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Moyen Orient

Guerre Israël-Hezbollah : des vies dissociées dans un Liban coupé en deux

Auteur: Patricia Chaira Source: Les Echos:::
Novembre 18, 2024 at 11:31
Dans le sud du Liban, samedi 16 novembre 2024. (Mohammed Zaatari/Ap/SIPA)
Dans le sud du Liban, samedi 16 novembre 2024. (Mohammed Zaatari/Ap/SIPA)

Au deuxième mois d'intensification des frappes israéliennes, le Liban est coupé en deux. Côté pile, la guerre et les destructions, au moins 2.300 morts selon l'ONU, côté face, la vie qui continue.

Les écoles et universités ont fermé leurs portes à Beyrouth en ce début de semaine. Une décision prise par le ministre de l'Education après une longue et intense série de bombardements menée par l'armée israélienne dans la banlieue sud et dans le centre de la capitale.

Pour Najim, père de famille, la fermeture des écoles sert avant tout à rassurer les parents et les enfants : « Ma fille de 10 ans a peur d'aller à l'école à cause des bombardements, elle préfère suivre ses cours en ligne, elle se sent mieux ici à la maison mais ça ne veut pas dire que la vie s'arrête. J'ai vécu toutes les guerres au Liban. Des guerres qui se suivent et ne se ressemblent pas. Mais nous, les Libanais, on reste les mêmes, on s'adapte. »

Dimanche soir, deux attaques aériennes ont touché le coeur de Beyrouth, dont un quartier commerçant où de nombreux déplacés se sont réfugiés. Le porte-parole du Hezbollah, Mohammed Afif, a été tué ainsi que son adjoint et une quinzaine de personnes ont été blessées. « Les Israéliens ont juré de détruire le Hezbollah , ils frappent partout où se cachent ses responsables et partout où ils le soupçonnent de stocker des armes, dans le centre de Beyrouth comme ailleurs dans le pays. On ne sait pas combien de temps va durer cette guerre, quand bien même un accord de cessez-le-feu se dessinerait ces jours-ci, je ne vois ni Israël, ni le Hezbollah le signer demain. En attendant, on doit vivre », conclut Najim.

« Que la fête continue ! »

Vivre en temps de guerre, pour Jimmy, qui vient de fêter ses 32 ans, ça veut dire travailler mais aussi se changer les idées et faire la fête : « Mes amis ont eu la bonne idée de m'organiser un anniversaire surprise vendredi dernier, on s'est retrouvé dans un bar à cocktails à Antélias où on a dansé toute la nuit dans une super ambiance ! », raconte-t-il en montrant une vidéo de la soirée sur son téléphone portable. On y voit le groupe d'amis se déhancher sur de la musique techno, verre à la main et des paillettes plein les yeux.

« Je suis un gros fêtard, depuis deux mois je ne sortais plus, les endroits que j'ai l'habitude de fréquenter à Beyrouth ont fermé par manque de clientèle. A Antélias, à 5 km de Beyrouth, j'ai découvert qu'il y avait un autre monde que celui de la guerre et j'ai redécouvert l'incroyable capacité des Libanais à s'adapter à toutes les situations, notre vrai secret ! »

Au nord de Beyrouth, à quelques kilomètres du centre-ville, Antélias se situe en bord de mer. Les bars, restaurants et boîtes de nuit s'y sont multipliés au cours des six derniers mois. Au Liban, on a remplacé le fameux « que la fête commence » par « que la fête continue ! », explique Charif, propriétaire de plusieurs bars et restaurants et membre du conseil du syndicat des restaurateurs.

« Déjà en 2006, presque tous les restaurants de Beyrouth avaient transféré leur activité en dehors de la capitale bombardée. A chaque guerre, les habitants de la capitale l'abandonnent pour trouver refuge dans leurs résidences en bord de mer ou dans les coteaux surplombant Beyrouth, ou un peu plus loin dans les villages de montagne ou encore dans les stations de ski », constate Charif. A Antélias, l'ambiance est totalement différente.

 

Les Libanais ne cesseront jamais d'aimer et de célébrer la vie, c'est dans notre ADN

Charif, propriétaire de plusieurs bars et restaurants

 

Les bars et les restaurants ont suivi leur clientèle. « Nous sommes allés chez eux au lieu d'attendre qu'ils reviennent chez nous. Le schéma est quasi identique en 2024, mais cette fois, nous étions déjà là et prêts à les accueillir. Et nous serons encore là quand ils rentreront à Beyrouth. Malheureusement beaucoup de restaurateurs n'ont pas pu suivre le mouvement. Avec une chute de 70 à 100 % du chiffre d'affaires depuis le début de la guerre, certains ont dû fermer leurs portes. Mais je suis sûr qu'ils les rouvriront aussitôt la situation devenue stable. Les Libanais ne cesseront jamais d'aimer et de célébrer la vie, c'est dans notre ADN », ajoute Charif.

« J'espère que cette guerre sera la dernière »

C'est à Abey, un village du Mont Liban à 40 minutes en voiture de Beyrouth, dans le « palais » familial qui date du XIIIe siècle, que Jimmy prend ses quartiers tous les week-ends pour se ressourcer et « déconnecter de la guerre ». Architecte du patrimoine, il s'est donné pour mission de restaurer sur ses propres deniers la bâtisse, entièrement pillée et en partie détruite durant la guerre civile. Jimmy a lui-même été déplacé plusieurs fois depuis 1975 et n'a pu récupérer cette demeure historique qu'en 2012.

Le palais, qui domine la côte libanaise, offre une vue dégagée sur l'aéroport de Beyrouth, sa banlieue sud et… ses bombardements. A son réveil, dimanche matin, Jimmy observe amèrement les fumées épaisses et éparses qui s'en dégagent : « J'espère que cette guerre sera la dernière et qu'on célébrera bientôt un nouveau Liban et non la fin du Liban. »

Patricia Chaira (Correspondante à Beyrouth)

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