Syrie

Syrie : Alep, la deuxième ville du pays, ainsi que son aéroport aux mains des djihadistes

Auteur: Patricia Chaira Source: Les Echos:::
Novembre 30, 2024 at 12:15
Des djihadistes et leurs alliés ont pris une partie de la ville d'Alep. Ici, devant la citadelle, ce 30 novembre 2024. (Photo by Muhammad HAJ KADOUR/AFP)
Des djihadistes et leurs alliés ont pris une partie de la ville d'Alep. Ici, devant la citadelle, ce 30 novembre 2024. (Photo by Muhammad HAJ KADOUR/AFP)

 

Le groupe islamiste Hayat Tahrir al Cham (HTS) et ses alliés contrôlent une grande partie de la ville d'Alep, dont l'aéroport de la deuxième du pays, ainsi que des localités stratégiques dans les provinces d'Idleb et Hama. Les ennemis du régime syrien profitent de la faiblesse du Hezbollah et de son allié iranien, aux prises avec Israël. Les diplomaties turque, iranienne et russe expriment leur inquiétude.

Sitôt le feu éteint au Liban après 13 mois de guerre entre Israël et le Hezbollah , ou le cessez-le-feu est globalement respecté, un autre s'est rallumé chez le voisin syrien où les rebelles islamistes mènent une offensive contre le régime depuis mercredi. C'est à Alep, la deuxième ville du pays, que les combattants du groupe islamiste Hayat Tahrir al Cham (HTS) et ses factions alliées ont fait leur entrée en force vendredi matin et contrôlent désormais la moitié de la ville, dont les quartiers symboliques de la citadelle antique, la mosquée des Omeyades ou encore l'emblématique place Salaheddine où les opposants à Bachar Al Assad de l'ASL, l'armée syrienne libre, avaient lancé leurs combats en 2012.

L'aéroport d'Alep est tombé aux mains des rebelles tandis que ce celui de Damas est fermé. Les axes routiers reliant Alep et le nord-ouest de la Syrie à la capitale ont été coupés par les insurgés où de violents combats se poursuivent à l'artillerie tandis que l'aviation russe mène des raids en appui au régime. Par ailleurs, les rebelles se seraient également emparés de dizaines localités stratégiques dans les provinces d'Idleb et Hama.

Sergueï Lavrov et Hakan Fidan, les chefs de la diplomatie russe et turc se sont entretenus. Exprimant leur vive inquiétude face à « l'évolution dangereuse de la situation en Syrie, liée à l'escalade militaire dans les provinces d'Alep et d'Idleb », a indiqué le ministère russe des Affaires étrangères dans un communiqué. L'Iran a, elle, affirmé que des « éléments terroristes » avaient attaqué son consulat à Alep. Appelant à une « coordination » avec Moscou pour faire face à cette offensive, son chef de la diplomatie Abbas Araghchi doit se rendre dimanche en Syrie.

Un demi-million de morts en cinq ansAprès un calme relatif de cinq années de cessez-le-feu en Syrie, un pays décharné par les bombardements massifs du régime sur sa propre population, la guerre, qui a fait un demi-million de morts et des centaines de milliers de réfugiés, se réveille. Mais cette fois, Bachar al Assad aura du mal à compter sur les hommes du Hezbollah envoyés durant la guerre civile par l'allié iranien pour lui prêter mon forte et qui lui avait permis, avec l'appui de Moscou, de reprendre le contrôle de la majorité du pays. En effet, l e mouvement chiite a subi le feu d'Israël jusqu'en Syrie où il possède des sites militaires et par où transitent ses armes en provenance de l'Iran depuis toujours. En début de semaine, l'armée israélienne a mené une série de frappes sur 3 postes frontières entre le nord du Liban et la Syrie visant à détruire les circuits de contrebande d'armes du Hezbollah.

En septembre dernier, Tsahal avait attaqué, sur le sol syrien, une usine de fabrication de missiles de la milice chiite et éliminé fin octobre à Damas un commandant des Gardiens de la révolution iraniens, Ali Hassan Gharib. Mardi, lors de sa déclaration d'approbation du cessez-le-feu au Liban, le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou avait prévenu qu'il s'agissait pour l'Etat hébreu de se concentrer sur l'Iran, prévenant la Syrie du « prix à payer » si elle aide le Hezbollah à se réarmer.

Selon Reuters, Mustafa Abdul Jaber, commandant du groupe insurgé Jaish al-Izza, a déclaré que leur avancée rapide cette semaine avait été facilitée par un manque d'effectifs iraniens dans la province d'Alep. De son côté, le directeur de l'Observatoire des Droits de l'Homme Syrien (OSDH), Rami Abdel Rahmane s'interroge sur la dépendance au Hezbollah des troupes de Bachar Al Assad.

Le Hezbollah exsangue fait défection au régime syrien

Pour Pierre Razoux, directeur académique de la Fondation méditerranéenne d'études stratégiques, « Il est très probable que les groupes islamistes d'opposition à Bachar el-Assad aient profité du cessez-le-feu entre Israël et le Hezbollah pour attaquer au nord-ouest de la Syrie depuis leur fief d'Idlib, estimant que le régime syrien était focalisé sur le sud du pays face à Israël. Une fois le Hezbollah libanais hors-jeu, les régimes syrien et irakien craignent en effet d'être les prochaines cibles d'Israël. L'absence de renforts du Hezbollah exsangue crée une opportunité pour les rebelles. »

Dès le début de l'offensive, le général Kioumars Pourhashemi, haut conseiller iranien à Alep, a été tué dans les combats entre rebelles djihadistes et forces loyalistes, « Peut-être même que les Israéliens ont passé l'info aux Turcs sur la présence d'un général iranien qui l'ont passé aux rebelles », ajoute Pierre Razoux.

Le feu vert turc

La province d'Alep, située au nord-ouest du pays, jouxte la région d'Idlib où sont regroupés les derniers opposants armés à Bachar Al Assad. Idleb ressemble à un vaste camp de déplacés à ciel ouvert depuis que la guerre a éclaté en Syrie en 2011 et où la population avait trouvé refuge fuyant les bombardements du régime à travers tout le pays. Idleb et le nord-ouest syrien sont contrôlés depuis par HTS, un groupe islamiste qui s'est dissocié d'Al-Qaida dont il est issu et qui s'est opposé aux djihadistes de Daesh.

La Turquie, qui avait lancé la trêve avec Moscou en 2020, a donné « son feu vert » à l'offensive des insurgés islamistes implantés à ses frontières et où elle n'a de cesse de combattre les Kurdes. « L'élection de Donald Trump laisse en outre entrevoir un retrait rapide des militaires américains de Syrie et d'Irak, ce qui est une très mauvaise nouvelle pour les Kurdes, mais une excellente nouvelle pour Erdogan qui peut envisager de pousser ses pions dans le nord de la Syrie, notamment les rebelles islamistes syriens qu'il arme et soutient. Cette offensive surprise illustre donc les recompositions en cours au Moyen-Orient », analyse le directeur académique de la Fondation méditerranéenne d'études stratégiques.

(Patricia Chaira, correspondante à Beyrouth)

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