitrine de sa gamme mobile, pour le consommateur (qui bénéficie du « meilleur de Google ») et ses partenaires (qui peuvent goûter à sa vision).

D'après Thomas Husson, ce triple positionnement « permet de contrer Apple sur sa stratégie intégrée matériel/logiciels/services, de faire office de vrai laboratoire pour les dernières innovations en matière d'IA, et de rester un partenaire stratégique pour Samsung et l'écosystème Android ».

Mais pour Leo Gebbie, chez CCS Insight, « rien n'empêcherait les appareils Pixel de conquérir une part de marché beaucoup plus importante. La vraie question est de savoir jusqu'où Google veut aller ». Une réponse est déjà connue : chez Google en ce moment, le gros des investissements va à l'IA.