La Cour suprême américaine a rendu une importante décision vendredi matin dans cette cause concernant le droit du sol. Le président Donald Trump a célébré le jugement à six voix contre trois comme une « victoire monumentale », mais ses opposants n’ont pas dit leur dernier mot. Décryptage.
Que contenait le décret initial ?
Signé par Donald Trump au marqueur noir Sharpie le premier jour de son retour au pouvoir en janvier dernier, le document de moins de 800 mots mettait fin au droit du sol.
Il s’agit du principe inscrit dans la Constitution américaine selon lequel tout enfant né aux États-Unis est citoyen américain, même si ses parents n’ont pas de statut migratoire légal.
Le décret a été rapidement contesté en justice, notamment dans les États du Maryland, du Massachusetts et de Washington, où des tribunaux fédéraux ont suspendu son application pour l’ensemble du territoire américain.
Le juge John Coughenour, à Seattle, avait notamment décrit le décret comme étant « manifestement inconstitutionnel ».
Sur quoi porte la décision rendue vendredi ?
La question que devait trancher la Cour suprême était donc de savoir si ces juges fédéraux avaient outrepassé leurs pouvoirs en mettant sur pause l’ordre de M. Trump.
À cette question, une majorité de juges de la Cour (6 contre 3) ont répondu « oui » vendredi, ce qui représente une victoire pour le président.
« Ce n’est pas une décision sur le fond, c’est plutôt procédural », précise Hélène Mayrand, professeure de droit à l’Université de Sherbrooke.
Quelles sont les conséquences immédiates ?
« Ce que dit la Cour est que, oui, les juges ont le pouvoir d’arrêter les décrets présidentiels, mais juste pour les personnes visées dans la demande, pas de manière générale pour toute personne », poursuit l’experte. Une injonction très partielle reste donc en place, mais l’effet de cette décision n’en est pas moins important, juge-t-elle. En d’autres mots, seules les personnes qui ont obtenu gain de cause pourront continuer à bénéficier du droit du sol.
Les conséquences les plus rapides seraient observées dans 30 jours : s’il n’y a pas d’autre injonction pour suspendre le décret, la plupart des enfants nés de parents sans statut ou sans visa valide ne seront plus automatiquement citoyens, ce qui représente un changement profond même s’il peut être temporaire.
Quelle question reste à trancher ?
La Cour suprême n’a cependant pas tranché sur la constitutionnalité du décret initial lui-même, car ce n’était pas la contestation qui lui était soumise.
Les plaignants à l’origine de la poursuite ont annoncé avoir intenté une action collective vendredi en début d’après-midi lors d’une conférence de presse virtuelle. « Nous ne pensons pas que ce décret devrait entrer en vigueur ou qu’il entrera effectivement en vigueur », a ainsi déclaré William Powell, de l’Institute for Constitutional Advocacy and Protection (ICAP) de l’Université Georgetown.
« Oui, nous sommes déçus de cette décision […], mais nous allons procéder par un autre mécanisme », même sans suspension universelle du décret, a-t-il décrit.
« Les procédures vont continuer et cette fois attaquer le décret sur le fond », observe Mme Mayrand, se disant plutôt convaincue que les demandeurs ont « une chance de gagner ».
Quelles sont donc les implications plus larges ?
Le droit du sol est inscrit dans la Constitution américaine, rappelle-t-elle, « et on ne peut pas la changer par décret, ce serait une attaque de front à la séparation des pouvoirs ».
Le droit du sol aux États-Unis a été établi sous le 14e amendement en 1868, après la guerre de Sécession et l’abolition de l’esclavage. Il s’agissait alors de garantir les droits des esclaves nouvellement affranchis ainsi que ceux de leurs descendants.
Il y aurait donc « un impact très important, une crise constitutionnelle », si des juges permettaient au président de ne pas passer par les procédures très formelles d’amendement de la Constitution, qui trône « au sommet de la pyramide » des pouvoirs.
La cause est ainsi emblématique de la « tension » qui se joue en ce moment aux États-Unis entre le pouvoir exécutif et le pouvoir judiciaire, « attaqué sur tous les fronts », affirme Mme Mayrand.
La Cour suprême prend d’ailleurs acte dès le début de son jugement que la question est fondamentale, « et ne balaie donc pas du revers de la main son importance », note la professeure.
Quelles ont été les réactions ?
Quelques plaignantes dans cette affaire ont aussi pris la parole en début d’après-midi lors du point de presse virtuel. « Cette décision est désastreuse pour les familles américaines qui ne sont pas protégées par l’injonction limitée qui a été laissée en place par la Cour suprême », a ainsi déclaré Monica, enceinte et demandeuse d’asile sous un pseudonyme. Elle prenait la parole en tant que plaignante et membre de l’Asylum Seeker Advocacy Project (ASAP).
Des centaines de milliers d’enfants nés aux États-Unis sont à risque de ne pas pouvoir être citoyens, selon elle : « Je sais que ce ne sont pas toutes les mères enceintes qui peuvent intenter un procès », a-t-elle dit, en disant qu’elle avait pris cette décision pour « tous les droits constitutionnels des enfants nés ici d’immigrants ». L’Institut Brookings estime que 2,6 millions d’enfants citoyens américains n’ont aucun parent avec un statut légal.
« Ce jugement mine la promesse fondamentale de la Constitution, qui prévoit que chaque enfant né sur le sol américain est égal devant la loi », a aussi déclaré George Escobar, le chef de programmes et des services de CASA, une organisation qui est aussi partie prenante dans cette poursuite. Le message selon lui est que la place des enfants d’immigrants est « conditionnelle ».
Qu’en est-il au Canada ?
Le droit du sol n’est pas inscrit dans notre Constitution, mais dans une loi dite « ordinaire », la Loi sur la citoyenneté. « Ce serait beaucoup plus facile à modifier au Canada qu’aux États-Unis », explique Mme Mayrand. Un gouvernement majoritaire pourrait très bien changer le droit du sol par la voie législative, pas par décret, « mais ce serait en fort contraste avec notre histoire et notre vision de la citoyenneté », assure-t-elle.
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