Enjeux Internationaux

Comprendre, Le b.a.-ba de l’Organisation de coopération de Shanghai

Auteur: admin Source: Radio Canada
Septembre 1, 2025 at 06:45
PHOTO : REUTERS / ALEXANDER KAZAKOV
PHOTO : REUTERS / ALEXANDER KAZAKOV

Les dirigeants chinois, russe, indien, iranien et turc ainsi qu'une kyrielle de responsables eurasiatiques se sont rencontrés dimanche et lundi lors d'un sommet censé montrer à l'heure des tensions géostratégiques qu'un autre modèle de relations internationales est possible, avec la Chine en son centre.

C'est dans cette optique que les chefs d'État et de gouvernement d'une vingtaine de pays et les responsables d'une dizaine d'organisations internationales et régionales ont afflué dimanche dans la mégapole portuaire de Tianjin, en Chine, pour participer au tout premier sommet de l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS) depuis le retour à la Maison-Blanche de Donald Trump.

Ce sommet de deux jours, qui prendra fin lundi, est décrit comme le plus important depuis la création de l’OCS, car il a lieu dans un contexte de crises multiples touchant directement ses membres : confrontation commerciale des États-Unis avec la Chine et l'Indeguerre en Ukrainequerelle nucléaire iranienne

Qui sont les membres de l’Organisation de coopération de Shanghai?

Créée le 15 juin 2001, cette organisation succède au Groupe de Shanghaifondé en 1996. L’OCS, qui possède à ce jour dix membres, a été instituée par la Chine, la Russie, le Kazakhstan, le Kirghizistan, l'Ouzbékistan et le Tadjikistan.

C’est en 2016 qu’elle s'est élargie à l'Inde et au Pakistan, puis à l'Iran en 2021. Le Bélarus est le tout dernier membre à avoir joint l’organisation en 2024.

 

Mikhaïl Michoustine et Shehbaz Sharif posent en se serrant la main.
Le premier ministre russe Mikhaïl Michoustine (gauche) et le premier ministre pakistanais Shehbaz Sharif (droite) se serrent la main lors du sommet de l'Organisation de coopération de Shanghai, à Islamabad, le 16 octobre 2024. PHOTO : GETTY IMAGES / AFP / ALEXANDER MIRIDONOV

Le siège social de l'Organisation est à Pékin, en Chine, et son secrétaire général est Zhang Ming. Sa structure antiterroriste régionale est quant à elle installée à Tachkent, en Ouzbékistan. Ce sont les deux seules structures permanentes de l'OCS.

Quel est l’objectif d’une telle organisation?

À l'origine, l’Organisation a été mise sur pied pour des raisons sécuritaires et économiques strictement régionales. Cependant, l’OCS est progressivement devenue l’une des tribunes privilégiées de la Russie et de la Chine pour manifester leur solidarité politique face à l’hégémonisme des États-Unis. L'OCS s'est donc transformée petit à petit en un outil d'opposition à la présence des États-Unis en Asie.

 

 Xi Jinping serre la main de Vladimir Poutine.
Le président chinois Xi Jinping accueille le président russe Vladimir Poutine lors d'une cérémonie au sommet de l'Organisation de coopération de Shanghai (OCS) à Tianjin, en Chine, le 31 août 2025. PHOTO : REUTERS / ALEXANDER KAZAKOV

L'OCS est l'un des fers de lance de la géopolitique de la Russie, dont le tournant vers l'Asie, amorcé dès la fin des années 1990, a été amplifié par Vladimir Poutine dans les années 2010, en même temps que se détérioraient ses relations avec les Occidentaux. La Russie utilise aussi le groupe pour maintenir son influence sur les anciennes républiques soviétiques d’Asie centrale, soit le Kazakhstan, l’Ouzbékistan, le Tadjikistan et le Kirghizistan.

La Chine et la Russie s'appuient d'ailleurs réciproquement l'une sur l'autre. Pour peser en Europe, la Russie cherche des soutiens du côté de la Chine qui, pour sa part, utilise son partenariat avec la Russie pour diversifier son approvisionnement énergétique et contrebalancer l'influence des États-Unis en Asie centrale.

Le chinois et le russe sont d'ailleurs les deux langues officielles de l'OCS.

Quelle est l'importance de l'OCS sur la scène internationale?

Malgré un nombre de membres peu élevé comparativement à d'autres d'organisations internationales comme l'OTAN ou encore l'UNHCR, l'OCSpeut compter sur le pays le plus vaste du monde, la Russie, et les deux plus peuplés, l'Inde et la Chine.

L'OCS représente ainsi presque la moitié de la population mondiale (43 %) et 23,5 % du PIB de la planète. Son espace renferme aussi d'importantes réserves énergétiques, comme le charbon, l'uranium, le pétrole et le gaz naturel).

 

Quatre hommes marchent devant un écriteau du sommet 2025 de l'OCS.
Des responsables marchent à l'extérieur du centre de congrès et d'exposition Tianjin Meijiang avant le sommet de l'Organisation de coopération de Shanghai (OCS) à Tianjin, le 31 août 2025. PHOTO : GETTY IMAGES / AFP / PEDRO PARDO

L'OCS a par ailleurs acquis le statut d'observateur aux travaux et aux sessions de l'Assemblée générale des Nations unies depuis décembre 2004.

Le champ d'action de l'OCS est conséquemment loin d’être limité au niveau régional : les consultations et la coordination des actions menées par ses membres s'étendent aussi aux questions internationales afin de maintenir un équilibre stratégique global.

L’OCS est volontiers présentée comme faisant contrepoids à l'OTAN, une alliance politique et militaire intergouvernementale qui regroupe des pays d'Europe et d'Amérique du Nord. Or, la première est une organisation internationale à vocation économique, tandis que la seconde est une alliance militaire et centrée sur les questions de sécurité internationale. Le mandat et la vocation de ces deux structures sont donc totalement différents, explique Maxime Duchâteau, chargé de cours en science politique à l'Université de Montréal et assistant de recherche au Centre d'études internationales de Montréal (CÉRIUM).

Il n'y a par ailleurs aucune mutualisation des forces armées au sein de l'OCS; la Charte de l'organisation exclut le recours à la force militaire. Il n'y a pas non plus de mécanisme supranational de solidarité collective en cas d'attaque, comme l'article 5 de l'OTAN qui indique qu'une attaque armée contre un État membre est considérée comme une attaque contre tous les autres membres, qui doivent alors assister l'État attaqué.

Il y a, en revanche, un regroupement des agences de renseignement des États membres (la Structure régionale antiterroriste), ainsi qu’un partage des consulats de même que des services de douane et d'immigration.

 

Un véhicule de la police chinoise se trouve devant des drapeaux des pays membres de l'OCS flottent au bout de leurs mâts devant un grand édifice.
Des drapeaux flottent à l'extérieur du centre de congrès et d'exposition Tianjin Meijiang pendant le sommet de l'Organisation de coopération de Shanghai (OCS) à Tianjin, le 31 août 2025. PHOTO : GETTY IMAGES / AFP / WANG ZHAO

L'Organisation institutionnalise aussi une coopération visant à assurer la sécurité collective de ses adhérents face aux menaces du terrorisme, de l'extrémisme et du séparatisme en coopérant sur les plans politique, militaire et économique.

Qui participe aux sommets de l’OCS et pourquoi?

Outre les dix États membres, des États observateurs participent de plein droit aux sommets de l’OCS. S’ils peuvent y faire des propositions, ils n’ont cependant pas le droit de vote.

On compte deux États observateurs soient la Mongolie (depuis 2004) et l'Afghanistan (depuis 2012). Ce statut a par ailleurs été refusé aux États-Unis et au Japon.

On dénombre aussi 14 États partenaires de dialogue, tels que la Turquie, le Cambodge, l’Arabie saoudite ou encore l'Arménie.

 

Tayyip Erdogan et Xi Jinping se serrent la main devant des drapeaux de la Turquie et de la Chine.
Le président turc Tayyip Erdogan serre la main du président chinois Xi Jinping lors d'une réunion en marge du sommet de l'Organisation de coopération de Shanghai (OCS) à Tianjin, en Chine, le 31 août 2025. PHOTO : REUTERS / MURAT CETINMUHURDAR/PRESIDENTIAL

Le statut intermédiaire d'État observateur, entre État membre et partenaire de dialogue, est plus proche d'une éventuelle adhésion à l'OCS que les partenaires de dialogue, dont le statut est beaucoup plus souple, souligne le politologue Maxime Duchâteau.

En outre, le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, et le secrétaire général de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ANASE), Kao Kim Hourn, participeront également au sommet.

Si le sommet prend fin lundi, certains dirigeants resteront toutefois en Chine afin d’assister au défilé de commémoration du 80e anniversaire de la fin de la Seconde Guerre mondiale, qui, lui, aura lieu mercredi. Le président russe Vladimir Poutine prévoit par ailleurs ouvertement y rencontrer le premier ministre de la Slovaquie, Robert Fico, connu pour ses positions pro-russes.

Fait à considérer : le leader nord-coréen, Kim Jong-un, fera une rare sortie hors de son pays reclus pour assister, lui aussi, au défilé. Il s’agira de son premier déplacement en Chine depuis 2019.

Xi Jinping montre donc, de cette manière, que la Chine peut être un pôle d'attraction économique et diplomatique significatif, souligne Maxime Duchâteau.

Quels sont les points de tension parmi les membres?

L'OCS – dont les décisions fonctionnent par consensus – regroupe des membres aux rapports délicats les uns avec les autres, aux intérêts antagonistes et aux systèmes divergents.

L'Inde entretient des relations tendues avec la Chine et le Pakistan. Ces trois pays sont des puissances nucléaires et les disputes qui opposent l'Inde et ses deux grands voisins, concernant notamment les frontières des Ladakh et Cachemire, perdurent depuis des décennies.

 

Le premier ministre indien Narendra Modi serre la main du président chinois Xi Jinping.
Le premier ministre indien Narendra Modi serre la main du président chinois Xi Jinping lors d'une réunion en marge du sommet de l'Organisation de coopération de Shanghai (OCS) à Tianjin, en Chine, le 31 août 2025. PHOTO : REUTERS / PRESS INFORMATION BUREAU

Ces rivalités sont des obstacles sérieux à un approfondissement des liens et éloignent un peu plus toute perspective que l'OCS se transforme en une véritable alliance politico-militaire.

C'est dans ce contexte que la visite du premier ministre indien en Chine (sa première depuis 2018) est le signe d’un effort de rapprochement entre les deux géants asiatiques. Le président chinois Xi Jinping et le premier ministre indien Narendra Modi se sont engagés à résoudre leurs différends frontaliers et à renforcer leur coopération en relançant les négociations frontalières et en reprenant la délivrance de visas et les vols directs.

Ce rapprochement est possiblement accéléré par les droits de douane de 50 % imposés par le président américain Donald Trump sur les produits indiens, qui ont contraint New Delhi à rechercher des partenariats plus solides avec Pékin et d'autres acteurs en Eurasie.

Par ailleurs, un autre point de tension à surveiller au sein de l'OCS réside dans le fait que Ilham Aliyev (président de l'Azerbaïdjan) et Nikol Pachinian (premier ministre de l'Arménie) se sont rendus au sommet, alors que les deux pays sortent d'une guerre larvée qui a duré 30 ans, met de l'avant Maxime Duchâteau.

De surcroît, si la plupart des membres de l'organisation s’alignent sur les intérêts de la Russie dans le cadre de sa guerre en Ukraine, l’Inde a tenté de jouer un rôle plus équilibré. Cette dernière a tissé des liens plus forts avec l’Ukraine, tout en achetant des niveaux records de pétrole à la Russie.

Enfin, la guerre qu'Israël mène à Gaza, de même que ses offensives militaires en Cisjordanie occupée, au Liban et en Iran, divisent également l'OCS.

Lorsque le groupe a condamné l’attaque israélienne de juin contre l’Iran, l’Inde, qui entretient également des liens étroits avec Israël, a refusé d’approuver une déclaration commune.

À titre d'exemple, la dernière fois que les membres se sont entendus à l'unanimité remonte à 2019, lorsque ces derniers ont appelé à la promulgation d'un protocole sur les garanties de sécurité au Traité de Semipalatinsk, en vertu duquel le Kazakhstan, le Kirghizistan, l'Ouzbékistan, le Tadjikistan et le Turkménistan s'engagent à ne pas développer, acquérir, tester ou détenir d'armes nucléaires.

Maxime Duchâteau souligne toutefois que la vision et l'identité du groupe restent floues et que l'organisation se cherche encore une identité. Les deux États qui sont au cœur de cette organisation, la Russie et la Chine, ne cherchent pas la même chose à travers elle. Pour la Russie, c'est une structure essentielle qui permet d'approfondir sa coopération économique avec les États d'Asie du Sud, tout en se rapprochant de la Chine, avec qui les relations n'ont pas toujours été bonnes. Pour la Chine, l'OCS est un outil parmi d'autres pour accroître son influence diplomatique et économique en Eurasie, précise-t-il.

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