Le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche a fait ressurgir le projet de pipeline Keystone XL dans les discussions. Beaucoup doutent cependant que le président désigné ait plus de succès à faire sortir de terre ce projet d’oléoduc qu’il n’en a eu lors de son premier mandat.
Le dossier est hautement symbolique pour le futur président. Ce projet d’oléoduc, proposé pour la première fois en 2008, a d’abord été bloqué par le démocrate Barack Obama avant que Donald Trump ne l’approuve en 2017 et en 2019. À peine la construction commencée et dès son premier jour au pouvoir, Joe Biden en a retiré le permis présidentiel.
Je pense que Donald Trump veut un petit peu prendre sa revanche et réapprouver le projet. Sur le plan symbolique, il veut lancer un message très fort, dit Yvan Cliche, chercheur associé au Centre d’études et de recherches internationales de l’Université de Montréal.
Cette nouvelle approbation pourrait survenir dès les premiers jours de Donald Trump à la présidence, selon les informations de Politico et de Reuters. Le pipeline a d'ailleurs été un des sujets de conversation du souper entre le premier ministre, Justin Trudeau, et le président désigné vendredi.
Si le projet est le même que celui qui a été proposé initialement, cela voudrait dire que 1900 km de pipelines s’étendront de l’Alberta au Nebraska afin de transporter environ 830 000 barils de pétrole par jour.
Malgré la croissance de la production américaine, le pétrole canadien est toujours très demandé aux États-Unis, et l’analyste à S&P Global Commodity Insights Kevin Birn ne s’attend pas à un changement, même si Donald Trump veut privilégier une production domestique.
Le pétrole lourd canadien répond à une demande particulière des raffineries américaines, ce qui lui donne un avantage compétitif, explique-t-il.
Du côté canadien, le pipeline Trans Mountain agrandi a été mis en service au printemps, ce qui a réduit le manque de capacité d’exportation. Le soulagement n’est toutefois que temporaire, et les pipelines risquent d’être remplis dès 2026, fait valoir Kevin Birn.
Le Canada va devoir trouver une capacité supplémentaire, soit en optimisant les systèmes existants, soit en achevant de nouveaux pipelines comme Keystone XL, soit en augmentant l’exportation ferroviaire, explique-t-il.
Le besoin pourrait devenir d’autant plus criant que la première ministre de l’Alberta, Danielle Smith, envisage de doubler la production de pétrole des sables bitumineux.
Nous souhaitons établir des connexions avec les États-Unis et voir comment nous pouvons aider à [leur] envoyer plus de notre produit, a-t-elle affirmé.
Un pari risqué…
Le besoin peut être là à court terme, certes, mais le sera-t-il à long terme? La question se pose, remarque le professeur auxiliaire à l’Université d’Ottawa, Jean-Thomas Bernard.
Un pipeline a une durée de vie de 30, 40, 50 ans. On ne construit pas cela pour 5 ou 10 ans. Il faut donc que, pendant toute cette longue période-là, il y ait une demande pour ce type de pétrole et il y a quand même des doutes là-dessus, souligne-t-il, évoquant les différents scénarios sur l’avenir de la demande de pétrole.
Par ailleurs, les menaces de tarifs douaniers sur les exportations canadiennes pourraient également changer la donne en matière d'augmentation de la production canadienne.
Jean-Thomas Bernard ajoute que le mandat présidentiel n’est que de quatre ans, un délai court pour faire sortir de terre un tel projet d’infrastructures.
L'analyste pétrolier Rory Johnston rappelle ainsi que, lors du dernier mandat de Donald Trump, seulement 8 % du pipeline ont pu être construits alors que le projet était plus avancé qu'actuellement. Ces tuyaux ont été revendus, souligne-t-il.
À l’époque, le projet a provoqué de nombreuses manifestations aux États-Unis et d’innombrables recours judiciaires. L’opposition d’organisations environnementales comme Natural Resources Defense Council (NRDC) à Keystone XL n’a pas faibli.
Le pipeline de sables bitumineux n’avait aucun sens il y a 10 ans et il a encore moins de sens aujourd’hui. Les inquiétudes environnementales, elles, ne sont pas moins aiguës, a indiqué par courriel le directeur du NRDC, Anthony Swift.
Les droits de passage sur les terres privés devront être renégociés et on ne peut pas affirmer si les permis précédemment donnés sont encore valides.
Il faudrait tout reprendre à zéro. [...] convaincre toutes les communautés et tous les habitants qui sont touchés du côté canadien, mais surtout du côté américain. Ce serait un très gros défi, remarque aussi Yvan Cliche.
… et coûteux
Jean-Thomas Bernard doute qu’une entreprise privée soit prête à se lancer dans ce défi, d'autant plus que le risque n’est pas sans conséquence. L’échec précédent de Keystone XL a coûté plus de 2 milliards $ de pertes financières à TC Énergie. L’entreprise a aussi été déboutée de sa poursuite pour obtenir une compensation financière.
Si Donald Trump n’a pas été capable de faire cela durant son premier mandat, pourquoi aujourd’hui en serait-il plus capable?
Une citation deJean-Thomas Bernard, professeur auxiliaire à l’Université d’Ottawa
Et contrairement à son prédécesseur, Jason Kenney, qui avait investi 1,5 milliard $ dans le défunt projet, la première ministre de l’Alberta, Danielle Smith, n’est pas prête à mettre de l’argent sur la table pour financer la résurrection de Keystone XL.
Elle propose plutôt de trouver d’autres moyens pour diminuer le risque d’investissement, comme faire du gouvernement albertain un des clients garantis du pipeline ou trouver une entreprise américaine prête à s’allier au projet avec une canadienne.
L’ancien promoteur TC Énergie s’est scindé depuis. La nouvelle entité responsable des oléoducs, South Bow, reste vague sur ses intentions.
Notre stratégie à long terme inclut l’exploration des occasions pour accroître nos activités et contribuer à la sécurité énergétique et la fiabilité des marchés que nous desservons, a répondu par courriel une porte-parole de South Bow, sans jamais mentionner Keystone XL.
Avec les informations de Paula Duhatschek
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