Par Bastien Bouchaud
Washington sort peu à peu de sa torpeur. Le Sénat a voté en faveur d'un compromis budgétaire lundi soir, ouvrant la voie à la fin « shutdown » après plus de 40 jours, un record historique. L'accord négocié avec huit sénateurs démocrates doit encore être approuvé par la Chambre des représentants, au plus tôt ce mercredi. Les députés américains, renvoyés dans leurs circonscriptions depuis plus de 50 jours, ont entamé leur périple pour rentrer à temps dans la capitale, dernier écueil à une résolution rapide de la paralysie budgétaire.
Donald Trump s'est rallié dès lundi au compromis du Sénat, laissant espérer une conclusion rapide à la Chambre, mais les perturbations du trafic aérien pourraient ralentir la transhumance des représentants. Le chaos dans les aéroports devrait toutefois s'estomper rapidement une fois que le gouvernement sera officiellement sorti du « shutdown ».
Capitulation pour la base démocrate
L'accord prévoit de verser l'ensemble des salaires gelés durant l'impasse budgétaire, y compris pour les contrôleurs aériens manquant à l'appel ces derniers jours, et l'annulation de tous les licenciements effectués par la Maison-Blanche depuis le début du mois d'octobre. Aucun plan de départ ne pourra par ailleurs être mis en oeuvre jusqu'au 30 janvier, nouvelle date butoir de ce budget temporaire.
Les huit démocrates qui sont joints aux républicains ce lundi ont également obtenu la protection de l'aide alimentaire pour 42 millions d'Américains parmi les plus démunis si jamais un autre « shutdown » devait s'engager à cette échéance, ou plus tard dans l'année. Ils n'ont en revanche pas réussi à faire bouger les lignes sur le dossier de l'assurance-santé, pourtant au coeur des demandes de l'opposition durant cette bataille budgétaire.
Ils auront simplement la possibilité de défendre un texte de leur choix au Sénat courant décembre pour rétablir les subventions fédérales aux assurances santé achetées sur les places de marché de l'Obamacare. La réforme fiscale votée par les républicains cet été prévoit leur extinction à la fin de l'année, ce qui a causé de brusques hausses de prix pour 2026. Même si les démocrates parviennent à convaincre quelques républicains de voter avec eux pour les rétablir in extremis, le speaker de la Chambre, Mike Johnson, a toutes les chances de bloquer le texte.
Une capitulation inacceptable aux yeux de la base démocrate chauffée à blanc par les victoires écrasantes du parti aux élections en Virginie et dans le New Jersey la semaine dernière. Les critiques ont fusé de toutes parts contre ce compromis budgétaire, y compris des membres modérés de la Chambre, alors que les sondages d'opinion montraient que le grand public blâmait principalement les républicains et Donald Trump. « Nous combattrons le projet de loi du parti républicain à la Chambre des représentants », a assuré le leader du groupe démocrate, Hakeem Jeffries.
Thanksgiving préservé
Le gouverneur de Californie, Gavin Newsom, aux aspirations présidentielles bien connues, a fait part de sa « profonde déception et profonde inquiétude » pour le parti. Le compromis représente « une promesse creuse », a déploré le gouverneur de l'Illinois JB Pritzker, un autre prétendant potentiel à la primaire démocrate pour 2028. Reflet de l'impopularité de cet accord auprès des activistes démocrates, aucun des sénateurs ayant voté en faveur du compromis ne remet son siège en jeu l'an prochain. Deux d'entre eux avaient déjà annoncé qu'ils ne se représenteraient pas.
La fin de la paralysie budgétaire arrive à point nommé pour l'économie américaine. La reprise des dépenses fédérales devrait offrir une bouffée d'oxygène à des millions d'Américains au moment où les signaux d'alerte virent à l'orange, en particulier pour les classes populaires. Une poursuite du « shutdown » menaçait par ailleurs de paralyser le trafic aérien à quelques jours de la fête de Thanksgiving. L'an dernier, près de 6 millions de personnes avaient pris un vol durant ce week-end prolongé pour rejoindre leur famille.
Le redémarrage des agences fédérales prendra du temps après ce « shutdown » de plus de 40 jours. Les publications de données économiques, suspendues durant la bataille budgétaire, vont reprendre peu à peu. Les rapports sur le marché du travail sont particulièrement attendus des économistes et des investisseurs. Plusieurs indicateurs privés ont pointé vers une accélération de la détérioration de la situation de l'emploi depuis la rentrée, ce qui pourrait convaincre la Réserve fédérale de poursuivre ses baisses de taux en décembre.
Bastien Bouchaud (Bureau de New York)