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Chefferie libérale : le triomphe de Mark Carney

Auteur: Rania Massoud Source: Radio Canada
Mars 10, 2025 at 07:07
Le nouveau chef du Parti libéral du Canada, Mark Carney, avec son épouse, Diana Fox, après l'annonce de sa victoire.  Photo : La Presse canadienne / Adrian Wyld
Le nouveau chef du Parti libéral du Canada, Mark Carney, avec son épouse, Diana Fox, après l'annonce de sa victoire. Photo : La Presse canadienne / Adrian Wyld

Sans surprise, c’est l’ancien gouverneur de la Banque du Canada qui a été élu pour succéder au premier ministre Justin Trudeau à la tête du Parti libéral et, par extension, du pays.


Pour cet économiste de carrière qui a souvent flirté avec l’idée de se lancer en politique, on peut dire aujourd’hui qu’il fait son entrée par la grande porte.

L’ancien gouverneur de la Banque du Canada Mark Carney a remporté haut la main la course à la chefferie libérale, raflant 85,9 % des votes avec l’appui de 131 674 membres sur les 151 899 qui ont pris part au scrutin. Il est suivi, de loin, par Chrystia Freeland (8 % des suffrages), Karina Gould (3,2 %) et Frank Baylis (3 %).

Cette annonce a été faite dans une ambiance électrique au Centre Rogers, à Ottawa, en présence de quelque 2000 militants libéraux.

M. Carney, qui a également occupé le poste de gouverneur de la Banque d’Angleterre, succède ainsi au premier ministre Justin Trudeau à la tête du parti et devrait le remplacer au poste le plus élevé du pays d’ici quelques jours.

Selon nos sources, la transition devrait se faire plus tard cette semaine

Le Parti libéral du Canada s'est réuni pour choisir un successeur au premier ministre Trudeau à Ottawa.
M. Trudeau en compagnie de son successeur, Mark Carney. PHOTO : REUTERS / CARLOS OSORIO
 

 

Une fois assermenté avec son nouveau cabinet par la gouverneure générale Mary Simon, on s'attend à ce qu’il déclenche des élections fédérales avant la fin de la prorogation du Parlement, le 24 mars.

Dans un discours prononcé en grande partie en anglais, M. Carney a adopté un ton confiant et assuré mais très incisif envers le président américain Donald Trump et le chef conservateur Pierre Poilievre.

Face aux menaces de M. Trump, qui a imposé des droits de douane de 25 % au Canada tout en disant vouloir faire du pays le 51e État américain, M. Carney dit vouloir incarner un nouveau leadership.

 

En toute franchise, ça demandera du changement, du grand changement. Mais je sais que les Canadiens et les Canadiennes sont prêts.

Une citation deMark Carney

 

Les gens veulent du changement parce qu’ils sont inquiets, a encore dit le nouveau chef libéral. Ils s’inquiètent du coût de la vie et de la crise du logement. Ils s’inquiètent pour l’avenir des jeunes. Et ils s’inquiètent de l’avenir du Canada face aux menaces du président Trump et face à un monde plus divisé et plus dangereux.

Les Américains veulent nos ressources, notre eau, notre territoire, notre pays, a-t-il lancé. Ça détruirait notre façon d'être.

Il en a également profité pour souligner les différences entre le Canada et les États-Unis : Aux États-Unis, les soins de santé sont une industrie très lucrative. Au Canada, c’est un droit. L’Amérique est un melting pot. Le Canada est une mosaïque.

Aux États-Unis, on ne reconnaît pas les différences. On ne reconnaît pas les Premières Nations. Et il n'y aura jamais de droits pour la langue française, a-t-il encore ajouté.

 

La joie de vivre, la culture et la langue française font partie de notre identité. Il faut les protéger, il faut les promouvoir. On ne les échangera jamais, jamais, pour n’importe quel accord commercial!

Une citation deMark Carney

 

L’ancien gouverneur de la Banque du Canada a par ailleurs mis en avant son expérience en matière de crises économiques pour se distinguer de son principal adversaire politique, le chef conservateur Pierre Poilievre.

 

Une personne prend une pancarte qui porte la mention « Canada »; d'autres pancartes indiquent « Libéral ».
Une personne prend une pancarte en vue du rassemblement au Centre Rogers, à Ottawa, où ont été annoncés les résultats de la course à la direction du Parti libéral du Canada. PHOTO : LA PRESSE CANADIENNE / JUSTIN TANG

 

C’est un politicien de longue date et j’en ai connu, des gens comme lui, partout dans le monde, a-t-il dit. Devant les menaces américaines, il accuse le leader conservateur de vouloir saper la Banque du Canada et de vouloir abolir CBC/Radio-Canada à un moment où la désinformation et l’ingérence étrangère sont en plein essor.

Il laissera notre planète brûler, a encore lancé M. Carney. Ce n’est pas du leadership, c’est de l’idéologie.

Le nouveau chef libéral a aussi voulu se dissocier du bilan de Justin Trudeau. Après l’avoir remercié pour ses nombreux accomplissements, il a toutefois réaffirmé sa volonté de délaisser la tarification sur le carbone pour les consommateurs, une mesure environnementale longtemps défendue par le gouvernement libéral.

Il a aussi réaffirmé qu’il laissera tomber l’impôt sur le gain en capital.

 

Justin Trudeau parle dans un micro.
Le premier ministre sortant Justin Trudeau s'est exprimé devant les militants libéraux au Centre Rogers à Ottawa le 9 mars 2025. PHOTO : CBC / EVAN MITSUI

 

Avec cette élection, c’est donc une page qui se tourne pour Justin Trudeau, qui a été élu chef libéral en 2013 et qui occupe le poste de premier ministre depuis 2015.

Un vibrant hommage lui a d’ailleurs été rendu peu de temps avant l’annonce de la victoire de M. Carney.

Le premier ministre sortant a pris la parole pendant la soirée, s’en prenant lui aussi au président Trump et au chef conservateur.

Surfant sur la vague de patriotisme qui déferle au pays, il a affirmé que nous savons être diplomatiques quand il le faut, mais nous savons nous battre lorsqu’il le faut aussi!.

 

Un pays, c’est plus qu’un drapeau ou un territoire : c’est une vision qui se bâtit jour après jour.

Une citation deJustin Trudeau.

 

De vibrants hommages

Plusieurs poids lourds du parti étaient également présents à la grand-messe libérale, dont l’ancien premier ministre Jean Chrétien. Dans une allocution, il a vanté ce qu'il considère comme les grandes réussites du gouvernement Trudeau, notamment la réduction de la pauvreté infantile, les services de garde à 10 $ par jour, l’assurance dentaire, la protection de l'environnement et la gestion de la pandémie de COVID-19.

 

Jean Chrétien marche sur scène.
L'ancien premier ministre canadien Jean Chrétien devant les militants libéraux à Ottawa, le 9 mars 2025. PHOTO : REUTERS / CARLOS OSORIO
 

 

M. Chrétien s’est aussi adressé directement à M. Trump : Je vous le dis : arrêtez ce non-sens! Le Canada ne fera jamais partie des États-Unis.

Sur les réseaux sociaux, plusieurs politiciens de différents partis ont félicité M. Carney pour son élection.

Les Canadiens et les Canadiennes comptent sur leurs leaders pour se battre pour eux dans ces temps difficiles, pour défendre un Canada où on prend soin les uns des autres, a commenté le chef du Nouveau Parti démocratique (NPD), Jagmeet Singh. Nous ne serons pas d’accord sur bien des idées, des priorités et des politiques, mais nous devons toujours être unis pour protéger notre pays de Donald Trump.

Le chef du Bloc québécois, de son côté, a indiqué que le mandat de M. Carney est à la hauteur des questions soulevées par un contexte politique complexe et qui sera révélateur des enjeux et des choix à faire par les électeurs du Québec.

Le Parti conservateur du Canada a pour sa part publié une image manipulée sur laquelle on peut voir Justin Trudeau placer une couronne sur la tête de M. Carney avec cette mention : Le successeur de Trudeau.

Sur X, Pierre Poilievre a accusé les libéraux de tromper les Canadiens pour se faire réélire une quatrième fois en remplaçant Trudeau par son conseiller économique, Mark CarneyNous avons besoin d'un nouveau gouvernement conservateur qui mettra le Canada d’abord – pour une fois, a-t-il encore écrit.

Sur le plan provincial, plusieurs premiers ministres ont félicité M. Carney pour sa victoire. Le dirigeant du Québec, François Legault, a notamment affirmé que les défis auxquels le Canada et le Québec feront face au cours des prochains mois sont importants. Tous devront se serrer les coudes et travailler ensemble pour protéger l’économie contre les tarifs de Donald Trump et je suis persuadé que M. Carney sera un allié dans ce combat.

Il en a aussi profité pour remercier Justin Trudeau pour ses années de service public et son engagement envers le Canada.


Paroles de militants

Plusieurs militants rencontrés sur place ont affirmé qu’ils ont récemment pris la décision de devenir membres du Parti libéral du Canada notamment pour contrer la montée des conservateurs dans les intentions de vote aux prochaines élections fédérales. L’élection du président américain Donald Trump et ses menaces contre le Canada ont également contribué à leur décision.

 

Une femme pose avec une pancarte du Parti libéral.
Donna Enright, militante libérale. PHOTO : RADIO-CANADA / RANIA MASSOUD
 

 

Donna Enright, 62 ans, est venue à Ottawa de Haliburton. Elle est devenue membre du parti il y a à peine un mois pour, selon elle, avoir un mot à dire dans le choix de la personne qui va succéder à Justin Trudeau à titre de premier ministre.

Sa voisine, âgée de 67 ans, est du même avis, mais elle a dit souhaiter garder l'anonymat. Elle accuse M. Poilievre d'être trop aligné sur Donald TrumpJ’ai un enfant non binaire et j’ai peur des politiques de M. Poilievre.

Le leader conservateur a déjà dit qu’il reconnaît l’existence de seulement deux genres, le masculin et le féminin, tout comme l’a récemment fait M. Trump.

Fred Simonyi, 22 ans, et Ryan Curran, 21 ans, ont eux aussi récemment décidé de devenir membres du Parti libéral. Cette décision a été prise plus tôt cette année, disent-ils, notamment en raison des tarifs douaniers imposés par Donald Trump au Canada.

 

Deux jeunes hommes debout sourient pour la photo durant un rassemblement du Parti libéral du Canada.
Les militants libéraux Ryan Curran, à gauche, et Fred Simonyi, à droite PHOTO : RADIO-CANADA / RANIA MASSOUD
 

 

Tom Fagan, quant à lui, n’en est pas à sa première course à la chefferie libérale. La première fois que ce militant de longue date a assisté à une course à la direction du parti, c'était en 1972. Mais cette fois-ci, dit-il, les enjeux sont très importants.

Mark Carney est le candidat qui a les compétences nécessaires pour diriger le Canada au cours de la prochaine décennie, estime-t-il.

Le fait que M. Carney ne possède pas d’expérience sur l’arène politique n’est pas un désavantage, selon lui.

 

M. Fagan pense que cet économiste de carrière est bien placé pour empêcher l’arrivée du chef conservateur au pouvoir et pour rassembler le pays.

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