Le président américain Donald Trump et la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen ont arraché dimanche un accord douanier à Turnberry en Ecosse, au terme d'une réunion éclair.
Les États-Unis et l'Union européenne ont conclu un accord commercial fixant des droits de douane de 15 % sur les exportations de l'Union européenne vers les États-Unis. © Brendan SMIALOWSKI / AFP
Le président américain Donald Trump et la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen ont arraché dimanche 27 juillet un accord douanier à Turnberry en Écosse, au terme d'une réunion éclair.
Il s'est écoulé un peu plus d'une heure, pas davantage, avant que les journalistes, à qui les deux dirigeants avaient précédemment dit avoir "50 % de chances" de se mettre d'accord, ne soient rappelés dans la fastueuse salle de bal du complexe de golf "Trump Turnberry", sur la côte ouest de l'Écosse.
"Nous avons trouvé un accord", annonce le dirigeant républicain, le qualifiant de "plus grand" jamais conclu en matière de commerce, et en y voyant une promesse "d'unité et d'amitié".
La patronne de l'exécutif européen salue elle un "bon accord", qui apportera de la "stabilité."
Les délégations européenne et américaine applaudissent quand ils échangent, à deux reprises, une poignée de main.
15% de droits de douane
Pour l'essentiel, c'est Donald Trump qui en explique les contours : des droits de douane de 15 % sur les produits européens importés d'une part, l'UE qui s'engage à 750 milliards de dollars d'achats d'énergie et à 600 milliards d'investissements supplémentaires aux États-Unis d'autre part.
Il était moins une, ou presque.
Le républicain de 79 ans, lancé dans une vaste offensive protectionniste, s'était donné jusqu'au 1er août avant d'assommer les produits européens entrant aux États-Unis de droits de douane de 30 %.
Ursula von der Leyen avait pris soin, avant les discussions, de vanter les talents de "redoutable négociateur" du milliardaire new-yorkais, et de souligner la nécessité de "rééquilibrer" la relation commerciale transatlantique.
L'accord, dont tous les détails ne sont pas encore exactement connus, devra être validé par les États membres de l'UE. Leurs ambassadeurs, en déplacement au Groenland, ont été informés dimanche matin des dernières tractations, et devront à nouveau se concerter pour le valider.
L'accord de Turnberry confirme que les échanges transatlantiques sont entrés dans une nouvelle ère, celle d'un protectionnisme américain décomplexé. Jusqu'au retour au pouvoir de Donald Trump, ils étaient marqués par un niveau de droits de douane américains de 4,8 % en moyenne.
Dans les faits, le taux effectif appliqué par les États Unis aux marchandises européennes se montait déjà à près de 15 %, si l'on additionne la surtaxe de 10 % d'ores et déjà appliquée par le gouvernement américain et le taux de 4,8 % pré-existant.
Les États-Unis et l'Union européenne ont par ailleurs décidé de lever tous leurs droits de douane sur certains de leurs produits, dont l'aéronautique, a précisé Ursula von der Leyen devant la presse en Écosse, ajoutant aussi ""certains produits chimiques, des équipements pour semi-conducteurs, certains produits agricoles et des matières premières critiques".
Le chancelier allemand Friedrich Merz a salué l'accord commercial, estimant qu'il permet d'"éviter une escalade inutile dans les relations commerciales transatlantiques".
"Nous avons ainsi pu préserver nos intérêts fondamentaux, même si j'aurais souhaité davantage d'allègements dans le commerce transatlantique", a déclaré dans un communiqué le chancelier, alors que les États-Unis sont le premier partenaire commercial de l'Allemagne.
Rome a également salué l'accord, tout en restant prudent dans l'attente de connaître les détails.
"L'accord entre l'UE et les États-Unis met un terme à une phase d'incertitude et évite une guerre commerciale. Nous examinerons tous les détails", a écrit sur X Antonio Tajani, chef de la diplomatie italienne.
Même son de cloche chez la cheffe du gouvernement, Giorgia Meloni, en visite en Éthiopie pour un sommet de l'ONU sur la sécurité alimentaire.
"Je considère positif qu'il y ait un accord mais tant que je ne vois pas les détails, je ne peux pas formuler un jugement meilleur", a-t-elle dit à Addis Abeba, citée par les médias italiens.
En revanche, l'industrie allemande prédit des "répercussions négatives considérables". "Cet accord est un compromis insuffisant et envoie un signal fatal à l'économie étroitement interdépendante des deux côtés de l'Atlantique", a jugé dans un communiqué la Fédération allemande de l'industrie (BDI), pour qui "l'UE accepte des droits de douane douloureux".
L'industrie chimique allemande, dont les États-Unis sont un marché d'exportation clé, a jugé "trop élevés" les droits de douane, même si l'accord a permis "d'éviter" des surtaxes encore plus élevées. "Quand on s'attend à un ouragan, on se réjouit d'une simple tempête. Une nouvelle escalade a pu être évitée. Néanmoins, le prix à payer est élevé pour les deux parties", a réagi dans un communiqué la fédération VCI de la chimie, représentant des géants industriels comme Bayer ou BASF.
Côté français, les oppositions se sont montrées très critiques à l'égard de l'accord fraîchement trouvé. Pour Marine Le Pen, c'est "un fiasco politique, économique et moral".
"La Commission (européenne, NDLR) a accepté des clauses asymétriques que jamais la France elle-même, gouvernée par un exécutif patriote, n'aurait acceptées. Des centaines de milliards d'euros de gaz, ainsi que des armements, devront être importés chaque année depuis les États-Unis", a dénoncé la patronne du Rassemblement national, en parlant de "capitulation en rase campagne pour l'industrie française, et pour notre souveraineté énergétique et militaire".
Même constat à gauche, où le chef de file de La France insoumise Jean-Luc Mélenchon a estimé que "tout a été cédé à Trump".
"Droits de douane, obligation d'achat, taxe de 5 % sur le PIB : le libéralisme, la concurrence libre et non faussée et autres règles du Traité de Lisbonne sont une mauvaise blague", a-t-il dénoncé, en dressant "le choix de l'insoumission à l'Empire et le non-alignement" comme la "seule alternative possible".
Pour le secrétaire général du Parti socialiste et eurodéputé Pierre Jouvet, cet accord est celui de la "vassalisation".
"Se satisfaire d'avoir écopé de 'seulement' 15 % de droits de douanes ? Mais ce sont nos emplois, nos productions et l'environnement qu'Ursula von der Leyen a sacrifié en promettant 600 milliards de dollars d'investissements aux États-Unis et l'achat de gaz naturel liquéfié", a-t-il dénoncé.
À REVOIRDroits de douane américain : quelle riposte de l'Europe ?
"Bazooka"
Si Ursula von der Leyen et Donald Trump n'étaient pas parvenus à s'entendre, Bruxelles était prêt à riposter en taxant des produits et des services américains.
L'exécutif européen, sous l'impulsion de certains pays comme la France, avait aussi menacé de lever l'accès aux marchés publics européens ou bloquer certains investissements.
Dégainer ce "bazooka" – appelé instrument "anticoercition" dans le jargon bruxellois – aurait entraîné l'Europe et l'Amérique dans une escalade diplomatico-économique inouïe.
Donald Trump affirme être en position de force. Mais certains sondages montrent que les Américains doutent de sa stratégie douanière et de sa conduite des affaires en général.
Le dirigeant américain, qui s'est toujours joué des scandales et des poursuites pénales, peine à se dépêtrer de l'affaire Jeffrey Epstein.
Il est accusé de manquer de transparence sur les relations qu'il entretenait avec ce riche financier, mort en prison avant un procès pour crimes sexuels qui s'annonçait retentissant.
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En annonçant un accord avec l'UE, dans la foulée de ceux conclus ces derniers jours avec le Japon, le Vietnam, les Philippines et l'Indonésie, Donald Trump essaie-t-il de faire diversion ?
Un journaliste lui a posé la question dimanche. "C'est une blague n'est-ce pas ? Cela n'a rien à voir. Il n'y a que vous pour penser ça, en ce jour qui est un bon jour pour l'économie européenne et l'économie américaine", a sèchement répondu le président américain.
Lundi, c'est avec la Chine que des négociateurs américains s'efforceront d'éviter une reprise de l'escalade commerciale, au cours d'une rencontre à Stockholm.
Avec AFP