Le président français a « longuement évoqué » la guerre en Ukraine, jeudi, lors de son entretien avec Xi Jinping. Mais le président chinois a rappelé, dans une mise au point très claire, ne pas avoir les moyens de faire pression sur Vladimir Poutine.
C'était le sujet prioritaire de la visite d'Etat d'Emmanuel Macron en Chine : pousser encore une fois Pékin à faire pression sur la Russie pour mettre un terme à la guerre en Ukraine. Et de fait, le dossier a été « longuement évoqué » jeudi, lors d'un premier entretien « franc, engageant et prenant acte des différences » entre le président de la République et son homologue chinois, Xi Jinping, à Pékin. Mais sans surprise, Emmanuel Macron a fait face à une Chine intransigeante, qui n'a rien lâché ou presque sur ce dossier.
« Nous nous opposons à toutes les accusations irresponsables et accusatoires », a dit le numéro un chinois lors d'une brève allocution à la presse, à côté d'Emmanuel Macron, dans une formulation sévère et plutôt inhabituelle. Une réponse cinglante aux pays européens, qui estiment que la Chine, du fait de ses liens croissants avec Moscou, détient en partie les clés du conflit qui dure depuis bientôt quatre ans.
En plus d'acheter du pétrole russe, la Chine fournit du crédit aux géants russes via les « panda bonds » et livre certaines pièces entrant dans la composition des armes russes. La Russie est également devenue un marché clé pour les entreprises chinoises, qui ont rempli le « vide » créé par le départ des sociétés étrangères suite aux sanctions. Depuis son arrivée au pouvoir en 2012, Xi Jinping a rencontré Vladimir Poutine plus de quarante fois. « La Chine ne peut pas se tenir éternellement à équidistance entre l'Europe et la Russie sur ce sujet », s'impatiente l'entourage du chef de l'Etat.
Le risque d'une « désagrégation » de l'ordre mondial
Mais, en face, la Chine conteste cette lecture. Lors d'échanges privés, Xi Jinping a rappelé au président français que la Chine n'avait pas commencé la guerre en Ukraine et que, malgré son alliance avec la Russie, elle n'avait pas les moyens d'encourager Vladimir Poutine à arrêter le conflit. « Dans une certaine mesure, la Chine a raison, ce n'est pas si simple », dit-on dans l'entourage du président français.
En revanche, l'Elysée estime avoir convaincu Xi Jinping de l'urgence du problème pour les Européens. « Nous mesurons chacun la gravité de la situation », a déclaré Emmanuel Macron lors de son allocution, après avoir évoqué, quelques minutes avant dans ses propos préliminaires, le risque « d'une désagrégation de l'ordre international ». « Nous avons une responsabilité particulière et il faut tout faire pour trouver des compromis », a encore dit le président.
Emmanuel Macron a notamment évoqué la nécessité de parvenir à un moratoire sur les frappes russes sur les infrastructures critiques ukrainiennes. Mais la Chine a simplement promis de « soutenir tous les efforts sur la paix », a déclaré Xi Jinping, sans s'engager au-delà. « Nous allons maintenant pouvoir échanger sur les termes d'un accord de paix », espère la présidence française.
Obstacles
Certes, l'exécutif français ne se faisait aucune illusion sur sa capacité à faire bouger la Chine, tant, ces dernières années, la Chine a pivoté vers la Russie jusqu'à devenir son principal, voire son unique allié de poids sur la scène internationale. En 2023, lors de la précédente visite d'Etat d'Emmanuel Macron en Chine, le président français avait déjà tenté de faire pression sur Pékin en ce sens - sans succès.
Mais au moment où les négociations autour du plan de paix s'accélèrent sous l'égide des Etats-Unis, Emmanuel Macron comptait profiter de sa visite d'Etat en Chine pour refaire passer ce message, quitte à reléguer au second plan les sujets strictement bilatéraux entre la France et la Chine.
Même si ces premières discussions très fermes donnent une idée du climat et des obstacles à franchir, Emmanuel Macron compte bien profiter de son moment privilégié avec Xi Jinping, vendredi à Chengdu, pour revenir à la charge sur le dossier ukrainien lors d'un échange en tête à tête.
Raphaël Balenieri (Envoyé spécial à Pékin)