Ukraine

Analyse, Sommet en Alaska : Trump a tout donné, Poutine semble n’avoir rien cédé

Auteur: Rania Massoud Source: Radio Canada
Août 16, 2025 at 09:18
Les présidents américain et russe lors de leur conférence de presse conjointe à l'issue de leur rencontre en Alaska. PHOTO : REUTERS / JEENAH MOON
Les présidents américain et russe lors de leur conférence de presse conjointe à l'issue de leur rencontre en Alaska. PHOTO : REUTERS / JEENAH MOON

Si Vladimir Poutine était déjà considéré comme vainqueur avant même le début du sommet avec Donald Trump en Alaska, le président russe a émergé triomphant après sa rencontre de près de trois heures avec son homologue américain.

Le dirigeant de la première puissance mondiale a offert sur un plateau d’argent une consécration diplomatique – qui était inespérée il y a tout juste quelques jours – au chef du Kremlin.

Dès que l’avion de M. Poutine a touché le tarmac de l’aéroport d’Anchorage, la scène était saisissante : M. Trump, qui a déroulé le tapis rouge à son homologue russe, l’a applaudi à plusieurs reprises pendant que ce dernier se dirigeait vers lui. S’en est suivi une chaleureuse poignée de main entre les deux hommes qui entretiennent de très bonnes relations malgré les relations historiquement acrimonieuses entre les États-Unis et la Russie.

Plus encore : Donald Trump a fait un geste qui était jusque-là impensable, invitant Vladimir Poutine à monter à bord de sa limousine, connue sous le nom de The Beast, ou La bête  en français. Cette voiture blindée et ultrasécurisée est une véritable forteresse sur roues qui assure les déplacements du président américain. Personne d’autre n’est normalement autorisé à monter à bord. C’est dire tout le privilège dont a bénéficié l’ancien officier du KGB en Alaska.

 

Donald Trump et Vladimir Poutine se serrent la main sur le tarmac.
Donald Trump et Vladimir Poutine se sont serré la main et ont discuté sur tarmac de la base militaire à Anchorage, en Alaska. PHOTO : GETTY IMAGES / AFP / ANDREW CABALLERO-REYNOLDS

 

Cette escapade en duo a permis aux dirigeants des deux plus grandes puissances nucléaires de profiter d’un aparté d’environ 30 minutes, entamant ainsi leur sommet en tête-à-tête avant de rejoindre le reste de leurs délégations respectives sur la base militaire d'Elmendorf-Richardson.

Là, le président Trump ne paraissait pas fidèle à lui-même. Au lieu de s’imposer face à son invité, comme il a l’habitude de le faire lorsqu'il reçoit des dirigeants étrangers dans le bureau ovale, Donald Trump a adopté une attitude maîtrisée, crispée même. Contrairement à ses habitudes, il a évité de répondre aux questions des journalistes qui ont été brièvement invités dans la salle où s’est tenu le sommet pour prendre des images.

Le président Trump a même quasiment chassé les journalistes de la pièce lorsque ces derniers ont commencé à poser des questions gênantes à Vladimir Poutine, qui feignait de ne pas comprendre. Des questions telles que : Pourquoi le président Trump doit-il vous faire confiance? ou encore Allez-vous cesser de tuer des civils?

 

Donald Trump, Vladimir Poutine et leurs conseillers respectifs sont assis dans une salle de réunion en Alaska, le 15 août 2025.
Les dirigeants n'ont pas répondu aux journalistes, qui les bombardaient de questions avant le début du sommet. PHOTO : ASSOCIATED PRESS / JULIA DEMAREE NIKHINSON

 

 

Aucun accord trouvé

La suite du sommet n’a pas apporté plus de réponses. Il faut dire que peu de détails ont été divulgués à la suite de la rencontre de près de trois heures entre les délégations américaine et russe.

La conférence de presse conjointe entre MM. Trump et Poutine était presque cryptique, surtout que les deux hommes n’ont pas répondu aux questions des dizaines de journalistes internationaux qui se trouvaient sur place.

Les deux dirigeants ont qualifié leurs discussions de constructives et de positives, même si aucun accord crucial sur un cessez-le-feu en Ukraine n'a été trouvé. Quelques minutes plus tôt, le président Trump avait pourtant dit qu’il serait très mécontent si un tel accord n’est pas conclu à l’issue du sommet.

Fait intéressant : contrairement au protocole diplomatique, le président Poutine a lancé la conférence de presse en prenant la parole en premier, avant le dirigeant hôte. D’habitude, lorsque le président des États-Unis reçoit un dirigeant étranger, la conférence de presse conjointe débute par une allocution du dirigeant américain, suivie de celle de son invité, et non le contraire.

 

Les présidents Trump et Poutine devant une foule de journalistes venus assister à leur conférence de presse conjointe à Anchorage.
Les présidents Trump et Poutine devant une foule de journalistes venus assister à leur conférence de presse conjointe à Anchorage. PHOTO : REUTERS / JEENAH MOON

 

 

Il est difficile de dire si Vladimir Poutine a cédé quoi que ce soit, vendredi en Alaska, même s’il a mentionné qu’une voie a été tracée en vue d’une paix en Ukraine. Le président russe, qui a lancé son offensive contre Kiev en février 2022, a dit qu’il souhaitait sincèrement mettre fin à ce conflit qu’il a qualifié de tragique. Il a également mis en garde les Européens contre toute tentative de sabotage des négociations.

Donald Trump, pour sa part, est resté très prudent, affirmant que beaucoup de progrès ont été réalisés avec son homologue russe, même si cela n’a pas conduit à un accord entre les deux hommes. Il n’y a pas d’entente tant qu’il n’y a pas d’entente, a-t-il ajouté, avant de déclarer qu’il compte parler avec le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, pour lui faire part des résultats de sa rencontre avec Vladimir, Poutine.

 

Le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov et le secrétaire d'État américain Marco Rubio discutant avant le début de la conférence de presse de Donald Trump et de Vladimir Poutine.
Le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, et le secrétaire d'État américain, Marco Rubio discutant avant le début de la conférence de presse de Donald Trump et de Vladimir Poutine. PHOTO : ASSOCIATED PRESS / JULIA DEMAREE NIKHINSON

 

 

Des messages de provocation

Mais si le dirigeant russe n’a pas révélé grand-chose par les mots, les gestes de sa délégation en disaient long. Tout d’abord, il y a le message vestimentaire arboré par son chef de la diplomatie. Connu pour son goût de la mise en scène et de la provocation, Sergueï Lavrov est arrivé en Alaska portant un chandail sur lequel sont affichées les lettres CCCP, le sigle de l'ancienne URSS. Difficile de ne pas y voir un message politique à l'intention de Washington et de l'Occident, en référence au passé soviétique de la Russie.

En plus de ce message vestimentaire, les Russes ont trouvé une autre façon ingénieuse de narguer les Ukrainiens, comme si la tenue de ce sommet ne suffisait pas en soi. Quelques minutes avant la rencontre entre Donald Trump et Vladimir Poutine, les journalistes russes accompagnant le chef du Kremlin à bord de son avion en direction de l’Alaska ont eu droit à un plat de poulet à la Kiev.

Ce menu a plus que ravi les propagandistes russes en ligne. Poutine et Trump devraient transformer Zelensky en poulet à la Kiev, a commenté le chroniqueur pro-Kremlin Sergueï Markov. L'humour ne manque pas au Kremlin, a-t-il ajouté.

 

Le président russe tout sourire à côté de son homologue américain dans la voiture présidentielle.
Le président russe tout sourire à côté de son homologue américain dans la voiture présidentielle. PHOTO : REUTERS

 

 

Une chose est sûre : on aura rarement vu Vladimir Poutine afficher un sourire aussi grand que celui qu’il avait lorsqu’il est monté à bord de La bêtede Donald Trump.

Et, surtout, il rentre à Moscou sans le spectre de nouvelles sanctions américaines, tant réclamées par l’Ukraine, l’Union européenne et l’OTAN.

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