Le chancelier allemand a admis qu'il avait sans doute trop tardé à mettre fin à la coalition. A six semaines des élections, le parti social-démocrate reste en panne dans les sondages.
Ce samedi, Olaf Scholz s'est livré à un exercice étonnant. Devant les 600 délégués du parti social-démocrate réunis en congrès à Berlin, le chancelier allemand a exprimé des regrets. Il a reconnu qu'il n'avait peut-être pas eu la réaction adéquate, lorsque la coalition, qui réunissait les socio-démocrates, les écologistes et les libéraux, s'est mise de plus en plus à tanguer.
« J'aurais peut-être dû taper du poing sur la table plus vite, pas seulement en coulisses, mais aussi en public », a déclaré Olaf Scholz. « J'aurais peut-être dû mettre fin à la coalition encore plus tôt. Au moins quand il est devenu clair l'été dernier, que le FDP (NDLR : le parti libéral) ne serait plus constructif ».
« L'unité ne se décrète pas »
Le chancelier, qui a limogé son ministre libéral des Finances, Christian Lindner en novembre , a expliqué avoir voulu « maintenir cette constellation compliquée, par responsabilité » pour le pays. « Mais l'unité ne se décrète pas », a reconnu Olaf Scholz.
En politique, l'autocritique est rare. A l'automne, Angela Merkel s'est refusée à la chose , lorsqu'elle a publié ses mémoires. Pas question de regretter sa décision de sortir du nucléaire, même si elle a accru la dépendance de l'Allemagne au gaz russe et fait s'envoler les prix de l'énergie, lorsque la Russie a attaqué l'Ukraine. Même chose en France, où les regrets d'Emmanuel Macron se font toujours attendre, après une dissolution de l'assemblée nationale, qui a plongé le pays dans une crise majeure.
En revanche, Robert Habeck, le leader des écologistes allemands , s'est aventuré sur ce terrain. Le dirigeant ne se présente pas comme infaillible et préfère affirmer qu'il apprend de ses erreurs. Outre-Rhin, l'autocritique d'Olaf Scholz surprend d'autant plus que l'homme est souvent décrit comme un « Monsieur-je-sais-tout » par les médias allemands.
Un tonnerre d'applaudissements
Mais sur un plan tactique, elle a du sens. Dans la salle, ces quelques phrases ont suscité un tonnerre d'applaudissements de la part des délégués et des militants du parti social-démocrate. « C'était un peu un cri du coeur », explique un délégué, après le congrès. « Dans le parti, on ne pouvait plus supporter le parti libéral. C'était un frein sur tout. »
Ce genre de déclaration permet aussi de serrer les rangs, à un moment où le parti a plus que jamais besoin d'unité. Selon les derniers sondages, les socio-démocrates sont crédités de 14 % à 17 % d'intentions de vote, loin derrière les conservateurs (entre 29 et 32 %) et l'extrême droite (entre 18 et 22 %) .
« Tout couper à la tronçonneuse »
Pour mobiliser les troupes, Olaf Scholz a souligné dès le début de son discours combien l'heure était grave, évoquant pêle-mêle la guerre en Ukraine, l'administration Trump et l'arrivée possible d'un chancelier d'extrême droite en Autriche .
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C'est « une époque où les populistes de droite et les nationalistes radicaux sont au gouvernement dans un nombre croissant de pays. Une époque où des gens rêvent de tout couper à la tronçonneuse. La démocratie, l'Etat social, l'égalité… », a déclaré le chancelier.
Olaf Scholz a attaqué les baisses d'impôts annoncées par les conservateurs. « 90 % de ces baisses vont profiter aux 10 % de revenus les plus élevés », a dénoncé le chancelier, tout en jugeant que ces mesures impacteront inévitablement le reste de la population.
Pas de vidéos de France
Ce samedi, les 600 délégués du parti ont fait d'Olaf Scholz leur candidat officiel à la chancellerie, lors d'un vote à main levée. Beaucoup penchaient plutôt pour le ministre de la Défense , Boris Pistorius, beaucoup plus populaire en Allemagne. Mais la direction a préféré miser sur l'expérience d'Olaf Scholz et le programme du parti. Près d'une dizaine de responsables européens ont apporté leur soutien au chancelier dans une vidéo. Rien n'est venu de France.
Pour l'instant, le pari du rebond semble plutôt raté. Présentées avant Noël, les propositions des socio-démocrates (salaire minimum à 15 euros brut de l'heure, crédit d'impôts de 10 % pour les investissements en Allemagne, stabilité des retraites, baisse d'impôts pour 95 % des contribuables) n'ont pas changé la donne. « Le document de 180 pages qui décrit les différentes propositions est trop compliqué, même pour quelqu'un qui s'intéresse à la politique », estime Tilman Mayer, politologue à l'université de Bonn.
« Le parti oscille entre espoir et inquiétude ».
Les militants, eux, veulent y croire. « Pendant les vacances de Noël, personne ne s'est intéressé à rien, mais maintenant, la campagne commence vraiment… », explique Thomas, membre du parti depuis 2010. « Bien sûr, c'est plus difficile de faire campagne en hiver mais les militants sont motivés. J'ai collé des affiches ces jours-ci et je me suis bien gelé les mains. Mais on le fait quand même. »
« Cette campagne est beaucoup plus courte que d'habitude et il est plus compliqué de rencontrer des gens mais la motivation de la base reste très forte », ajoute Rieke, membre du SPD depuis 2016. Jürgen, la cinquantaine, est plus mesuré : « Aujourd'hui, le parti oscille entre espoir et inquiétude ».
Olaf Scholz est conscient de la difficulté de ces élections pour ses troupes. « Il reste 43 jours jusqu'au 23 février et cette campagne en hiver demande une sacrée résistance. Je sais que ce n'est pas facile. Mais je sais aussi que les campagnes d'hiver peuvent avoir une fin heureuse. À Hambourg, je me suis présenté deux fois aux élections en février et j'ai gagné deux fois », a martelé le chancelier. Et puis à défaut de rester au pouvoir, il s'agit au moins d'éviter une défaite historique.
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