Depuis près d’une semaine, le drapeau mexicain est devenu un symbole de la lutte contre la politique migratoire de Donald Trump dans l’État démocrate de Californie. Le camp républicain perçoit le «drapeau étranger» comme un signe de défiance antiaméricain.
Il est devenu le symbole de la révolte californienne qui embrase Los Angeles. Depuis près d’une semaine, le drapeau du Mexique y est omniprésent. Il est visible sur toutes les images du mouvement de protestations qui dénonce l’arrestation de centaines d’immigrés clandestins par les agents de l’ICE (Immigration and Custom Enforcement, le Service de l’immigration et des douanes). Dans un premier temps pacifique, la mobilisation est désormais émaillée d’affrontements avec les forces de l’ordre, donnant lieu à des dizaines d’arrestations. Les manifestants brandissent fièrement le drapeau mexicain en signe de solidarité avec les migrants en passe de se faire expulser du pays.
En réaction, le drapeau vert, blanc et rouge s’est introduit dans le discours de personnalités politiques, républicaines comme démocrates, cristallisant les tensions entre les deux camps. Les républicains perçoivent la présence revendiquée de ce bout de tissu comme un symbole de défiance envers la politique migratoire de Donald Trump. Ce dernier, ainsi que ses fidèles, le pointe du doigt en le qualifiant de «drapeau étranger».
Ces vives tensions ont obligé les médias américains à se saisir du sujet : «Le drapeau mexicain est devenu un symbole déterminant des manifestations», titre par exemple CNN. Il accompagne depuis longtemps les mobilisations liées à l’immigration, rappelle la chaîne d’informations, en raison de la présence d’une importante diaspora mexicaine.
«Mémoire postcoloniale»
Dans les faits, ce drapeau n’est pas uniquement brandi par des personnes d’origine mexicaine. «Le mouvement est parti de syndicalistes, ensuite rejoints par des étudiants puis des militants latinos», explique Jean-Éric Branaa, maître de conférences à l’Université Paris-II et chercheur au centre de relations internationales Thucydide. «Ils agitent ce drapeau en signe de solidarité envers les migrants, au même titre que le drapeau palestinien lors des manifestations envers la population de la bande de Gaza qu’on a pu observer dans le pays», poursuit-il.
Mais derrière l’argument de la solidarité, se cache la «question de l’identité». «Cette terre californienne était mexicaine jusqu’en 1848. Il y a donc un marqueur de mémoire postcoloniale pour les manifestants. Comme un signe de résistance et d’hommage à leur héritage culturel», souligne Jean-Éric Branaa. Aujourd’hui, Los Angeles est considérée comme la capitale de la diaspora mexicaine aux États-Unis. Plus de 3,4 millions de personnes d’origine mexicaine ou nées au Mexique vivent dans le comté de Los Angeles, soit plus que dans tout autre comté, selon les derniers recensements.
«Perte d’identité nationale»
Pour autant, les élus républicains ne l’entendent pas sous cet angle. La revendication de ce drapeau leur apparaît comme un affront et une marque de défiance à l’endroit de la politique migratoire de Donald Trump. Le président américain s’en est d’ailleurs insurgé : «Ce que vous voyez en Californie, c’est un assaut généralisé contre la paix, l’ordre public et la souveraineté nationale, mené par des émeutiers portant des drapeaux étrangers et ayant pour objectif de poursuivre une invasion étrangère de notre pays.» «Le seul drapeau qui sera hissé, triomphant, dans les rues de Los Angeles, est le drapeau américain», a-t-il insisté.
Son vice-président, JD Vance, a dénoncé dans la foulée que «des insurgés portant des drapeaux étrangers attaquent les agents de l’immigration». Et le chef adjoint du cabinet de Donald Trump à la Maison-Blanche, architecte de son programme migratoire, Stephen Miller, a quant à lui évoqué des «ressortissants étrangers, agitant des drapeaux étrangers, se livrant à des émeutes et entravant l’application de la loi fédérale».
What is the correct term to describe foreign nationals, waving foreign flags, rioting and obstructing federal law enforcement attempting to expel illegal foreign invaders?
— Stephen Miller (@StephenM) June 8, 2025
Le port du drapeau mexicain «alimente l’idée du grand remplacement et d’une perte d’identité nationale portée par la droite américaine et les Trumpistes», analyse Jean-Éric Branaa. Le débat autour du drapeau met ainsi en lumière la «fracture idéologique entre les camps démocrate et républicain», décrypte Jean-Éric Branaa. «Aujourd’hui aux États-Unis, deux récits se font face. D’un côté celui des républicains qui appellent à se ranger derrière un seul drapeau : celui avec les étoiles. De l’autre, celui des démocrates qui estiment que les apports venus de l’étranger n’enlèvent rien au patriotisme».
Ce discours est repris par certains manifestants : «Je suis fière d’être Américaine, mais en ces temps difficiles, je suis fière de mes origines californiennes, ainsi que de la diversité ici, du fait que beaucoup de gens n’ont pas oublié leurs racines», a témoigné Bonnie, une habitante de Los Angeles de 31 ans, au New York Times.
Elle juge que «Trump ne veut pas que les gens se souviennent, il veut nous effacer, et je ne tolérerai pas ça». D’autres citoyens américains qui participent à la mobilisation déplorent que le drapeau américain soit devenu «un symbole patriotique» dont s’est approprié «le mouvement Make America Great Again (MAGA)», en soutien de Trump, rapporte le journal américain.
Dans les traces du passé
La revendication du drapeau mexicain - ou d’autres drapeaux latino-américains - s’inscrit en réalité dans les traces de mobilisations passées. Il avait par exemple été brandi «durant la marche de César Chavez, un syndicaliste paysan, en 1970. Il s’agit d’une grève d’ouvriers agricoles qui réclamaient de meilleures conditions de travail et de meilleurs salaires», affirme Jean-Éric Branaa.
Le drapeau avait également été l’élément déclencheur de manifestations en 1994 contre la «Proposition 187», une loi qui visait à interdire aux sans papiers l’accès à l’éducation, aux soins de santé et aux services sociaux. Déjà à l’époque, les drapeaux mexicains étaient perçus à droite comme un symbole de défiance antiaméricaine.
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