Maestro des rythmes et des âmes, Quincy Jones nous a quittés, laissant derrière lui une constellation de mélodies immortelles qui continueront de résonner à travers les âges.
La disparition de Quincy Jones marque la fin d’une ère unique dans l'histoire de la musique. Celui que l'on surnommait affectueusement “Q” n'était pas seulement un producteur et compositeur de génie, mais aussi un visionnaire qui a, pendant plus de six décennies, façonné des sons, des styles et des icônes, tout en inspirant des générations d'artistes. Né en 1933 à Chicago, il grandit dans un environnement difficile, se passionnant très jeune pour le jazz, un genre où il fera ses premières armes. Très vite, Quincy Jones commence à travailler aux côtés de figures majeures comme Lionel Hampton, Dizzy Gillespie et Count Basie, devenant l’un des plus jeunes orchestrateurs à percer dans ce milieu alors dominé par des musiciens expérimentés. En s'affirmant comme arrangeur de génie, Jones marquera la scène jazz dès ses débuts, tout en établissant une réputation internationale qui ne cessera de croître.
Mais Quincy Jones n’a jamais été limité à un seul genre. Sa carrière foisonnante l’a mené bien au-delà du jazz, pour embrasser et modeler des univers aussi variés que la soul, la pop, la funk, et même le hip-hop, où il a su reconnaître et exploiter les potentialités d’une nouvelle génération d'artistes. Sa rencontre avec Michael Jackson dans les années 1970 marquera d’ailleurs un tournant décisif. De leur collaboration naîtra Off the Wall en 1979, premier jalon d’un partenariat fructueux qui culminera avec les albums Thriller et Bad, imposant Jackson comme l'icône absolue de la pop et Jones comme le maître incontesté de la production musicale. Ensemble, ils révolutionneront l’industrie, propulsant Thriller au rang d’album le plus vendu de tous les temps et redéfinissant les standards du genre.
Même s'il débute dans les années 50, Quincy Jones a toujours su rester en phase avec les évolutions musicales. En collaborant avec des pionniers du hip-hop comme LL Cool J et en créant des compilations de hip-hop jazzy avec des artistes comme Melle Mel et Big Daddy Kane, Quincy Jones prouve son sens de l’avant-garde et sa capacité à détecter le génie dans toutes les formes de musique urbaine. Le légendaire album Back on the Block (1989) symbolise parfaitement cette ouverture, combinant le jazz, la soul et le hip-hop pour créer un son hybride unique qui parle aux jeunes générations comme aux plus anciennes.
Voici une sélection de quinze titres qui retracent la carrière d’un homme qui aura marqué chaque décennie musicale, et dont l’influence continuera de résonner pour longtemps.
1. Quincy Jones - “Soul Bossa Nova” (1962)
Souvent associé au film Austin Powers, “Soul Bossa Nova” est une composition ludique et irrésistible de Jones. C’est le morceau qui fait définitivement sortir Quincy Jones du relatif anonymat auquel son rôle de “technicien” le limitait. Avec ses éléments de bossa nova et ses cuivres éclatants, ce morceau est une démonstration de l’amour de Q pour l’expérimentation et l’influence de la musique latine dans ses compositions. L’énergie de ce morceau en a fait un classique intemporel de la musique populaire, qu’on retrouve dans de nombreux films et spots publicitaires.
2. Lesley Gore - “It’s My Party” (1963)
En 1963, Quincy Jones prend les rênes de la production de “It’s My Party” pour la chanteuse Lesley Gore, alors encore adolescente. Ce tube, qui évoque les chagrins d’une fête gâchée, deviendra un hymne des années 60. Jones utilise des arrangements accrocheurs pour accentuer les paroles dramatiques de la chanson, faisant de Lesley Gore une star instantanée. Ce succès commercial marque l'une des premières incursions de Q dans la pop.
3. Lesley Gore - “You Don’t Own Me” (1963)
Quelques mois après “It’s My Party”, Quincy Jones produit ce titre plus sombre et résolument féministe. “You Don’t Own Me” résonne comme un manifeste de liberté et d'indépendance à une époque où les chansons pop pour adolescentes étaient souvent plus légères. En orchestrant ce morceau avec des arrangements qui semblent prédire le mouvement de libération des femmes, Q signe l'un des premiers titres pop à revendiquer si clairement l'autonomie féminine.
4. Ray Charles - “In the Heat of the Night” (1967)
Quincy Jones compose la bande originale du film In the Heat of the Night, qui rafle cinq Oscars en 1968. Pour le générique, il choisit Ray Charles, une voix puissante et pleine d'émotion, qui donne au film une atmosphère intense. La chanson explore des thèmes profonds et apporte une dimension dramatique à ce polar social. C’est une preuve de plus du talent de Quincy Jones pour fusionner son style jazz avec des contextes cinématographiques forts.
5. Quincy Jones - “Smackwater Jack” (1971)
Avec “Smackwater Jack”, Quincy Jones livre en 1971 un titre fusionnant jazz, funk et soul, au groove puissant et mémorable. Ce morceau instrumental a rapidement captivé les artistes de rap qui, des années plus tard, l’ont repris ou samplé pour ses rythmes accrocheurs. Des figures comme LL Cool J et Kanye West s’en sont inspirés, témoignant de l’influence persistante de Jones dans le hip-hop et de son rôle de pionnier dans l’exploration des sons urbains.
6. Quincy Jones - “Ironside” (1971)
En 1971, Quincy Jones crée le thème musical de la série télévisée Ironside, une mélodie percutante et distinctive, célèbre pour ses accents funk, ses percussions rythmées et surtout ses sirènes mémorables. Ce morceau instrumentale deviendra emblématique, repris et samplé dans de nombreux morceaux de hip-hop, de Drake à The Weekend en passant par Future ou encore 2Pac. La puissance du thème démontre ce don de Jones à imprimer un style reconnaissable en seulement quelques notes.
7. Quincy Jones - “Summer in the City” (1973)
La reprise de “Summer in the City” par Quincy Jones en 1973 est l’une de ses interprétations instrumentales les plus marquantes. Transformant le classique des Lovin' Spoonful en un morceau jazzy et sophistiqué, Q réussit à capturer l’essence de l’été tout en y ajoutant sa touche personnelle. Avec des arrangements méticuleux, il fait briller chaque instrument, du piano aux cuivres, créant une ambiance urbaine et ensoleillée. Cette version lui vaudra le Grammy Award du meilleur arrangement instrumental, soulignant son talent unique pour réinventer des morceaux populaires et les rendre intemporels.
8. George Benson - “Give Me The Night” (1980)
Produit par Quincy Jones, “Give Me the Night” est l'un des plus grands succès de George Benson. Avec des arrangements sophistiqués et une production impeccable, Jones transforme cette chanson en un standard du jazz-funk. Son travail sur ce titre montre son habileté à créer une ambiance sophistiquée qui met en valeur la voix et le groove de George Benson, tout en restant accessible et dansant. Un classique.
9. Michael Jackson - “Thriller” (1982)
Thriller reste l'œuvre la plus iconique de Quincy Jones en tant que producteur. En collaboration avec Michael Jackson, il crée un album révolutionnaire qui change la face de la musique pop. “Thriller”, le morceau-titre, est une fusion parfaite de pop, de rock et de funk, avec des effets sonores dignes d’un film d’horreur. Ce titre est accompagné d'un clip complètement innovant pour l'époque, contribuant à en faire un classique mondial et à propulser Michael Jackson au rang de superstar.
10. Michael Jackson - “Billie Jean” (1982)
Toujours dans l'album Thriller, “Billie Jean” est un chef-d'œuvre de production minimaliste et de groove. Quincy Jones aide Michael Jackson à peaufiner ce titre qui deviendra un modèle pour la musique pop, avec une ligne de basse mémorable et un rythme qui captivera des générations entières jusqu'aujourd'hui. C’est aussi avec ce morceau que Michael Jackson interprétera pour la première fois son fameux moonwalk, gravant à jamais cette chanson dans l’histoire musicale.
11. Donna Summer - “Love Is In Control” (1982)
En pleine ascension de la pop et de la soul, Jones collabore avec Donna Summer pour “Love Is in Control”. Ce titre capture la voix puissante de la chanteuse tout en y ajoutant des synthés funky et des arrangements luxueux. Q y apporta sa touche sophistiquée, donnant à Summer un son plus moderne et démontrant son talent pour adapter son style aux artistes qu’il accompagne.
12. Quincy Jones, Charles May - “Ai No Corrida” (1981)
Ce classique du disco-funk fait partie des titres incontournables de Quincy Jones en tant qu’artiste. “Ai No Corrida”, écrit par Charles May et produit par Jones, est un morceau dynamique qui mélange des éléments de pop et de funk avec des influences disco. Sa production éclatante et ses riffs accrocheurs en font un morceau essentiel des années 80.
Dans les années 80, Quincy Jones retrouve Frank Sinatra pour l’album L.A. Is My Lady. La chanson titre est une lettre d'amour à Los Angeles, et Quincy Jones apporte un éclat jazzy à cette ode, capturant la voix intemporelle de Sinatra. Ce morceau est le dernier grand succès de Sinatra et reflète l'influence de Jones, qui donne encore une fraîcheur à l’interprétation du crooner.
Composée pour La Couleur pourpre, “Miss Celie’s Blues” est une chanson émotive qui incarne les thèmes du film. Quincy Jones, en tant que compositeur et arrangeur de la bande originale, crée un morceau puissant et poignant qui résonne avec la force des personnages. Cette chanson est un hommage à la résilience des femmes afro-américaines et demeure l'un des moments les plus mémorables du film, ainsi que l'une des bandes originales les plus emblématiques de Q.
En 1989, Quincy Jones sort l’album Back on the Block, qui fait office de manifeste pour le croisement entre jazz, soul et hip-hop. Le morceau éponyme, en featuring avec des légendes comme Melle Mel, Big Daddy Kane, et des figures du jazz comme Ella Fitzgerald, symbolise l’attrait de Jones pour l’univers du hip-hop. Il combine habilement des sections de cuivres jazz et des rythmes hip-hop, montrant à quel point le producteur est en avance sur son temps. Back on the Block remporte un Grammy et devient un album référence, jetant un pont entre plusieurs générations d’artistes et de styles.
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