Le président de l'Ukraine, Volodymyr Zelensky, n’a pas tort de le répéter : le sommet entre Vladimir Poutine et Donald Trump, prévu pour vendredi en Alaska, est en soi une « victoire personnelle » pour le président russe.
Sa rencontre avec un président en sol américain – une première depuis 2007 – permettra au chef du Kremlin de se repositionner sur la scène internationale, lui qui a été boudé par les grandes puissances occidentales depuis qu’il a décidé d’envahir l’Ukraine, il y a trois ans.
Ce sommet tant attendu l'aidera d’abord et avant tout à briser son isolement. Et pas n’importe où : il le fera sur le territoire de la première puissance mondiale.
D’ailleurs, le choix de l’Alaska pour la tenue de ce sommet n’est pas anodin. Cet État américain, voisin de la Russie, a déjà appartenu aux Russes. Il a été vendu aux Américains en 1867 pour une somme de 7,2 millions de dollars américains, ce qui équivaut aujourd’hui à au moins 130 millions de dollars américains.
La rencontre entre MM. Trump et Poutine n’aurait pas eu le même effet si elle avait été tenue aux Émirats arabes unis, par exemple, comme l’avait laissé entendre en premier lieu le président russe.
Par ailleurs, le choix de l’Alaska est assez symbolique, puisque la distance entre cet État américain et la Russie est d’à peine 80 kilomètres, soit la largeur du détroit de Béring, qui sépare les deux pays. La distance entre l’Alaska et l’Europe? Elle est de 7000 kilomètres au moins. Toute une séparation géographique!
Il s'agit d'une façon pour Vladimir Poutine de démontrer que les États-Unis et la Russie sont bien plus proches qu’on peut le penser. C’est également un moyen pour le dirigeant russe de garder ses rivaux européens le plus possible à l’écart.
Le fait que le sommet prendra la forme d’un tête-à-tête entre les deux dirigeants est également considéré comme une victoire pour le chef du Kremlin. Seuls des interprètes seront autorisés à assister à la réunion. Pas le vice-président américain, J.D. Vance, ni le secrétaire d’État, Marco Rubio.
Mais les plus grands absents de cette rencontre historique sont, de toute évidence, le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, ainsi que ses alliés européens, qui sont pourtant les premiers concernés par ce conflit.
Faut-il le rappeler? L'invasion de l'Ukraine par la Russie est le conflit le plus meurtrier que l'Europe ait connu depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, en 1945.
Les Européens craignent par ailleurs un élargissement du conflit ukrainien. L’Allemagne a récemment appelé les pays membres de l’OTAN à se préparer à une éventuelle attaque de la Russie au cours des quatre prochaines années.
La rencontre en tête-à-tête, sans conditions préalables, entre Vladimir Poutine et Donald Trump est une autre façon pour le président russe d’isoler ses adversaires européens en les éloignant de la table de dialogue sur l’avenir du conflit en Ukraine.
Par ailleurs, l’Alaska comme lieu de rencontre représente un choix sûr pour le dirigeant russe, qui est pourtant visé par un mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale depuis mars 2023 pour le crime de guerre de transfert illégal d'enfants ukrainiens.
En effet, en se rendant en Alaska, M. Poutine ne risque pas de se faire arrêter étant donné que les États-Unis ne reconnaissent pas la compétence de ce tribunal international. Et pour s’y rendre, il n’aura même pas à survoler l’espace aérien d’un pays étranger, puisqu’il n’aura qu’à traverser le détroit de Béring pour mettre les pieds à Anchorage.
Enfin, une autre raison pour laquelle ce sommet est considéré comme une victoire personnelle pour Vladimir Poutine, et ce, avant même sa tenue, est le moment choisi pour le tenir. L’annonce de ce sommet a été faite le jour même où l’ultimatum de Donald Trump selon lequel son homologue russe devait mettre fin à la guerre en Ukraine expirait. Cela veut dire que les sanctions américaines, tant réclamées par les Ukrainiens et les Européens, ont de facto été retardées.
Plus encore : Vladimir Poutine pourrait même réclamer un allègement des sanctions occidentales qui pèsent déjà contre lui en contrepartie d’un consensus sur l’Ukraine.
Mais le dirigeant russe va probablement vouloir gagner plus que des symboles et bien plus qu’une reconnaissance de sa stature sur la scène internationale. Il veut une victoire totale en Ukraine.
Vladimir Poutine veut que la Russie conserve le contrôle des quatre régions du sud et de l'est de l’Ukraine, notamment les régions de Donetsk, de Kherson, de Louhansk et de Zaporijia. Il veut aussi que Kiev renonce à la souveraineté de la Crimée, une région que la Russie a annexée en 2014.
Le président Poutine veut aussi que l’Ukraine renonce à la livraison des armes occidentales et qu'elle abandonne son rêve de rejoindre les rangs de l’OTAN.
Il s’agit là de concessions qui sont catégoriquement rejetées par Volodymyr Zelensky, qui refuse de céder d’un pouce face à Moscou.
Pourtant, sur le terrain, les forces russes mènent une avancée record dans l'est de l'Ukraine, revendiquant la prise de deux nouvelles localités en moins de 48 heures.
Tout cela permet au président russe de se rendre en Alaska en position de force, tant sur le plan militaire que sur le plan diplomatique. Reste à voir comment cet élan se concrétisera une fois que Vladimir Poutine sera en tête-à-tête avec Donald Trump, avec qui l'imprévisibilité est de mise.
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