L’agence Reuters affirme que, selon le renseignement américain, Vladimir Poutine a toujours l’intention de soumettre l’Ukraine et de s’étendre en Europe. De son côté, le camp trumpiste martèle que la Russie veut la paix.
Par Eloi Passo
Une passe d’armes musclée entre un média et un responsable politique. Dans la nuit de samedi à dimanche, l’agence de presse londonienne Reuters publie une dépêche titrée : «Intelligence indicates Putin’s war aims in Ukraine are unchanged» («Les services de renseignement [américains] indiquent que les objectifs de Poutine en Ukraine restent inchangés»). Une information importante, transmise après une nouvelle série de négociations entre Américains, Russes, Ukrainiens et Européens ce week-end en Floride pour tenter de trouver une issue au conflit. Sauf que la patronne des renseignements américains a démenti en personne l’information sur X.
No, this is a lie and propaganda @Reuters is willingly pushing on behalf of warmongers who want to undermine President Trump’s tireless efforts to end this bloody war that has resulted in more than a million casualties on both sides.
— DNI Tulsi Gabbard (@DNIGabbard) December 20, 2025
Dangerously, you are promoting this false… https://t.co/7j0N2ZQlmg
«C’est un mensonge et de la propagande», a fulminé Tulsi Gabbard, directrice du renseignement national. L’ancienne militaire proche de Donald Trump a accusé l’agence de presse de vouloir «saper les efforts inlassables du président Trump pour mettre fin à cette guerre sanglante»et de propager un «l’hystérie et la peur au sein de la population afin de l’amener à soutenir l’escalade de la guerre». Tulsi Gabbard est ensuite revenue sur la nature des informations transmises par ses services. Les renseignements américains ont informé les décideurs politiques que «selon eux, la Russie cherche à éviter un conflit majeur avec l’Otan» et que «les performances de la Russie sur le champ de bataille indiquent qu’elle n’a actuellement pas la capacité de conquérir et d’occuper l’ensemble de l’Ukraine, et encore moins l’Europe».
Dans sa dépêche, Reuters citait pourtant «six sources proches des services de renseignement américains» qui avertissaient des objectifs territoriaux intacts du président russe en Ukraine et plus généralement en Europe, pour retrouver les frontières perdues de l’URSS. «Les conclusions américaines sont restées constantes depuis le lancement par Poutine de son invasion à grande échelle en 2022», soulignait l’agence. «Elles correspondent en grande partie aux points de vue des dirigeants européens et des agences d’espionnage selon lesquels il convoite toute l’Ukraine et les territoires des anciens États du bloc soviétique, y compris les membres de l’alliance de l’OTAN, selon les sources.»
Une présentation des faits en contradiction avec les déclarations de Donald Trump et de ses proches qui répètent à l’envi ces dernières semaines que Vladimir Poutine souhaite la fin du conflit. Le président américain se faisait par là presque plus poutinien que Poutine lui-même, puisque son homologue russe n’a cessé de souffler le chaud et le froid sur cette question lors de ses dernières déclarations. Lors d’une récente conférence de presse, Vladimir Poutine affirmait qu’il n’y aurait pas d’autres opérations «si la Russie était traitée avec respect». Quelques jours plus tôt, il avait affirmé qu’il n’avait pas l’intention d’attaquer l’Europe et qualifié ces allégations de «ridicules». Mais début décembre, le maître du Kremlin affirmait aussi que la Russie était «prête» si l’Europe voulait la guerre.
La difficile question des concessions territoriales
Alors que Donald Trump a promis de mettre fin à la guerre, ses obligés politiques n’ont de cesse de mettre en avant la prétendue bonne volonté du Kremlin dans les négociations. À l’heure actuelle, la Russie contrôle la quasi-totalité de la région de Louhansk (plus de 99%) et une large majorité de celle de Donetsk (75%), cœur industriel du Donbass. Sans oublier celles de Zaporijjia (plus de 75%) et Kherson (plus de 70%), ainsi que l’entièreté de la très stratégique péninsule de Crimée. Au total, c’est environ 20% du territoire ukrainien qui est occupé par l’armée russe. Au cœur des négociations en cours entre Américains, Ukrainiens et Russes, la très délicate question d’éventuelles concessions territoriales ukrainiennes.
Les pourparlers se poursuivent en cette fin de semaine à Miami, en Floride, en présence de représentants européens. Le plan d’origine présenté il y a plus d’un mois par Donald Trump avait été perçu comme très favorable au Kremlin. Celui-ci a évolué au cours des négociations. Si les détails de la nouvelle mouture ne sont pas connus, Volodymyr Zelensky a affirmé qu’elle implique des concessions territoriales de la part de l’Ukraine en échange de garanties de sécurité occidentales.