La Russie revient sur la scène internationale de manière spectaculaire, et ce, avant même d’avoir fait une seule concession à l’Ukraine, et alors que les attaques russes se poursuivent toujours sur le territoire ukrainien.
Les Russes ont réussi le tour de force de s'asseoir avec les Américains sans Kiev et sans les Européens insultés d’ailleurs d’avoir été écartés.
Moins d’un mois après le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche, Vladimir Poutine semble avoir convaincu le président américain d’envoyer ses conseillers en Arabie Saoudite pour négocier un début de rapprochement entre les deux puissances.
Quoiqu’il en soit, le revirement de situation semble avantager le Kremlin qui retrouve une certaine influence, et de surcroît, donne l’impression de dicter les règles du jeu après avoir été isolé et sanctionné depuis février 2022.
L’appel téléphonique de 90 minutes entre Trump et Poutine le 12 février dernier, a eu un effet immédiat. Ce coup de téléphone à mis fin à tous les efforts de l’administration Biden depuis 3 ans pour isoler les Russes.
Une semaine plus tard, le secrétaire d’État américain Marco Rubio, et le ministre des Affaires étrangères Sergueï Lavrov s'asseyaient à la même table, à Riyad, pour discuter du rétablissement des relations diplomatiques et commerciales entre les deux pays.
Virage majeur
C’est un virage majeur pour la Maison-Blanche qui, jusqu’à tout récemment, percevait le président russe comme un criminel de guerre. Vladimir Poutine a compris que Donald Trump était prêt à ouvrir la porte à une normalisation des relations entre les deux pays.
Il a aussi saisi, selon l’analyste Alexander Baunov associé au Centre Carnegie sur les études russes, que Trump était à la recherche de gains rapides. La libération de l’otage américain Mark Fogel était un premier geste facile à faire pour Poutine, affirme Baunov.
Le président américain a lui-même reconnu que cette libération, le 11 février dernier, était peut-être une décision qui annonçait le début de la fin de la guerre en Ukraine. Le lendemain, Trump et Poutine se parlaient pour la première fois depuis son assermentation.
Mais que cherche exactement Donald Trump en cajolant Vladimir Poutine au point de lui permettre de commencer des négociations sur l’Ukraine sans exiger au moins l’arrêt des combats?
Souhaite-t-il que l’histoire se souvienne de lui comme ayant mis fin à cette guerre sanglante? Vise-t-il le prix Nobel de la paix? Veut-t-il simplement permettre aux entreprises américaines de reprendre le commerce avec la Russie.
À ce sujet, le New York Times rapportait que Kirill Dmitriev, un proche de Poutine, qui parle parfaitement l’anglais et qui a fréquenté Harvard et l’entreprise McKinsey, avait un chiffre révélateur à présenter aux Américains, lundi, en Arabie Saoudite.
324 milliards c’est le montant que les entreprises américaines auraient perdu en boycottant la Russie depuis 3 ans. Le pays est toujours sous le joug de sévères sanctions commerciales qui bloquent toutes possibilités de commerce avec les Russes.
Ce montant a sûrement fait réfléchir le président des États-Unis pour qui les questions commerciales, économiques et financières dépassent souvent en importance les stratégies géopolitiques. Money talks, comme le disent souvent les Américains.
Admiration pour les dictateurs
Le président Trump a aussi souvent eu une admiration et même une fascination pour les dictateurs. Washington n’a maintenant plus aucune gêne à prendre parti pour les Russes comme s’ils avaient toujours été les meilleurs amis du monde.
L’administration Trump n’hésite plus à dire publiquement que c’est l’insistance de l’ex-président Biden à vouloir admettre l’Ukraine dans l’OTAN aux portes de la Russie qui a provoqué l’invasion russe.
De la musique aux oreilles de Vladimir Poutine qui célèbre ce retour sur l’échiquier mondial en ayant les Américains à ses côtés. De plus, Washington semble de moins en moins enclin à assurer la sécurité de l’Europe.
Les récentes déclarations du vice-président JD Vance et du secrétaire à la défense Pete Hegseth à la rencontre de Munich sur la sécurité laissent peu de doute sur le réalignement de Washington.
Nathalie Tocci, directrice de l’Institut sur les affaires internationales à Rome, déclarait au New York Times que le message du vice-président américain représentait une menace directe des États-Unis à l’Union européenne.
Vladimir Poutine attend depuis des années que les Américains quittent l’Europe. Le président russe souhaite depuis longtemps accroître son influence sur le vieux continent.
Concessions
Mais, peu importe les ambitions du chef du Kremlin, la prochaine étape du nouveau couple Washington/Moscou sera de négocier la paix avec l’Ukraine.
Au même moment, une guerre de mots entre le président Trump et Volodymyr Zelensky éclatait avec le potentiel de compliquer les pourparlers qui commencent à peine.
Les Russes et les Ukrainiens devront faire des concessions pour en arriver à un cessez-le-feu durable. Une chose est certaine, sans l’aide militaire des États-Unis à laquelle Donald Trump ne croit pas, Kiev ne tiendra pas longtemps face aux assauts de Moscou.
Le retour inattendu de Vladimir Poutine comme interlocuteur valable pour les Américains à la table des négociations inquiètent l’Ukraine et l’Europe.
La fin de cette guerre meurtrière pourrait aussi provoquer une période d’incertitude pour l’avenir du continent européen qui, sans la protection actuelle de Washington, devra redéfinir sa sécurité et composer avec une Russie plus influente que jamais.
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