Par Rozenn Morgat
Les deux hommes de 37 ans, suspectés d’avoir pris part au commando du 19 octobre, avaient été impliqués dans un même vol aggravé, pour lequel ils avaient été condamnés à Paris en 2015.
Deux semaines après le retentissant cambriolage du Louvre, les profils des membres présumés du commando se précisent, loin de ceux du grand banditisme que pouvait laisser penser un casse d’une telle ampleur. Au total, sept personnes ont été arrêtées lors de deux vagues successives d’interpellations qui se sont déroulées à Paris, Roissy et en Seine-Saint-Denis. Quatre d’entre elles, trois hommes et une femme, ont été mis en examen pour «vol en bande organisée» et «association de malfaiteurs». Trois autres ont été relâchés à l’issue de leur garde à vue, ce week-end.
«Ce sont des gens de proximité, ils habitaient tous plus ou moins en Seine-Saint-Denis. Ce que l’on voit maintenant (dans ce type d’affaires, NDLR), ce sont des profils peu connus en matière de criminalité organisée, mais qui montent assez vite sur des faits de criminalité organisée extrêmement graves», a expliqué la procureure de la République de Paris, Laure Beccuau, invitée de Franceinfo ce dimanche. La magistrate a détaillé les contours d’une enquête tentaculaire, qui mobilise sans discontinuer une centaine d’enquêteurs de la Brigade de répression du banditisme (BRB) et de l’Office central de lutte contre le trafic des biens culturels (OCBC). «Comme toute enquête en matière de criminalité organisée, on peut l’associer (cette enquête) à deux images : c’est à la fois celle d’une toile d’araignée que tissent les enquêteurs pour retrouver l’ensemble des protagonistes qui sont liés à cette opération criminelle, mais aussi des fils que l’on tire au fur et à mesure des investigations», a-t-elle expliqué.
Au centre de la «toile d’araignée», trois des quatre individus mis en examen, suspectés d’avoir occupé un rôle majeur dans le commando qui a mené le casse, à l’aide d’un camion et d’une nacelle, à 9h30, le dimanche 19 octobre. Ce matin-là, quatre hommes garaient l’engin - volé à un particulier - au pied de la façade de la galerie Apollon du Louvre, le long du quai François Mitterrand. Deux d’entre eux, revêtus de gilets jaunes afin de se faire passer pour des ouvriers, grimpaient à bord de la nacelle actionnée par leurs comparses, avant de fracturer la fenêtre de la galerie, de briser à la disqueuse les vitrines, puis de dérober les joyaux. Toujours introuvable, le butin est estimé à 88 millions d’euros. Il comporte, entre autres, le collier de la parure de saphirs de la reine Marie-Amélie et de la reine Hortense.
«Toile d’araignée»
Interpellé le 29 octobre puis mis en examen ce week-end, l’un des suspects, âgé de 37 ans, occupe particulièrement les enquêteurs. L’homme, originaire de Seine-Saint-Denis, était déjà connu de la justice. Son casier judiciaire, significatif d’une «délinquance polymorphe», porte mention de 11 condamnations, et fait état de faits relevant de la délinquance routière, de violence, ainsi que d’une dizaine de vols aggravés, a précisé Laure Beccuau.
L’autre personne mise en examen ce week-end, une femme âgée de 38 ans, n’est autre que la compagne de cet homme - le couple a des enfants. En revanche, celle-ci n’est pas suspectée d’avoir directement pris part au commando. Elle est quant à elle poursuivie pour «complicité de vol aggravé». Comme pour les autres mis en cause, son ADN a été isolé sur les lieux du crime par les enquêteurs, dans son cas sur la nacelle. «Autant les traces ADN du premier mis en examen (l’homme de 37 ans) sont importantes, autant celles-ci sont des traces dont on peut se poser la question de savoir si elles sont des traces ADN de transfert» qui auraient été déposées sur la nacelle via «quelqu’un ou un objet», a prévenu Laure Beccuau.
Ce dimanche, d’autres liens entre les mis en cause ont été soulignés par la magistrate. Parmi les condamnations passées de l’homme de 37 ans mis en examen samedi, l’une d’elles - qui concerne des faits de vol aggravé - implique également un autre mis en cause de l’affaire du Louvre, arrêté à Aubervilliers lors de la première vague d’interpellation du 25 octobre. «Ils ont tous les deux été impliqués dans une même affaire de vol, pour laquelle ils ont été condamnés en 2015 à Paris», a détaillé Laure Beccuau, laissant entendre que ces hommes se connaissaient de longue date. Cet autre mis en cause, dont le casier fait lui aussi état de condamnations pour vols aggravés, doit par ailleurs être jugé le 5 novembre par le tribunal correctionnel de Bobigny pour «destruction de biens», en l’occurrence un miroir et une porte de cellule d’un commissariat, dans le cadre d’une garde à vue en 2019.
Le dernier mis en cause, un homme de 34 ans, présente un casier moins conséquent que les deux autres, mais tout de même émaillé de délits routiers et d’une condamnation pour vol. Le 25 octobre, cet Algérien avait été arrêté à l’aéroport de Roissy, alors qu’il s’apprêtait à embarquer sur un vol pour l’Algérie, sans billet retour.