Au lieu de ralentir, l'économie américaine a accéléré pendant les trois mois qui ont précédé le « shutdown ». La croissance du PIB a été portée par la consommation, qui dépend elle-même de plus en plus de la frange la plus aisée de la population.
Par Solveig Godeluck
En grande forme. Aux Etats-Unis, la hausse du PIB réel a caracolé à 4,3 % au troisième trimestre (en rythme annuel), a révélé le Bureau of Economic Analysis ce mardi. Le millésime de juillet à septembre a donc été meilleur qu'au trimestre précédent (2,8 %), alors que le marché attendait plutôt une décélération aux alentours de 3,2 %. On n'avait pas vu une telle croissance depuis la mi-2023.
C'est à n'y plus rien comprendre. A vrai dire, les économistes ont été sevrés de données pendant 43 jours en octobre-novembre, à cause de la mise sur pause des agences statistiques gouvernementales pendant le « shutdown » des services publics. La première estimation du PIB du troisième trimestre aurait dû être publiée en octobre, et la deuxième en novembre. La statistique de ce mardi vient en rattrapage avec beaucoup de retard.
Par ailleurs, les « Trumponomics » ne facilitent pas la tâche des prévisionnistes, avec les grandes embardées de la politique économique depuis le début de l'année : inversion brutale du solde migratoire, remise à plat complète du commerce extérieur, pression sur la Fed pour faire baisser les taux…
Voitures, motos, bateaux…
Au troisième trimestre, c'est la consommation des ménages qui a principalement porté la croissance : les dépenses de santé, soins hospitaliers et médicaments sur prescription, les voyages internationaux, les véhicules « récréationnels » (motos, bateaux…) et les voitures.
L'accélération de la croissance par rapport au deuxième trimestre « s'explique par une diminution moins marquée des investissements [-0,3 %], une accélération des dépenses de consommation [+3,5%] et une reprise des exportations [+8,8%] et des dépenses publiques [+2,2 %]. Les importations ont également diminué moins fortement au cours de ce trimestre [-4,7 %] », écrit le Bureau.
Pendant l'été, l'administration Trump a déterminé le niveau de taxation standard des marchandises de chaque pays à l'entrée des Etats-Unis. Ces tarifs douaniers sont moins élevés que ceux qui avaient été dévoilés en avril. Des exemptions ont été mises en place. Surtout, le cadre tarifaire est à peu près stabilisé, ce qui a rassuré les importateurs américains.
« Une économie en forme de K »
Michael Pearce, chef économiste US d'Oxford Economics, estime que les fluctuations des échanges commerciaux et des stocks sont trop influencées par les anticipations liées aux droits de douane : il préfère regarder les ventes finales aux acheteurs privés aux Etats-Unis, « qui ont progressé à un rythme soutenu [+3%], reflétant la vigueur persistante des dépenses de consommation ».
« Cette dynamique est principalement alimentée par les récents gains de richesse, le revenu disponible réel étant resté pratiquement stable au cours du trimestre. L'économie en forme de K se porte bien », ajoute-t-il, en référence à la bifurcation observée depuis des mois entre des consommateurs aisés qui prospèrent et le bas de l'échelle qui stagne, voire perd en pouvoir d'achat.
Peu après la publication de ces statistiques que les économistes considèrent encore avec circonspection, Donald Trump a revendiqué une victoire économique sur Truth Social : « 60 sur 61 économistes Bloomberg se sont trompés, mais 'Trump' et quelques autres génies ont eu raison. Le succès est dû à une bonne gestion et aux droits de douane. Les dépenses de consommation sont fortes, les exportations nettes sont en claire hausse, les importations et les déficits commerciaux sont en claire baisse, et il n'y a pas d'inflation ! »
Perspectives positives pour 2026
Le quatrième trimestre subira le contrecoup du « shutdown », qui a mis l'économie sur pause, mais il y aura un rattrapage par la suite. Alors que la croissance moyenne depuis le début de l'année s'élève à 2,5 % en rythme annualisé, l'année 2026 devrait rester dynamique.
Les coups de pouce fiscaux du « Big Beautiful Bill » de cet été doivent en effet stimuler la consommation et l'investissement. Surtout, l'essor de l'investissement dans l'intelligence artificielle ne faiblit pas, et les autres secteurs économiques pourraient entrer dans la danse.
Par ailleurs, la politique monétaire devrait être plus accommodante. Enfin, si la décision à venir de la Cour suprême sur les tarifs « réciproques » ne précipite pas le pays dans de nouvelles montagnes russes commerciales, la gestion économique du pays va peut-être trouver un rythme de croisière.
Néanmoins, le gigantesque navire des Etats-Unis va devoir continuer à naviguer entre deux écueils menaçants : le chômage, qui a grimpé à 4,6 % de la population active, et l'inflation, qui ne recule plus à cause des tarifs douaniers et de la baisse des taux.