Les alliés européens de Kiev ont resserré les rangs dimanche à Londres pour soutenir l’Ukraine, tandis que Paris et Londres ont proposé une trêve d’un mois en Ukraine. Ils ont aussi souhaité s’engager à en faire plus pour la sécurité en Europe en s’armant davantage et en insistant sur la nécessité de conserver un fort soutien des États-Unis.
Il s’agit d’une trêve « dans les airs, sur les mers et les infrastructures énergétiques », a affirmé dans la soirée au journal Le Figaro le président français, Emmanuel Macron, qui n’avait pas pris la parole publiquement à Londres.
L’avantage d’une telle trêve, c’est qu’« on sait la mesurer » alors que le front est immense, « l’équivalent de la ligne Paris-Budapest », a-t-il ajouté.
Plus tôt dans la journée, le premier ministre britannique, Keir Starmer, avait annoncé que les deux pays travaillaient à « un plan » pour faire cesser les combats.
Il a aussi promis de mettre en place « une coalition des bonnes volontés » pour défendre un futur accord de paix. « Un certain nombre de pays » ont indiqué vouloir en faire partie, a-t-il assuré, sans citer de nom.
Mais le sujet est loin de faire l’unité chez les alliés européens de Kiev, réunis dimanche à Londres par M. Starmer, contrairement à l’objectif de se réarmer face au danger russe.
« L’Europe doit faire le gros du travail, mais, pour que nous défendions la paix sur notre continent et pour que nous réussissions, cet effort doit être fortement soutenu par les États-Unis », a déclaré à l’issue de la rencontre son hôte, le premier ministre britannique, Keir Starmer. « Davantage de pays européens vont augmenter leurs dépenses de défense », a pour sa part affirmé le secrétaire général de l’OTAN, Mark Rutte, saluant une « très bonne nouvelle ».
Seul représentant nord-américain présent, le premier ministre du Canada, Justin Trudeau, était également de la partie. Au terme de la rencontre, il a clairement fait savoir qu’il n’accordait aucune confiance au président russe, Vladimir Poutine, quant au respect d’un éventuel accord de paix en Ukraine tout en affirmant que « le Canada sera là pour l’Ukraine jusqu’à ce qu’une paix juste et durable soit instaurée ».
Le premier ministre a également lancé que « tout est sur la table » quant à la possibilité de déployer une force canadienne pour une mission de maintien de la paix en Ukraine. Justin Massie, directeur du Département de science politique de l’Université du Québec à Montréal (UQAM), prévoyait voir des annonces plus concrètes de la part du Canada à Londres. « C’est un beau geste de solidarité, mais on ne sait pas clairement quelle serait la hauteur de la contribution canadienne », souligne-t-il.
M. Massie croit que le manque de détails quant à l’appui canadien peut s’expliquer par la situation politique canadienne : le Parti libéral du Canada élira un nouveau chef dans une semaine, et Justin Trudeau ne sera ainsi plus premier ministre du pays. Un soutien plus clair aurait toutefois également pu survenir. « C’est sûr que les engagements qu’il peut mener sont plutôt limités dans la mesure où ce n’est pas lui qui sera le premier ministre dans quelques jours. Mais on voit dans les déclarations de Chrystia Freeland ou de Mark Carneyaussi des expressions de soutien à l’Ukraine », explique le professeur de l’UQAM.
La réunion — rassemblant plus d’une quinzaine d’alliés de Kiev, dont le président français, Emmanuel Macron, le chancelier allemand, Olaf Scholz, et la cheffe du gouvernement italien, Giorgia Meloni — était l’occasion pour eux de resserrer les rangs et d’apporter leur appui à M. Zelensky, 48 heures à peine après sa vive altercation avec son homologue américain, Donald Trump, à la Maison-Blanche. Ce dernier lui avait reproché de « s’être mis en très mauvaise posture » et lui avait ordonné de faire la paix avec la Russie, faute de quoi les États-Unis le laisseraient « tomber ».
M. Zelensky s’est toutefois redit prêt dimanche à Londres à signer cet accord « si toutes les parties sont prêtes ». Kiev exige notamment des garanties de sécurité en cas de cessez-le-feu.
Washington fait encore monter la pression
Dimanche, Washington a encore fait monter la pression sur le président ukrainien, laissant planer l’idée qu’il pourrait devoir partir. « Nous avons besoin d’un dirigeant qui peut traiter avec nous, traiter avec les Russes à un moment et mettre fin à cette guerre », a déclaré, sur la chaîne CNN, le conseiller à la sécurité nationale du président Trump, Mike Waltz.
« S’il devient évident que le président Zelensky, pour des motivations soit personnelles, soit politiques diverge de la volonté de mettre fin aux combats dans son pays, alors je crois qu’on a un vrai problème », a-t-il ajouté.
Moscou, qui se réjouit du changement radical de politique des États-Unis, et Washington ont lancé, sans inviter l’Ukraine ni les Européens, des négociations pour mettre fin à la guerre, dont le président américain refuse de considérer Moscou comme responsable.
Dans ce contexte, et peu avant la réunion de Londres, Keir Starmer a annoncé sur la BBC travailler avec la France sur « un plan pour faire cesser les combats » entre l’Ukraine et la Russie, qui sera présenté aux États-Unis. À l’issue de la réunion, il a promis de mettre en place « une coalition des bonnes volontés » pour défendre un futur accord de paix en Ukraine. « Un certain nombre de pays » ont indiqué vouloir faire partie de ce projet, a-t-il assuré, sans citer de nom.
S’agirait-il de déployer des troupes en Ukraine, comme MM. Starmer et Macron l’ont évoqué ? Giorgia Meloni semble en tout cas d’ores et déjà exclure que l’Italie rejoigne cette « coalition », évoquant une « solution qui risque d’être très complexe ».
Du côté de la défense, M. Starmer a par ailleurs annoncé un nouvel accord qui permettra à Kiev d’acheter 5000 missiles de défense aérienne fabriqués à Belfast, en Irlande du Nord, pour un montant de 1,6 milliard de livres sterling (environ 2,9 milliards de dollars canadiens). Samedi, le Royaume-Uni avait signé un accord de prêt de 2,26 milliards de livres (près de 4,1 milliards de dollars canadiens) pour soutenir les capacités militaires ukrainiennes.
Outre l’aide à l’Ukraine, le Canada pourrait utiliser ce nouveau partenariat de production militaire avec l’Europe pour « diversifier » son équipement militaire hors des produits américains, estime Justin Massie. « Ça fait partie aussi des discussions qu’il y a présentement à Londres », croit le professeur de l’UQAM.
L’Ukraine sans les États-Unis ?
Pour Théodore McLauchlin, directeur du site de l’Université de Montréal du Centre d’études sur la paix et la sécurité internationale, le désir des leaders européens de garder le soutien des Américains est complètement fondé. « La perspective que les États-Unis finissent par essentiellement se désister de la sécurité européenne à une heure grave, c’est une perspective qui devrait faire peur aux capitales européennes », estime celui qui est également professeur au Département de science politique de l’Université de Montréal.
Quant à la question de l’inclusion de l’Ukraine dans l’OTAN, « avec les États-Unis qui y font obstacle et qui visiblement feront obstacle à cette possibilité, je doute fort que ça soit réaliste actuellement », indique le chercheur. La question à se poser selon lui est donc : « Est-ce qu’il y a une vraie garantie de la sécurité de l’Ukraine qui pourrait venir du Canada et des autres membres des pays d’Europe ? »
Pour Justin Massie, le « nœud de l’enjeu » n’est pas seulement l’appui des États-Unis envers Kiev, mais bien la question de savoir si les Européens « vont être capables de continuer à soutenir [militairement] l’Ukraine après un cessez-le-feu », ce que la Russie réfute.
Le contexte où un cessez-le-feu n’est pas en place alors que le soutien américain à l’Ukraine prend fin serait « beaucoup plus grave », précise toutefois le professeur à l’UQAM. Les États-Unis fournissent environ 50 % de l’aide à l’Ukraine. « Et donc, si la guerre se poursuit, les Ukrainiens ont toujours besoin de munitions, de missiles, explique-t-il. C’est plus difficile pour les Européens et les Ukrainiens de compenser. »
« Ce n’est pas impossible, mais c’est plus difficile. Alors que, s’il y a un cessez-le-feu, ça donne une pause et les productions européenne et ukrainienne peuvent s’accroître », et ce, même sans le soutien américain, explique M. Massie.
À la suite de la rencontre des différents dirigeants, Justin Trudeau a également annoncé une nouvelle vague de sanctions envers 10 personnes et 21 entités, « dont des organisations paramilitaires et leurs dirigeants, dans le but de freiner la dépendance de la Russie à l’égard d’organisations et de pays tiers dont elle se sert pour atteindre ses objectifs politiques et militaires en Ukraine », précise un communiqué du cabinet du premier ministre.
Ces sanctions visent « 9 dirigeants d’organisations paramilitaires post-Wagner, un membre du haut commandement militaire russe affilié, 9 organisations paramilitaires présentes en Ukraine et dans le réseau du Kremlin en Afrique, ainsi que 12 organisations affiliées responsables de l’extraction de ressources au sein de ce réseau », explique le communiqué.
Avec l’Agence France-Presse et La Presse canadienne
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