Faisant écho à la propagande du Kremlin et accentuant la pression sur l'Ukraine, le président américain, Donald Trump, a qualifié, mercredi, son homologue ukrainien, Volodymyr Zelensky, de « dictateur sans élections ».
Un dictateur sans élections, Zelensky devrait se dépêcher ou il ne va pas lui rester de pays, a-t-il lancé dans une longue publication sur sa plateforme Truth Social, après avoir reproché la veille à l’Ukraine d’avoir « commencé » la guerre avec la Russie, qui a pourtant lancé l'offensive contre son voisin.
La remise en cause de la légitimité démocratique du président ukrainien fait écho au message du président russe, Vladimir Poutine, qui a qualifié Volodymyr Zelensky d'« illégitime » plus tôt cette année.
J'aime l'Ukraine, mais Zelensky a fait un travail terrible, son pays est en ruine et des MILLIONS de personnes sont mortes inutilement, a écrit Donald Trump, répétant ses propos de la veille.
Nous négocions la fin de la guerre avec la Russie, ce que, tous [le] reconnaissent, seuls "TRUMP" [en majuscules et entre guillemets dans la publication] et l'administration Trump peuvent faire, a-t-il déclaré.
Donald Trump a de plus affirmé que le président ukrainien avait manipulé son prédécesseur Joe Biden, alors que ses critiques estiment plutôt que lui-même fait le jeu du président russe, Vladimir Poutine.
Il a répété que les États-Unis avaient dépensé 350 milliards de dollars américains – plus de deux fois le montant déboursé par l'Europe, selon lui – dans une guerre qui ne pouvait pas être gagnée, des chiffres contredits par les données de l'Institut de Kiel pour l'économie mondiale.
Selon l'institut de recherche économique basé en Allemagne, l'Europe est en fait le plus grand contributeur depuis trois ans, avec un total de 138 milliards de dollars américains pour la défense ainsi que l'aide financière et humanitaire apportée à Kiev. L'aide militaire des États-Unis dépasse celle de l'Europe, mais leur contribution totale est inférieure à 120 milliards.
Donald Trump hausse le ton à l'endroit de l'Ukraine au moment où les États-Unis l'ont écartée des discussions présentées comme des pourparlers de paix, entamées la veille avec la Russie à Riyad, en Arabie saoudite.
Le président Zelensky, qui devait rencontrer mercredi la délégation américaine dans la capitale saoudienne, a d'ailleurs reporté son voyage en guise de protestation.
Kiev sur la défensive, Moscou applaudit
Plus tôt, le président ukrainien a déploré que Donald Trump « [vive] dans un espace de désinformation » russe. J'aimerais que l'équipe de Trump ait plus de vérité. Parce que rien de tout cela n'a d'effet positif sur l'Ukraine, a-t-il déclaré au cours d'une conférence de presse.
Il a par ailleurs de nouveau rejeté les demandes américaines portant sur les terres rares – des minerais critiques – de son pays, soulignant que les États-Unis n'avaient pas fourni la somme qu'ils réclament et déplorant l'absence de garanties sécuritaires spécifiques dans l'accord.
Donald Trump a récemment déclaré dans une entrevue à Fox News qu'il voulait pour les États-Unis l'équivalent de 500 milliards de dollars en terres raresukrainiennes.
Au cours de son allocution quotidienne, Volodymyr Zelensky a par ailleurs indiqué qu'il devait rencontrer jeudi l'envoyé spécial américain Keith Kellogg, espérant un travail constructif.
Le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, a pour sa part applaudi le président américain pour dire haut et fort que la volonté d'élargir l'OTAN à l'Ukraine – la rhétorique de Moscou pour justifier le déclenchement de son offensive – était l'une des principales causes de la crise ukrainienne.
Vladimir Poutine s'est quant à lui félicité de la reprise du dialogue russo-américain, se réjouissant de la rencontre prévue avec le président américain.
Je rencontrerai Donald avec plaisir [...]. Et je pense que ce sera réciproque.
Une citation de Vladimir Poutine, président de la Russie
Le président Trump a indiqué mardi qu'il rencontrerait probablement son homologue russe d'ici la fin du mois.
Les discussions de haut niveau entre les délégations américaine et russe ont suivi la longue conversation téléphonique survenue la semaine dernière entre les deux dirigeants, qui ont convenu de lancer des négociations « immédiates » en vue de mettre un terme à la guerre en Ukraine.
Fox News, un réseau sympathique à Donald Trump et aux républicains, citait mercredi des sources non identifiées selon lesquelles les États-Unis mettent de l'avant un plan de paix en trois étapes : d'abord un cessez-le-feu, suivi d'élections en Ukraine et, enfin, la signature d'un accord de paix.
Le mandat de Volodymyr Zelensky a expiré l'an dernier, mais la loi ukrainienne interdit la tenue d'élections tant que la loi martiale, en place depuis le début de l'offensive russe, reste en vigueur, dans un contexte où des millions d'Ukrainiens ont fui à l'étranger et que 20 % du territoire est sous occupation russe.
Les troupes russes ont envahi l'Ukraine en février 2022, lançant alors une guerre à grande échelle, après avoir envahi puis annexé la Crimée, en 2014.
Le chef de l'État russe est visé par un mandat d'arrêt de la Cour pénale internationale (CPI) pour des crimes de guerre que son pays est accusé d'avoir commis en Ukraine.
Zelensky défendu par des leaders occidentaux
Il est tout simplement erroné et dangereux de nier la légitimité démocratique du président Zelensky, a soutenu le chancelier allemand, Olaf Scholz, cité par Der Spiegel.
Si vous regardez le monde réel au lieu de lancer un tweet, vous savez qui en Europe vit dans les conditions d'une dictature : les Russes, les Bélarusses, a pour sa part critiqué la ministre allemande des Affaires étrangères, Annalena Baerbock, à la chaîne de télévision ZDF.
Un porte-parole du premier ministre britannique Keir Starmer a indiqué dans un communiqué que celui-ci s'était entretenu avec le président Zelensky pour lui exprimer son soutien [...] en tant que dirigeant démocratiquement élu de l'Ukraine. Il est parfaitement raisonnable de suspendre les élections en temps de guerre, comme l'a fait le Royaume-Uni pendant la Seconde Guerre mondiale, a déclaré le porte-parole.
Nous sommes aux côtés de l’Ukraine et prendrons toutes nos responsabilités pour assurer la paix et la sécurité en Europe, a écrit sur le réseau social X le président de la France, Emmanuel Macron, à l'issue d'une longue conversationavec des dirigeants de l'Union européenne, du Canada, de l'Islande et de la Norvège. Il a aussi condamné la guerre d’agression menée par la Russie.
S'adressant aux reporters à Montréal, Justin Trudeau, cité par La Presse canadienne, a affirmé que le Canada et ses alliés s'opposent sans équivoque aux violations illégales, immorales et injustes de l'ordre international commises par le président Vladimir Poutine.
Critiques républicaines
Le vice-président américain, J.D. Vance, a condamné les propos du président Zelensky. Il s'attaque, publiquement, à la seule raison qui fait que [son] pays existe, et c'est honteux. Et ce n'est pas quelque chose qui va émouvoir le président des États-Unis. En fait, cela aura l'effet inverse, a-t-il dit en entrevue au site National Pulse.
Certains élus du camp républicain, résolument alignés derrière Donald Trump depuis son retour au pouvoir, se sont toutefois permis de rares notes discordantes.
Poutine a commencé cette guerre. Poutine a commis des crimes de guerre. Poutine est le dictateur qui a assassiné ses opposants. Les États de l'[Union européenne] ont contribué davantage à l'Ukraine. Zelensky est à plus de 50 % dans les sondages, a par exemple corrigé Don Bacon sur le réseau social X.
Vladimir Poutine est un dictateur ignoble et un voyou [...]. Il n'est ni notre ami ni notre allié, a pour sa part déclaré Mike Lawler sur X. En ce qui concerne les élections, bien sûr l'Ukraine devrait avoir des élections libres et justes – mais que cette demande provienne de Poutine et de la Russie est comique et sert leurs propres intérêts, a-t-il dit, mettant en garde contre l'installation d'un président ukrainien qui ne serait qu'une marionnette de Moscou.
Poutine est un criminel de guerre et devrait être en prison pour le reste de sa vie, voire exécuté, a même déclaré à CNN mardi le président du comité sénatorial des Forces armées, Roger Wicker.
Un tournant majeur
La position de Donald Trump face à Kiev et à Moscou marque un virage radical par rapport à la politique menée par son prédécesseur, qui cherchait au contraire à isoler la Russie sur la scène internationale et à lui imposer des sanctions, tout en fournissant des armes à l'Ukraine.
Plus encore, son approche marque un tournant profond dans la politique étrangère menée depuis des décennies par les États-Unis envers Moscou, alors que les alliés occidentaux des États-Unis sont désormais critiqués et menacés de multiples droits de douane.
Dans ses attaques, Donald Trump épargne cependant Vladimir Poutine, l'homme fort du Kremlin qui est aux commandes de son pays depuis un quart de siècle et qui a écrasé les voix dissidentes.
En plus de relayer les positions de la Russie, l'administration Trump vise la normalisation des liens diplomatiques ainsi qu'un partenariat économique et géopolitique avec ce pays. Ces points ont été au centre des pourparlers amorcés mardi.
À la Conférence de Munich sur la sécurité, en Allemagne, J.D. Vance a sermonné les alliés européens des États-Unis, avançant que la plus grande menace à laquelle ils faisaient face était non pas la Russie ou la Chine, mais le manque de liberté d'expression.
Le secrétaire américain à la Défense, Pete Hegseth, a pour sa part martelé devant l'OTAN que l'adhésion de l'Ukraine à l'organisation ainsi que le retour aux frontières d'avant 2014, soit avant l'invasion russe de la Crimée, étaient irréalistes. Plusieurs ont critiqué ses propos, soulignant que cette position affaiblissait l'Ukraine avant même que ne débutent les négociations.
Retour de Kiev et de Moscou au cœur de la présidence Trump
La Russie et l'Ukraine ont chacune à leur façon marqué le premier mandat de Donald Trump.
Le FBI, puis un procureur spécial avaient enquêté sur l'ingérence de la première dans la campagne présidentielle de 2016. Donald Trump avait accordé davantage de crédibilité aux démentis du président Poutine qu'aux conclusions des agences américaines de renseignement.
La deuxième – et particulièrement le président Zelensky – avait été projetée malgré elle au centre de la première enquête en destitution lancée à l'endroit de Donald Trump, accusé d'avoir gelé l'aide militaire américaine dans le but d'obtenir la tenue d'enquêtes favorables à sa réélection, puis acquitté par le Sénat.
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