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Guerre tarifaire : Trump revient au taux de 25 % sur l’acier et l’aluminium canadiens

Auteur: Sophie-Hélène Lebeuf Source: Radio Canada
Mars 12, 2025 at 05:35
Les tarifs douaniers sur l'aluminium et l'acier qu'importent les États-Unis de partout dans le monde entreront en vigueur à minuit, mercredi. PHOTO : REUTERS / MARK BLINCH
Les tarifs douaniers sur l'aluminium et l'acier qu'importent les États-Unis de partout dans le monde entreront en vigueur à minuit, mercredi. PHOTO : REUTERS / MARK BLINCH

Le président américain a aussi martelé son idée de faire du Canada le « 51e État » américain, remettant ouvertement en question la « ligne artificielle de séparation » entre les deux pays.


La saga tarifaire opposant les États-Unis au Canada s'est poursuivie mardi avec l'ajout d'un nouveau chapitre, marqué par une nouvelle escalade, puis un repli relatif.

Après avoir fait planer une menace additionnelle sur l'acier et l'aluminium canadiens, qui seront frappés de droits de douane mercredi, l'administration Trump a renoncé à doubler le taux tarifaire prévu, dans la foulée d'une volte-face de l'Ontario.

Les tarifs douaniers s'appliqueront sur ces produits au taux initialement prévu, selon la Maison-Blanche.

Des droits de douane de 25 % sur l'acier et l'aluminium, sans exception ni dérogation, entreront en vigueur à minuit pour le Canada et tous nos autres partenaires commerciaux, a indiqué un porte-parole de la Maison-Blanche, Kush Desai, dans une déclaration fournie aux médias.

Malgré une chute brutale des indices boursiers sur fond de craintes économiquesla veille, le président américain Donald Trump avait durci sa position à l'endroit du Canada en matinée, annonçant qu'il ferait passer à 50 % les droits de douane sur l'acier et l'aluminium canadiens.

Dans une longue diatribe publiée sur son réseau Truth Social, le 47e président américain invoquait la décision de l'Ontario d'imposer une surtaxe de 25 % sur l'électricité exportée aux États-Unis, signalant clairement que les États-Unis entendaient répliquer à des contre-tarifs avec de nouveaux tarifs.

Volte-face de l'Ontario

Après avoir affirmé en matinée qu'il ne capitulerait pas devant les menaces du président américain, le premier ministre ontarien a toutefois suspendu la surtaxequ'il entendait imposer à l'État de New York, au Michigan et au Minnesota après s'être entretenu avec un des membres de l'administration Trump.

La température doit redescendre, a-t-il plaidé.

Dans un communiqué commun au ton conciliant, Doug Ford et le secrétaire américain au Commerce, Howard Lutnick, ont dit avoir eu une conversation productive sur les relations économiques entre les États-Unis et le Canada.

Les deux hommes se sont entendus pour se rencontrer jeudi à Washington, avec le représentant américain au commerce, pour discuter d'un ACEUM [Accord Canada–États-Unis–Mexique] renouvelé avant le 2 avril, date à laquelle les États-Unis doivent imposer des droits de douane dits de réciprocité à l'ensemble de leurs partenaires commerciaux.

Doug Ford doit s'y rendre avec le ministre canadien des Finances et des Affaires intergouvernementales, Dominic LeBlanc.

En annonçant sa propre marche arrière, la Maison-Blanche a cependant adopté un ton triomphaliste. Son porte-parole Kush Desai a vanté la stratégie du président américain de brandir des droits de douane colossaux de 50 % pour faire céder le premier ministre ontarien.

Le président Trump a une fois de plus utilisé l'effet de levier de l'économie américaine, qui est la meilleure et la plus grande du monde, afin d'obtenir une victoire pour le peuple américain, a-t-il dit.

Interrogé auparavant par un journaliste après la trêve conclue entre son administration et l'Ontario, Donald Trump avait semblé laisser entendre qu'il renoncerait au taux de 50 %, sans toutefois dissiper complètement l'incertitude.

Je me penche là-dessus, mais probablement, a-t-il répondu. Je vous tiendrai au courant.

 

Le président Donald Trump, accompagné d'Elon Musk, PDG de Tesla et de SpaceX, parle à côté d'une Tesla Model S sur la pelouse sud de la Maison-Blanche, le 11 mars 2025 à Washington DC.
Le président Donald Trump a fait mardi la promotion de la marque Tesla aux côtés d'Elon Musk. PHOTO : GETTY IMAGES / ANDREW HARNIK
 

 

En matinée, Donald Trump avait aussi exprimé son intention de déclarer une urgence nationale sur l'électricité dans les régions menacées par les tarifs douaniers que comptait imposer le premier ministre ontarien.

Dans un message subséquent, le président américain, partisan d'une politique tarifaire agressive, avait intensifié ses menaces.

 

Pouvez-vous imaginer que le Canada s'abaisse au point d'utiliser l'ÉLECTRICITÉ, qui affecte la vie de personnes innocentes, comme monnaie d'échange et comme menace? Ils paieront un prix financier si élevé qu'on en parlera dans les livres d'histoire pendant plusieurs années!

Une citation de Donald Trump, président des États-Unis, sur Truth Social

 

Le président américain s'est par ailleurs dédouané complètement de la nervosité des marchés au cours des derniers jours, que les experts attribuent largement à sa politique tarifaire chaotique. L'incertitude a d'ailleurs causé de nouveaux soubresauts dans les marchés mardi. 

Non. Biden nous a donné une économie horrible, a-t-il répondu en après-midi à une journaliste qui lui demandait si sa stratégie tarifaire portait une part de responsabilité dans la fluctuation des marchés.

Malgré une inflation élevée, l'économie américaine affichait en fait à la fin de la présidence de Joe Biden de solides indicateurs, notamment quant au marché de l'emploi, aux marchés boursiers et à la croissance du PIB.

Les marchés vont monter et descendre, mais vous savez quoi, nous devons reconstruire notre pays, a martelé Donald Trump.

Une épée de Damoclès sur le secteur automobile canadien

En matinée, le président Trump a aussi menacé de soumettre les automobiles canadiennes à un niveau tarifaire qui pourrait tuer cette industrie. La Maison-Blanche n'a pas annoncé qu'elle reculait dans ce dossier spécifique.

Dans son message initial publié sur son réseau social, le locataire de la Maison-Blanche a ainsi menacé d'augmenter de façon substantielle les droits de douane sur les automobiles construites au Canada déjà annoncés pour le mois prochain si le pays ne retire pas les tarifs douaniers qui étaient déjà en vigueur sur des biens américains, dont les produits laitiers, avant la guerre commerciale qu'il a lancée.

Les droits de douane seront si élevés que cela entraînera essentiellement la fermeture définitive de l'industrie automobile au Canada, a-t-il lancé.

 

Il passe sous un panneau qui annonce le pont.
Un transporteur de voitures se dirige vers le pont Ambassadeur qui sépare Windsor, au Canada, et Détroit, au Michigan, le 4 mars 2025. PHOTO : GETTY IMAGES / BILL PUGLIANO
 

 

Mardi dernier, les automobiles canadiennes ont fait l'objet de droits de douane de 25 %, qui ont été suspendus, dès le lendemain, jusqu'au 2 avril.

Ces voitures peuvent facilement être fabriquées aux États-Unis, a argué Donald Trump.

Dans une phrase écrite tout en majuscules, le président Trump, qui a pourtant lancé une offensive tarifaire tous azimuts contre les partenaires commerciaux des États-Unis, a accusé le Canada d'être l'une des nations du monde qui imposent les droits de douane les plus importants.

Seuls le Canada, le Mexique et la Chine – les trois principaux partenaires commerciaux des États-Unis – ont jusqu'ici goûté à sa médecine tarifaire, administrée au nom de la lutte contre le fentanyl – qui n'a d'ailleurs pas été mentionnée une seule fois dans ses messages de mardi. 

Mais la guerre commerciale menée par le président américain doit s'étendre d'ici quelques semaines à l'ensemble des pays qui exportent des biens aux États-Unis.

Le premier ministre canadien désigné, Mark Carney, qui vient de prendre les rênes du Parti libéral du Canada, a de son côté affirmé sur le réseau social X qu'il n'entendait pas reculer.

Les dernières mesures tarifaires du président Trump sont une attaque envers les familles, les entreprises et les travailleurs canadiens. Mon gouvernement s’assurera que notre réponse a un impact maximal sur les États-Unis et un impact minimal sur le Canada, tout en soutenant nos travailleurs, a-t-il écrit. 

 

Nous maintiendrons nos tarifs jusqu'à ce que les Américains nous montrent du respect et [prennent] des engagements crédibles et fiables en faveur d'un commerce libre et équitable.

Une citation de Mark Carney, premier ministre désigné du Canada

 

Trump qualifie d'« artificielle » la frontière canado-américaine

 

Un camion traverse un pont, avec un drapeau canadien et un drapeau américain visibles.
Un camion traverse la frontière entre le Michigan et l'Ontario en mars 2020. PHOTO : ASSOCIATED PRESS / PAUL SANCYA
 

 

Dans le premier message publié sur Truth Social, le politicien républicain est également revenu à la charge sur son idée de faire du Canada le 51e Étataméricain.

Il ne s'est cependant pas contenté de répéter les avantages qu'il dit voir pour les États-Unis et le Canada : il a ouvertement remis en question la légitimité de la frontière.

La seule chose qui ait du sens, c'est que le Canada devienne notre 51e État chéri, a-t-il soutenu.

 

La ligne de séparation artificielle tracée il y a de nombreuses années va enfin disparaître.

Une citation de Donald Trump, président des États-Unis, sur Truth Social

 

Il y a quelques jours, le New York Times rapportait qu'au cours de ses premiers appels avec le premier ministre canadien, Justin Trudeau, en février, Donald Trump avait contesté le tracé de la frontière entre le Canada et les États-Unis ainsi que les accords sur les Grands Lacs et les eaux limitrophes conclus entre les deux pays.

L'entretien avait pour but de trouver une solution aux droits de douane, mais il serait allé beaucoup plus loin.

Selon des sources confidentielles du média new-yorkais, le président américain a ouvertement déclaré qu'il souhaitait réviser la frontière entre les deux pays, estimant que le traité la délimitant n'était pas valide.

Le Canada est-il encore un allié?

Dans le long message écrit sur son réseau social, Donald Trump a une fois de plus renouvelé son plaidoyer en faveur d'une annexion du Canada aux États-Unis.

Tous les tarifs douaniers disparaîtront totalement, les impôts des Canadiens seront considérablement réduits, ils [les Canadiens] seront plus en sécurité, sur le plan militaire et [sous d'autres aspects], que jamais auparavant, il n'y aura plus de problème de frontière nord, et la nation la plus grande et la plus puissante du monde sera plus grande, meilleure et plus forte que jamais – et le Canada en fera partie, a écrit Donald Trump sur son réseau social.

Dans son point de presse, la porte-parole de la Maison-Blanche, Karoline Leavitt, a fait écho aux propos du président lorsqu'une journaliste lui a demandé si l'administration Trump considérait toujours le Canada comme un proche alliédes États-Unis.

 

Je pense que le Canada est un voisin, il est un partenaire, il a toujours été un allié, peut-être devient-il maintenant un compétiteur, mais comme a souligné le président [...], il croit qu'il serait bénéfique pour les Canadiens de devenir le 51e État des États-Unis d'Amérique.

Une citation de Karoline Leavitt, porte-parole de la Maison-Blanche

 

Le coût de la vie, notamment le prix des maisons, est beaucoup plus élevé au Canada, a-t-elle affirmé.

Elle a ensuite ciblé spécifiquement le taux d'imposition au Québec, avançant cependant des chiffres erronés.

Comme il l'a fait au cours des dernières semaines, Donald Trump a par ailleurs notamment reproché au Canada de dépendre des États-Unis pour sa sécurité.

Dans des termes flous, il a aussi semblé évoquer le déficit commercial qu'accusent les États-Unis face au Canada, associant une fois de plus, erronément, ce déficit à une subvention que verserait son pays à son voisin canadien. Il a de plus offert des chiffres largement surestimés qu'il ne cesse de faire fluctuer.

Il a cette fois déploré un déficit commercial de 200 milliards de dollars américains, alors qu'il y a quelques semaines, il l'évaluait à 175 milliards de dollars. Récemment, il a aussi lancé le chiffre de 250 milliards. 

Or, selon Statistique Canada, l'excédent commercial de marchandises du Canada avec les États-Unis (donc le déficit des États-Unis avec le Canada) a dépassé 102 milliards de dollars canadiens (environ 70 milliards de dollars américains) en 2024, en baisse par rapport à l'année précédente. 

Le surplus commercial a cependant été plus modeste si on inclut les services, pour lesquels le Canada accuse un déficit sur les États-Unis.

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