Par Yann Verdo
Arrivera-t-on bientôt à un accord de paix ? Arrivé dimanche à Berlin pour de nouveaux pourparlers avec le chancelier Friedrich Merz, mais aussi les émissaires américains Steve Witkoff et Jared Kushner (le gendre de Donald Trump), le président ukrainien Volodymyr Zelensky paraît vouloir engager ces négociations cruciales dans un état d'esprit d'ouverture et de recherche du compromis.
Dans un geste visant visiblement à faire avancer les pourparlers pour mettre fin à la guerre provoquée par l'invasion russe, il a déclaré être prêt à renoncer aux demandes d'adhésion de l'Ukraine à l'Otan, en échange de garanties bilatérales de sécurité conclues avec les Etats-Unis, des membres de l'Union européenne et un certain nombre d'autres pays (Canada, Japon…).
Inspirées de l'article 5 de l'Otan, ces garanties bilatérales protégeraient l'Ukraine d'une nouvelle agression des troupes de Moscou, sans pour autant l'intégrer formellement à l'Alliance atlantique, comme le demandait Kiev jusqu'ici. « Seules des garanties fiables peuvent aboutir à la paix […]. C'est déjà un compromis de notre part », a souligné le chef d'Etat ukrainien. De fait, la non-adhésion de l'Ukraine à l'Otan a toujours constitué l'une des revendications majeures du Kremlin.
Le dirigeant ukrainien sait pertinemment - et a d'ailleurs admis - qu'il était peu probable que son pays rejoigne l'Otan dans un avenir proche, tant est forte l'opposition de la Russie sur ce point. Obsédé par ce qu'il voit comme une « expansion de l'Alliance atlantique à l'est », le régime de Vladimir Poutine pose l'arrêt de cette expansion comme une condition sine qua non pour mettre fin à la guerre.
En échange de cette concession, Volodymyr Zelensky veut à tout prix convaincre les Etats-Unis de soutenir un cessez-le-feu impliquant un gel de la ligne de front, et non la cession à Moscou de tout le Donbass, comme réclamé par le Kremlin et proposé par Washington. Les discussions de Berlin, qui se poursuivront lundi, diront si ce donnant-donnant a quelque chance d'aboutir. «Beaucoup de progrès ont été faits», a salué dimanche soir l'émissaire américain Steve Witkoff.
La question cruciale des échanges territoriaux
Ces tractations tendues interviennent alors que l'Ukraine est pressée, non seulement par Moscou, mais encore et surtout par Washington, de consentir à des concessions territoriales. Aux termes du plan de la Maison-Blanche visant à mettre fin à la guerre - plan que les Européens jugent trop favorables à Moscouet ont cherché à rééquilibrer en faveur de Kiev -, il s'agirait pour l'Ukraine de céder la partie du Donbass encore sous son contrôle, essentiellement dans la région de Donetsk, pour y créer une « zone économique libre et neutre » ou une « zone démilitarisée ».
En échange, l'armée russe se retirerait des zones sous son contrôle dans les régions de Soumy, Kharkiv et Dnipropetrovsk (nord, nord-est et centre-est), mais se maintiendrait dans celles de Kherson et Zaporijjia (sud) dont Moscou revendique l'annexion.
Washington n'a pas encore fait connaître sa position sur les amendements proposés par l'Ukraine et ses alliés européens au plan de paix américain. Quant au conseiller diplomatique du président russe, Iouri Ouchakov, il les a, sans surprise, balayés par avance d'un revers de la main. Selon lui, toute suggestion ukrainienne et européenne pour amender le plan serait « peu susceptible d'être constructive » et la Russie aurait « de vives objections » si les Etats-Unis venaient à les adopter.
Le triste précédent des Sudètes
Le retrait des troupes ukrainiennes de la partie de l'oblast oriental de Donetsk encore contrôlée par Kiev (pour y créer la « zone économique libre et neutre » évoquée dans le plan américain) serait, assurément, une très mauvaise affaire pour l'Ukraine.
Cette zone d'environ 6.500 km2 compte une ceinture de villes clés, notamment Sloviansk, Kramatorsk et Koupiansk, verrouillant militairement l'accès à Kiev et Odessa. Ces cités « forteresses » une fois abandonnées, plus rien n'empêcherait « le Kremlin de se servir des parties de Donetsk qu'il contrôle comme d'un tremplin pour attaquer des régions dégarnies », fait valoir Tatiana Kastoueva-Jean, de l'Institut français des relations internationales.
Dans ces négociations, l'Europe cherche à faire valoir sa voix et ses intérêts. Dans la foulée de Macron, le chancelier allemand est désormais lui aussi à la manoeuvre. Hôte des pourparlers se déroulant en Allemagne, Friedrich Merz s'est montré particulièrement virulent dans un discours prononcé en Bavière, samedi, comparant la guerre de Poutine en Ukraine à l'annexion par Adolf Hitler des régions frontalières germanophones de la Tchécoslovaquie en 1938, à laquelle les alliés occidentaux n'avaient pas réagi.
« Cette guerre d'agression de la Russie contre l'Ukraine est une guerre contre l'Europe. Et si l'Ukraine tombe, elle ne s'arrêtera pas, tout comme les Sudètes ne suffisaient pas en 1938. Poutine ne s'arrêtera pas », a martelé le chancelier allemand.