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L’industrie du cinéma cherche des solutions face aux menaces de tarifs de Trump

Source: France 24::
Les productions étrangères représentent pas moins de 60 % des revenus des créateurs canadiens. (Photo d'archives)  Photo : getty images/istockphoto / oatjo
Les productions étrangères représentent pas moins de 60 % des revenus des créateurs canadiens. (Photo d'archives) Photo : getty images/istockphoto / oatjo

De Vancouver à Halifax, en passant par Montréal, les acteurs de l'industrie cinématographique canadienne cherchent plus que jamais à diversifier leurs marchés face aux récentes menaces de Donald Trump d'imposer des droits de douane de 100 % sur les productions américaines produites à l'extérieur des États-Unis.

La majorité des productions étrangères en tournage au Québec, comme dans les autres provinces canadiennes, viennent du sud de la frontière. C’est que les productions américaines tiennent, depuis plusieurs années, à profiter des incitations fiscales qu'offrent certains studios canadiens.

C’est notamment ce qui explique que les productions étrangères réalisées au pays ont augmenté de 285 % au cours des dix dernières années. Ces productions représentent pas moins de 60 % des revenus des créateurs canadiens.

Les diffuseurs et les studios internationaux sont aussi responsables de plus de la moitié des investissements dans la production cinématographique, télévisuelle et de diffusion en continu au Canada.

Le Québec à lui seul accueille entre 20 et 30 productions internationales d'envergure chaque année, met de l’avant Stéphane Cardin, PDG du Bureau du cinéma et de la télévision du Québec (BCTQ).

Or, l’industrie cinématographique n’échappe pas au chaos introduit par M. Trump dans le commerce mondial. Le secteur cinématographique et télévisuel cherche donc à diversifier sa clientèle, comme la majorité des secteurs industriels le font devant le protectionnisme américain.

Stéphane Cardin, PDG du Bureau du cinéma et de la télévision du Québec (BCTQ).

Stéphane Cardin, PDG du Bureau du cinéma et de la télévision du Québec (BCTQ). Photo : Radio-Canada


Le BCTQ a entre autres organisé la Semaine 360 du secteur audiovisuel, un événement de trois jours à la fin du mois d’octobre, pour promouvoir les forces et les atouts de l’industrie québécoise auprès d’une quinzaine de grands studios hollywoodiens et de compagnies de productions indépendantes américaines, britanniques et autres.

Ces tournées de familiarisation, comme l’explique Stéphane Cardin, servent à « inviter des décideurs internationaux chez nous pour leur montrer ce qu'on a à offrir et pour démontrer tout l'éventail de notre expertise ».

On se déplace aussi vers Los Angeles et dans différents marchés du monde [notamment au Royaume-Uni et en France], lors de missions économiques, pour convaincre les décideurs de tourner chez nous.

Une citation deStéphane Cardin, PDG du Bureau du cinéma et de la télévision du Québec

On trouvait que ça s’imposait d’amplifier nos efforts de promotion, indique-t-il, mentionnant au passage qu’il s’est rendu en Corée du Sud dans le cadre d’une mission commerciale organisée par le ministère du Patrimoine canadien cet été.

Pourquoi venir produire des films au Québec et au Canada? Pour la qualité des équipes créatives, bien reconnues à Hollywood, répond M. Cardin.

On est aussi habitué à générer une grande valeur de production avec de plus petits budgets, met-il de l’avant, insistant sur la diversité de lieux de tournage et la force du secteur des effets télévisuels. Il cite en exemple la série The Last Frontier, l'une des plus grandes productions étrangères tournées dans le froid québécois.

Une capture d'écran d'une scène de la série The Last Frontier.

La série « The Last Frontier » est l'une des plus grandes productions étrangères tournées dans les régions des Laurentides et de la Capitale-Nationale. Photo : Apple TV+


Or, la valeur de la production de l’industrie audiovisuelle du Québec a baissé en 2023-2024. Ce recul est en partie attribuable à la grève des scénaristes américains qui a débuté en mai 2023 et à la baisse de la valeur des productions étrangères.

En effet, bien que l’on conserve le même ratio de tournages internationaux grâce aux productions indépendantes, le budget de ces dernières est bien plus modeste. On a moins de films à grand budget, à grand déploiement, comme on a déjà eu, tels les X-Men ou les Transformers, explique M. Cardin, qui est aussi l’ancien directeur des affaires institutionnelles au Canada de Netflix.

La santé du secteur de la production internationale au Québec est importante pour la vitalité de notre production, parce que c'est ce qui nous permet de maintenir en place des infrastructures à la fine pointe comme les studios Grande et les studios MELS à Montréal, ainsi que des infrastructures en matière de postproduction et les studios d'effets visuels d'animation, souligne-t-il.

Vue extérieure du studio MELS 3.

La construction du MELS 3 visait à attirer davantage de productions internationales à grand budget, tout en soutenant les productions québécoises. (Photo d'archives). Photo : La Presse canadienne / Ryan Remiorz


« Sans eux, nous perdrions plus de 80 % du travail »

Cette dépendance aux productions américaines et étrangères est également courante en Nouvelle-Écosse, où les paysages sont notamment prisés pour les comédies romantiques. Chaque genre est essentiel à l'écosystème, indique Laura MacKenzie, directrice générale de Screen Nova Scotia, une association professionnelle qui promeut et défend les intérêts de l'industrie cinématographique de la Nouvelle-Écosse.

Cette province espère mobiliser d’importantes productions du Royaume-Uni, de l'Écosse, de l'Irlande et du pays de Galles. Elle cherche aussi à bâtir des relations avec l'Australie et la Nouvelle-Zélande.

Après tout, 80 % du volume de production filmé en Nouvelle-Écosse concerne les productions du service extérieur.

Sans eux, nous perdrions plus de 80 % du travail qui arrive chaque année en Nouvelle-Écosse, ce qui serait extrêmement préjudiciable à l'industrie, voire la détruirait.

Une citation deLaura MacKenzie, directrice générale de Screen Nova Scotia

Laura MacKenzie en visioconférence.

Laura MacKenzie, directrice générale de Screen Nova Scotia, une association professionnelle qui promeut et défend les intérêts de l'industrie cinématographique de la Nouvelle-Écosse. Photo : Radio-Canada


« Cela crée un climat de peur »

Les modalités d'imposition de tarifs américains sur un bien immatériel comme un film demeurent toutefois floues.

Il n'existe actuellement aucune réglementation qui permettrait d’imposer des tarifs [sur une production cinématographique], étant donné qu'il s'agit d'un service numérique et non d'un bien physique tarifable à la frontière, croit Mme MacKenzie.

Évidemment, cela crée un climat de peur, et je pense que c'est le but, renchérit M. Cardin, précisant que l’industrie américaine, malgré toutes sa volonté, serait incapable de produire tous ses films et toutes ses séries aux États-Unis.

Un budget fédéral favorable à la culture

Dans le budget fédéral dévoilé mardi, pas moins de 40 % du budget alloué à la culture sera versé directement ou indirectement à l’industrie cinématographique et télévisuelle canadienne.

Le fédéral a ainsi renouvelé son enveloppe de 150 millions de dollars sur trois ans à Téléfilm Canada, principal bailleur de fonds de l’industrie canadienne du cinéma.

Il s’agit de la confirmation du tiers de notre budget total, c’est significatif, s’est réjouie Julie Roy, directrice générale et chef de la direction de Téléfilm Canada, soulignant au passage que l’industrie cinématographique canadienne compte des dizaines de milliers d'emplois.

Une foule qui regarde un film dans un cinéma.

Les diffuseurs et les studios internationaux sont responsables de plus de la moitié des investissements dans la production cinématographique, télévisuelle et de diffusion en continu au Canada. (Photo d'archives). Photo : Gracieuseté de l'Institut canadien du film / Petr Maur


Le fédéral a aussi alloué une somme de 127,5 millions de dollars sur trois ans au Fonds des médias du Canada afin d’appuyer les créateurs canadiens et a accordé une somme de 26,1 millions de dollars sur trois ans à l’Office national du film (ONF).

Les investissements prévus sont historiques et vraiment bienvenus, s’est réjouie Suzanne Guèvremont, commissaire du gouvernement à la cinématographie et présidente de l'ONF.

L’ONF n’a pas connu un tel soutien depuis des décennies [...] et c'est d’autant plus important à une époque où les identités canadiennes sont prisonnières des algorithmes étrangers et où la vérité est de plus en plus difficile à cerner, a-t-elle rappelé.

Les nouvelles générations boudent, chiffres à l’appui, les productions nationales au profit de plateformes américaines telles que Netflix et Prime Video, pour ne nommer que celles-ci.

Le ministère du Patrimoine canadien attend par ailleurs encore les recettes de la nouvelle Loi sur la diffusion continue en ligne.

Avec les informations de Louis-Philippe Trozzo

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