Iran

Portrait. Ali Khamenei, le maître crépusculaire de la République islamique d’Iran

Auteur: Soulayma Mardam Bey Source: Le Courier International
Juin 21, 2025 at 08:41
Une fresque murale à l’effigie du guide suprême iranien, Ali Khamenei (gauche) et de son prédécesseur, Ruhollah Khomeyni (droite), le père de la révolution islamique, en 2006 à Téhéran. Photo SHAWN BALDWIN/THE NEW YORK TIMES
Une fresque murale à l’effigie du guide suprême iranien, Ali Khamenei (gauche) et de son prédécesseur, Ruhollah Khomeyni (droite), le père de la révolution islamique, en 2006 à Téhéran. Photo SHAWN BALDWIN/THE NEW YORK TIMES

Pétri par l’islam révolutionnaire et les traumatismes de la guerre Iran-Irak, le guide suprême iranien, qui a succédé en 1989 au père de la révolution islamique, l’ayatollah Khomeyni, a assis un pouvoir absolu à l’intérieur du pays et dominateur sur le plan régional. Mais depuis le 7 octobre 2023, jamais son empire n’avait été aussi mis à mal. Un portrait du journal libanais “L’Orient-Le Jour”.

 

2 avril 1980. L’histoire est une cavalcade au tempo pressé. La révolution islamique en Iran [en 1979], les accords de Camp David [en 1978, qui aboutiront, l’année suivante, au traité de paix entre Israël et l’Égypte] et l’invasion de l’Afghanistan par l’URSS [en 1979] ont accéléré la cadence.

Mais pour les diplomates américains retenus en otage à Téhéran depuis cinq mois, la vie s’est arrêtée. L’opération Eagle Claw lancée par le président des États-Unis Jimmy Carter pour tenter de libérer les captifs n’a pas encore eu lieu.

John Limbert, la trentaine, est alors en isolement carcéral. En cette journée de printemps, il reçoit la visite matinale de deux représentants suisses du Comité international de la Croix-Rouge.

Plus tard, c’est au tour d’un personnage inconnu au bataillon de débarquer, accompagné d’une petite équipe de cameramen. Son allure est frêle, sa barbe est noire. Tout comme son turban. Le clerc est l’envoyé d’un régime encore balbutiant. La scène est filmée. Elle a des airs d’opération séduction à destination de la communauté internationale. L’interlocuteur de John Limbert est alors un certain Ali Khamenei. “Il ne s’est pas vraiment présenté, mais semblait avoir une position dans la défense”, se souvient l’ancien diplomate.

À l’époque, personne n’imagine une seconde le destin qui attend le clerc. “Je ne me voyais pas du tout en train de discuter avec un politicien de premier plan. Je n’avais d’ailleurs jamais entendu parler de lui”, dit John Limbert.

 

L’effondrement fulgurant de son “œuvre”

À première vue, l’ayatollah Ali Khamenei est une énigme. Peu populaire, il n’a ni le charisme ni la profonde érudition religieuse de son prédécesseur, l’ayatollah Ruhollah Khomeyni [le premier guide suprême de la République islamique], celui qui changea en son temps la face du Moyen-Orient.

Et pourtant, en plus de trois décennies, il a su naviguer dans les eaux troubles de la région avec ruse, mis hors d’état de nuire ses rivaux en interne, réprimé sans vergogne les vagues contestataires et étendu l’influence iranienne dans le voisinage arabe, transformant ces nouvelles “provinces” en lieux de conflit indirect avec son ennemi juré américain.

Mais aujourd’hui, à l’âge de 86 ans, Ali Khamenei semble sur la sellette. Au crépuscule de sa vie, la guerre à laquelle il se livre indirectement voilà des années avec Israël se propage sur son territoire et met en péril son régime.

Depuis le 7 octobre 2023, l’homme fort d’Iran assiste à l’effondrement fulgurant de son “œuvre”. Un héritage patiemment bâti qui, en quelques mois seulement, a volé en éclats. La doctrine israélienne de la pieuvre en est à son dernier stade.

Il fallait d’abord couper les bras de l’animal. Le Hezbollah – “joyau de la couronne” – a été décapité. La présence de l’Iran en Syrie a été largement dégradée. La chute du régime sanguinaire de Bachar El-Assad place désormais Damas dans le giron des États arabes du Golfe, alliés de Washington. Les groupes armés irakiens affiliés à la République islamique sont de plus en plus isolés. Et le Hamas – dont le lien à l’Iran est complexe et non organique – gouverne aujourd’hui une bande de Gaza dans laquelle Tel-Aviv ne cache plus ses ambitions : le nettoyage ethnique.

Désormais, l’État hébreu veut s’attaquer à la tête. Avec un objectif affiché : la destruction du programme nucléaire iranien et des capacités militaires de Téhéran. Et un autre objectif, aux contours plus flous : le changement de régime. Ali Khamenei sera-t-il assassiné ? Et sa mort, dans de telles conditions, signifierait-elle nécessairement la fin de la République islamique ? Israël compte-t-il plutôt affaiblir autant que faire se peut un régime qu’il sait maudit par une grande partie de sa population pour encourager celle-ci à se soulever ? À l’heure d’écrire ces lignes, tous les scénarios sont possibles. Mais aucun n’envisage une sortie de scène victorieuse pour le guide suprême.

 

La rencontre décisive avec Khomeyni

Ali Khamenei lors d’une manifestation à Machhad pendant la révolution iranienne, à la fin des années 1970.
Ali Khamenei lors d’une manifestation à Machhad pendant la révolution iranienne, à la fin des années 1970. Wikimedia Commons

 

Né en 1939 à Machhad, dans le nord-est de l’Iran, de l’union d’un clerc, le jeune Ali grandit dans un foyer modeste. Très vite, il se distingue par son profil atypique. “Depuis sa plus tendre enfance, il aimait la littérature plus que la théologie et passait plus de temps à la bibliothèque Astan-e Qods-e Razavi – la plus grande collection de livres en Iran – qu’à la mosquée”, souligne Ali Alfoneh, chercheur auprès de l’Arab Gulf States Institute, situé à Washington.

Une passion qui l’introduit, à la fin des années 1950, dans les salons littéraires de Machhad où il lie connaissance avec les hommes de lettres locaux, souvent marqués à gauche. “Il a été particulièrement impressionné par deux individus : Ali Shariati, un intellectuel de Machhad qui mélangeait chiisme et marxisme dans ses œuvres polémiques, et le romancier Jalal Al-e Ahmad, qui a imputé le retard et le sous-développement de l’Iran à l’émulation de l’Occident par le régime Pahlavi”, indique Ali Alfoneh.

Le jeune homme s’installe ensuite à Qom, où il réside de 1958 à 1964. Une période décisive puisqu’il y fait la rencontre de l’ayatollah Ruhollah Khomeyni, dont l’opposition à la modernisation de l’Iran sous le régime du chah – jugée contraire à l’islam – aura sur lui une influence indéniable.

Marqué par l’empreinte du mouvement Fadayan-e Islam – groupe fondamentaliste chiite fondé à la fin des années 1940, Ali Khamenei épouse pleinement l’idéologie révolutionnaire de l’ayatollah Khomeyni et contribue au recrutement de nouveaux militants pour porter le projet de son maître.

Il retourne ensuite à Machhad, où il dépose ses bagages jusqu’au déclenchement de la révolution islamique. Une séquence entrecoupée par des expériences de détention à Téhéran et d’exil pour dissidence politique.

 

Une fresque à l’effigie d’Ali Khamenei, à Téhéran, en 2006.
Une fresque à l’effigie d’Ali Khamenei, à Téhéran, en 2006. Photo SHAWN BALDWIN/THE NEW YORK TIMES

 

L’islam révolutionnaire

Surtout, en 1967, il traduit en persan l’ouvrage du Frère musulman Sayyid Qutb L’Avenir de cette religion, dans lequel l’auteur défend la suprématie politique de l’islam. Dans la préface de sa traduction, Ali Khamenei avance que l’islam doit moderniser son message s’il veut séduire les jeunes générations.

À ses yeux, la plupart des musulmans restreignent la religion aux rituels. Une vision quiétiste qui néglige sa force révolutionnaire, ne bouleverse ni l’ordre social ni l’ordre politique, et dont peuvent parfaitement s’accommoder les puissances impérialistes occidentales. Ce rejet de l’Occident s’inscrit dans le contexte international d’une époque où, aux quatre coins de la planète, le tiers-mondisme a le vent en poupe.

“Ali Khamenei est un produit de son temps. Il fait ses armes en politique dans les années 1960 et 1970, à l’heure des expérimentations révolutionnaires et des imaginations politiques à l’échelle globale, souligne l’historien Arash Azizi. C’est aussi une ère marquée par l’extrémisme en politique. Sa vision a été façonnée par la ferveur d’une période où la contestation du pouvoir inclut l’emprisonnement, des attentats, des assassinats, non seulement en Iran, mais dans le monde entier.”

 

La consolidation de l’appareil répressif

Le 16 janvier 1979, le dernier chah d’Iran, Mohammad Reza Pahlavi, quitte Téhéran pour toujours. Une page se tourne, une autre s’ouvre. Et le 1er février, l’ayatollah Rouhollah Khomeyni rentre triomphalement après quatorze ans d’exil [en Turquie, en Irak et enfin en France].

Mais l’installation du nouveau régime est rapidement menacée par l’Irak voisin. En 1980, l’armée de Saddam Hussein envahit le pays. Le commencement d’une guerre de huit ans qui fera des centaines de milliers de morts. En interne, les groupes de gauche qui combattaient autrefois aux côtés des islamistes sont exclus du pouvoir. Celui-ci redouble de violence contre toute forme d’opposition. L’heure est à la consolidation de l’appareil répressif du régime naissant.

Alors qu’il s’apprêtait à faire un sermon à la mosquée Abouzar de Téhéran, Ali Khamenei échappe en juin 1981 à une tentative d’assassinat. Il perd l’usage de sa main droite et une partie de son ouïe.

Quelques mois plus tard, il est nommé président de la République islamique. “À l’époque, la fonction n’a pas grande importance. Le Premier ministre ou encore le président du Parlement ont plus de pouvoir”, note Arash Azizi.

 

Ali Khamenei (à droite) en uniforme militaire lors de la guerre Iran-Irak (1980-1988).
Ali Khamenei (à droite) en uniforme militaire lors de la guerre Iran-Irak (1980-1988). PHOTO WIKIPÉDIA

Durant la guerre Iran-Irak, Ali Khamenei ne joue d’ailleurs aucun rôle de premier plan, si ce n’est qu’il participe à l’établissement des relations internationales du régime illustré par son voyage à New York, au siège des Nations unies, en 1987, et son séjour en Corée du Nord en 1989. Depuis, il n’a plus jamais mis les pieds à l’étranger.

Les années 1980 sont d’une brutalité inouïe et culminent avec l’exécution de milliers d’opposants politiques en 1988. Mais Ali Khamenei n’est à l’époque qu’un maillon de la chaîne. Ses prérogatives sont limitées.

 

L’homme de paille du régime qui va se révéler

Or derrière une façade austère se cache un stratège hors pair. Son ami de longue date, Akbar Hachémi Rafsandjani, l’apprendra à ses dépens. À la mort de Khomeyni en juin 1989, l’assemblée des experts doit élire son successeur. Rafsandjani [alors président du Parlement] est une figure d’influence au sein de la République islamique et convainc les membres pour le moins circonspects de ce corps constitutionnel de choisir Ali Khamenei.

Dans son esprit, le futur guide suprême – ou rahbar – serait l’homme de paille du régime tandis que lui-même gouvernerait en coulisses.

Il faut alors amender la Constitution pour permettre l’élection d’un guide aux qualifications religieuses insuffisantes. Car à l’époque, Ali Khamenei n’est qu’un clerc de rang intermédiaire, un hojatolislam. Toutes les branches du gouvernement et les institutions associées passent sous le contrôle du rahbar.

La fonction de Premier ministre est, quant à elle, supprimée, tandis que la présidence est attribuée à l’autorité exécutive. Une position convoitée par Rafsandjani qui se figurait alors pouvoir l’exploiter pour contrôler Ali Khamenei. Ses calculs se révèlent mauvais : si l’homme se présente avec succès aux élections à deux reprises, la montée en puissance de son “poulain” – à qui il a ouvert toutes les portes – le met sur la touche.

Après sa désignation, le guide suprême est élevé au rang d’“ayatollah” – un titre qui lui est indûment attribué pour les besoins de la fonction – et entame la restructuration de la République dans un environnement transformé.

La guerre Iran-Irak a ébranlé les mythes révolutionnaires. Les idéaux islamiques doivent laisser place à la réalité : un pays dévasté qu’il faut reconstruire ; un État sans alliés qui doit apprendre à négocier et repenser sa sécurité. “En 1980, l’Iran a été envahi par l’Irak, mais le monde entier, et en particulier les voisins arabes de Téhéran, qui percevaient l’Iran révolutionnaire comme une menace plus grande que le régime baasiste, ont soutenu Bagdad”, indique Ali Alfoneh.

“C’est la principale raison pour laquelle la République islamique cherche à obtenir l’arme nucléaire comme moyen de dissuasion ultime contre les adversaires étrangers.” C’est aussi sur les décombres de ce conflit que naît le projet de Téhéran fondé sur l’association des missiles et des milices. Plus aucune bataille ne doit se faire sur le territoire iranien. Et c’est à l’extérieur de ses frontières que la République islamique commence à bâtir patiemment ses lignes de défense.

 

Des portraits du guide suprême iranien, l’ayatollah Ali Khamenei, dans les anciens locaux de l’ambassade des États-Unis à Téhéran, en 2013.
Des portraits du guide suprême iranien, l’ayatollah Ali Khamenei, dans les anciens locaux de l’ambassade des États-Unis à Téhéran, en 2013. Photo KAVEH KAZEMI/THE NEW YORK TIMES

L’alliance avec les Gardiens de la révolution

Conscient de ses lacunes, Ali Khamenei s’appuie dès le départ sur une alliance avec les Gardiens de la révolution pour développer son pouvoir. Si, avant la guerre, les pasdarans bénéficiaient d’une légitimité constitutionnelle, le conflit les transforme en principale force militaire du pays.

Grâce à cet “échange de bons procédés” avec le guide suprême, ils parviennent de surcroît à bâtir un empire économique qui échappe au regard du gouvernement. Aujourd’hui, ils contrôlent ainsi jusqu’à 60 % du PIB, profitant aussi de trafics en tous genres, notamment de la drogue.

Ali Khamenei, lui, peut compter sur les pasdarans – et notamment sur la milice bassidji, qui passe sous l’autorité formelle du commandant des Gardiens en 2007 – pour mater les différentes vagues contestataires qui jalonnent son règne, du mouvement étudiant de 1999, au mouvement Femme, vie, liberté de 2022, en passant par le mouvement vert de 2009 et la série de révoltes mues d’abord par des revendications socio-économiques qui marquent la période 2017-2021.

Le guide suprême saura aussi rappeler à chaque président qu’il est le seul maître à bord. “Dans les années 1990, la priorité de Khamenei était de préserver le statu quo en résistant aux tentatives de Rafsandjani de se débarrasser des institutions ‘révolutionnaires’, par exemple en fusionnant les Gardiens de la révolution avec l’armée régulière, et en réformant l’économie iranienne”, explique Ali Alfoneh.

Plus tard, au cours des deux mandats du président réformiste Mohammad Khatami (1997-2005), le guide suprême usera de sa toute-puissance pour contrecarrer les projets d’une figure du système beaucoup trop libérale à son goût. L’époque est propice à l’ascension des Gardiens de la révolution dans le domaine politique, un contre-pouvoir aux ambitions de la présidence.

 

Mainmise sur les rouages de l’État

La chute de l’Union soviétique en 1991 obsède le rahbar. À ses yeux, la libéralisation économique et politique du pouvoir a affaibli le contrôle de l’État sur la société, rendant celle-ci plus friande de réformes, et a conduit, in fine, à la dislocation de l’empire rouge. Le sort de l’URSS nourrit une paranoïa chez le guide suprême, y compris vis-à-vis de ceux qui lui sont le plus acquis idéologiquement.

Lorsque le président Mahmoud Ahmadinejad accède à la présidence, Ali Khamenei poursuit son entreprise de phagocytation des institutions. L’ultraconservatisme du nouveau chef de gouvernement a, en apparence, tout pour plaire. Le rahbar l’a d’ailleurs appuyé de toutes ses forces, au point de truquer le scrutin de 2009 en sa faveur. Et pourtant. Le principal intéressé finit lui aussi par tomber en disgrâce au cours de son second mandat. Ouvertement populiste, le trublion iranien multiplie les provocations et tente d’affirmer son autonomie, jusqu’à se brûler les doigts.

À quoi bon un poste de président si son détenteur y officie poings et mains liés ? En réalité, la fonction est précieuse aux yeux du guide suprême. Elle lui permet d’accaparer le pouvoir sans jamais avoir de comptes à rendre.

En près de trente-cinq ans de carrière, Ali Khamenei a progressivement développé une mainmise quasi absolue sur tous les rouages de l’État, tirant en outre sa légitimité de son statut de “régent”. Car selon la doctrine du velayet-e faqih [qui fait primer le religieux sur le politique] développée par son prédécesseur, c’est justement au faqih, le guide suprême, que doit revenir le pouvoir en attendant le retour de son véritable détenteur, à savoir le douzième et dernier imam ou “maître des temps”.

Ali Khamenei contrôle aujourd’hui le gouvernement, commande les forces armées et surveille la branche judiciaire. Les institutions électives sont exploitées de telle sorte à rendre vaine toute remise en cause de sa domination. Et pour neutraliser les appétits des uns et des autres, il s’est ingénié à bâtir pour chaque ministère une institution parallèle. Les décisions se prennent au sein d’un cercle extrêmement restreint. Mais le dernier mot lui revient et il n’hésite pas, selon les circonstances, à monter les uns contre les autres.

Pour couronner le tout, il se trouve à la tête d’un vaste empire économique qu’une enquête de Reuters évaluait en 2013 à 95 milliards de dollars [71 milliards d’euros]. Une somme mirobolante dont l’origine émane d’une entité opaque baptisée “Setad”. Celle-ci avait été fondée par Ruhollah Khomeyni peu avant sa mort pour gérer et vendre les propriétés abandonnées dans le branle-bas des années postrévolutionnaires. Si elle avait été pensée pour venir en aide aux plus pauvres, elle s’est muée, au gré du temps, en un gigantesque conglomérat disposant de parts dans de nombreux secteurs de l’économie.

 

Une femme portant un portrait du guide suprême iranien, Ali Khamenei, lors d’une marche à l’occasion du 35e anniversaire de la révolution islamique, en 2014 à Téhéran.
Une femme portant un portrait du guide suprême iranien, Ali Khamenei, lors d’une marche à l’occasion du 35e anniversaire de la révolution islamique, en 2014 à Téhéran. Photo MORTEZA NIKOUBAZL/THE NEW YORK TIMES

À la tête d’une gérontocratie bigote

En plus de quarante ans, les promesses économiques, sociales et politiques de 1979 ont été trahies. La révolution s’est transformée en une longue contre-révolution, avec son lot de contradictions, elles-mêmes vectrices d’élans révolutionnaires.

En plus de quarante ans, les taux d’éducation et d’alphabétisation des femmes ont ainsi considérablement augmenté. Mais leurs droits ont été de plus en plus limités. Au sein de l’Assemblée des experts – cet organe chargé de surveiller et d’éventuellement démettre le guide suprême, mais aussi de nommer son successeur à sa mort –, la moyenne d’âge est de 65 ans. Parmi les 88 experts, 52 sont nés dans les années 1950. Pour reprendre une formule de l’analyste iranien Karim Sadjadpour : “L’âge médian est décédé.” En revanche, celui de la population s’élève à 33 ans.

La République islamique est aujourd’hui une gérontocratie bigote qui doit gouverner une société de plus en plus sécularisée dont une grande partie de la jeunesse a soif d’ouverture. En trente-cinq ans, le visage du pays s’est métamorphosé. Mais Ali Khamenei ne s’est jamais défait de ses obsessions. Le contrôle du corps des femmes et la haine de l’Amérique – qui le lui rend bien – façonnent l’identité du régime.

Avec, pour couverture morale, une instrumentalisation de la cause palestinienne. “’Mort à Israël’ reste le slogan opérationnel ainsi que le soutien à ce qui reste de l’‘axe de la résistance’ [qui désigne la constellation de groupes armés pro-Iran présents dans la région]”, souligne Barbara Slavin, chercheuse émérite au Stimson Center.

Dans les faits cependant, la montée en puissance de Téhéran dans la région n’a accouché d’aucun gain politique substantiel pour les Palestiniens. Israël est plus fort que jamais. Le legs de Khamenei, lui, est fait de ruines arabes et de cachots iraniens.

 

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