Estimant que l'accord UE-Etats-Unis de dimanche « n'est pas la fin de l'histoire », Emmanuel Macron appelle à poursuivre les négociations. La France espère de nouvelles exemptions sectorielles et n'exclut pas de cibler les services numériques américains.
« Ce n'est pas la fin de l'histoire et nous n'en resterons pas là », a assuré Emmanuel Macron lors du Conseil des ministres ce mercredi, selon des propos rapportés. Au terme du « deal » annoncé dimanche par Donald Trump et Ursula von der Leyen, les exportations européennes vers les Etats-Unis se verront appliquer 15 % de droits de douane à l'avenir, sans véritable contrepartie, ce qui a déclenché une vive controverse partout en Europe.
La Commission se félicite d'avoir échappé au pire - c'est-à-dire à la menace de 30 % de droits de douane au 1er août. Mais nombre de voix sont très critiques, y compris en France, où François Bayrou avait dénoncé dès lundi un accord « déséquilibré » et fustigé la « soumission » de Bruxelles. « Pour être libres, il faut être craints. Nous n'avons pas été assez craints », a lancé pour sa part le chef de l'Etat après trois jours de silence.
Rééquilibrer l'accord
Que peut faire Paris à ce stade ? Essentiellement négocier les petits caractères. L'accord n'est aujourd'hui que politique. Il devra se décliner dans un texte juridique précis. « Aujourd'hui, il n'y a pas d'accord signé, donc pas de certitudes absolues », a expliqué le ministre de l'Economie, Eric Lombard, ce mercredi après-midi, au sortir d'une réunion à Bercy avec les organisations patronales et des représentants de nombreuses filières économiques françaises. La priorité, pour Paris, est de négocier un maximum d'exemptions.
Mais pour l'heure, seul le secteur aéronautique a été explicitement dispensé des droits de douane de 15 % qui vont s'appliquer sans attendre au 1er août. La France espère bien multiplier les exceptions, notamment pour les producteurs de vins et spiritueux. « Un accord déséquilibré doit susciter une intense négociation en vue de le rééquilibrer », a plaidé la ministre de l'Agriculture, Annie Genevard, en sortant de la réunion. « J'espère que 15 % est véritablement un plafond et que, pour certaines filières, nous serons à zéro pour zéro. Il y va de la pérennité de certaines filières, déjà impactées par les taxes chinoises et des difficultés structurelles, notamment la filière viticole. »
Les services dans la balance
Pour peser dans cette deuxième manche, Bruxelles a de bonnes cartes, assure le gouvernement français. Le paquet de « contre-mesures » européennes, pour un montant d'environ 90 milliards d'euros, reste potentiellement activable si la négociation prend une mauvaise tournure. La clause devrait être prolongée pour cinq à six mois, assure Bercy.
D'autre part, « il n'y a pas de tabou à avoir sur la balance des services », assène Laurent Saint-Martin, ministre du Commerce extérieur. Autrement dit, si Donald Trump a tenu à rééquilibrer sa balance commerciale déficitaire sur les biens avec l'Union européenne, Bruxelles pourrait légitimement lui rendre la pareille en taxant les services, notamment numériques, sur lesquels les Etats-Unis sont largement excédentaires. « Nous allons déjà terminer la négociation sur les biens », a tempéré Eric Lombard.
Du côté des entreprises, l'attente est forte. « Beaucoup de points méritent d'être éclaircis, sur l'acier, les produits pharmaceutiques, le vin », soulignait Patrick Martin en amont de la réunion. Si le président du Medef n'attend pas de soutien financier de l'Etat - « sauf peut-être pour le vin » - il juge urgent que la France et l'Union européenne réagissent aussi en se protégeant davantage des exportations chinoises et en soutenant la compétitivité et l'investissement sur le continent.
Deux points qui sont bien à l'agenda du gouvernement, a assuré Eric Lombard. Au niveau européen, Bercy compte pousser des mesures de simplification (sur les futures directives CSRD et CS3D notamment, honnies des entreprises), mais aussi des quotas sur les importations d'acier ou encore l'instauration de la préférence européenne dans l'attribution de marchés publics ou d'aides publiques.
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Sébastien Dumoulin