Le président des Etats-Unis est de longue date fasciné par l'homme fort de la Russie, son principal interlocuteur dans la négociation sur l'Ukraine. En lui faisant des cadeaux, il espère l'éloigner de la Chine. Vladimir Poutine flatte l'ego de Donald Trump pour le manipuler.
Entre Donald Trump et Vladimir Poutine, c'est l'histoire d'une passion dévastatrice pour l'Occident. Depuis sa prise de pouvoir en janvier, le président des Etats-Unis a renversé la politique étrangère de son pays, choisissant le dictateur russe comme interlocuteur principal pour mettre fin à la guerre en Ukraine. Entrent dans cette orientation une part de realpolitik et de cynisme, mais aussi une fascination ancienne pour l'homme fort, le nouveau tsar qui marque l'histoire russe de son empreinte sanglante.
Pour sa part, Poutine est conscient de son emprise sur Trump, et il en use. Avec un franc succès. Ces derniers jours, la liste des concessions faites à Moscou est impressionnante. Les Etats-Unis se sont alignés avec la Russie, la Biélorussie et la Corée du Nord pour s'opposer au vote d'une résolution à l'ONU condamnant l'agression russe en Ukraine.
Après le clash diplomatique avec le président ukrainien Volodymyr Zelensky dans le Bureau ovale vendredi dernier, Washington a coupé le robinet de l'aide militaire à Kiev et a même cessé de fournir des renseignements en temps réel aux combattants ukrainiens. Le ministère de la Défense a suspendu les opérations cyber contre Moscou. Cerise sur le gâteau pour Poutine : la Maison-Blanche a mis à l'étude un assouplissement des sanctions contre la Russie.
« Pax russica »
Quant à la paix que veut négocier Donald Trump, elle prend les atours d'une « pax russica ». Amadouer Moscou vise à créer une brèche dans la nouvelle « amitié sans limite » entre Moscou et Pékin, la Chine étant le vrai rival géostratégique des Etats-Unis. Et tant pis si les Etats-Unis doivent pour cela lâcher l'Ukraine et l'Europe, en indiquant d'entrée de jeu que le pays va devoir céder des territoires, qu'il ne pourra jamais entrer dans l'Otan et que sa sécurité ne sera pas garantie par les Américains.
Donald Trump plaide qu'il faut parler avec les deux côtés pour conclure la paix. Cependant, il n'a invité son homologue ukrainien que sur le tard, pour signer un accord commercial sans discuter. En revanche, il a repris langue avec Vladimir Poutine avant même sa prise de fonction et a envoyé son émissaire Steve Witkoff à Moscou. Libération d'un otage américain, intercession de la Russie pour discuter avec l'Iran sur le nucléaire : Poutine est un interlocuteur à la mesure du narcissique président américain, contrairement à Zelensky, vu comme un perdant qui n'a pas grand-chose à offrir à Washington.
L'administration Trump discute d'ailleurs avec l'opposition ukrainienne, pendant que Donald Trump déstabilise Volodymyr Zelensky en lui reprochant publiquement d'être un « dictateur » et de ne pas s'être représenté devant les électeurs. Le fait qu'une élection présidentielle ne puisse être tenue durant la loi martiale ne fait aucune différence aux yeux du président américain. Changer le pouvoir en place à Kiev est l'un des buts de guerre de Vladimir Poutine.
Main de fer et « vrai homme »
Au fond, Donald Trump est persuadé que la Russie, un grand pays dirigé d'une main de fer, finira par l'emporter sur la petite Ukraine, dénucléarisée et démocratisée. Il a soufflé le chaud et le froid depuis le début sur ce conflit. A la veille de l'invasion de février 2022, il a expliqué que les troupes russes massées à la frontière étaient « une tactique de négociation » et que l'armée russe était une « force de paix ». En fin de compte, ces troupes sont allées « trop loin », a-t-il reconnu. Il a affirmé qu'aucun président n'avait jamais été aussi « dur » que lui avec la Russie et qu'il saurait faire entendre raison à Vladimir Poutine, un dirigeant avec lequel il « s'entend bien ».
Le maître de Moscou et le populiste de Washington ont une histoire commune tortueuse. Vladimir Poutine a salué la réélection de Donald Trump. Il l'a félicité pour sa réaction de « vrai homme » lors de la tentative d'assassinat en Pennsylvanie en juillet. « S'il avait été président, si sa victoire n'avait pas été volée en 2020, alors peut-être n'y aurait-il pas eu la crise en Ukraine qui a surgi en 2022 », a déclaré Poutine au « Times » le 24 janvier, donnant foi aux allégations des trumpistes.
Lors de son premier mandat, Donald Trump a dû se défendre d'accusations de collusion avec Moscou durant la campagne électorale de 2016, et par conséquent adopter des positions par moments plus dures. Le FBI et la CIA ont démasqué l'influence russe dans des flots de désinformation en ligne et le hacking des systèmes du parti démocrate ; toutefois, le rapport du procureur Mueller, publié en 2019, a conclu qu'il n'y avait pas de preuve de conspiration.
A l'époque, Donald Trump avait critiqué son homologue russe pour avoir laissé massacrer le peuple syrien, mais il a ensuite annoncé le retrait américain de Syrie, laissant la voie libre au Kremlin. En Ukraine, il a offert des missiles Javelin à Kiev, mais a ensuite gelé des transferts d'armes approuvés par le Congrès après avoir échoué à extorquer à Volodymyr Zelensky un dossier à charge contre le fils de Joe Biden… Depuis, Donald Trump a une dent contre le résistant de Kiev. Encore un point commun avec Vladimir.
Solveig Godeluck (Bureau de New York)
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