Créée en 2019, la taxe sur les services numériques, qui touche en particulier les géants américains Google, Amazon, Meta (ex-Facebook) ou Apple, rapporte de plus en plus. Mais les Etats-Unis ne l'entendent pas de cette oreille.
La « taxe Gafa » est à nouveau dans le viseur de l'administration américaine. Dans le mémorandum signé jeudi par Donald Trump pour « restaurer l'équité » dans les relations commerciales, le président américain a annoncé son intention de prendre des mesures contre la France et le Canada en raison de leurs taxes sur le numérique.
« Alors que les Etats-Unis n'ont rien de tel, et que seule l'Amérique devrait être autorisée à taxer des firmes américaines, des partenaires commerciaux soumettent les compagnies américaines à quelque chose appelé « taxe sur les services numériques » » déplore la feuille de route publiée par la Maison Blanche. Par ce biais, le Canada et la France collectent chacun plus de 500 millions de dollars auprès de ces entreprises et l'ensemble des taxes non réciproques coûteraient aux firmes américaines plus de deux milliards de dollars par an, chiffre Washington. « Des taxes douanières réciproques vont ramener de l'équité et de la prospérité », conclut le document.
La France est prévenue. « Je ne suis pas sûr que la question de la taxe soit liée à la guerre commerciale. Nous maintenons la taxe ; c'est la loi française. Nous verrons si cela se transforme en un autre genre de conflit avec les Etats-Unis - j'espère que ce ne sera pas le cas », fait savoir aux « Echos » le ministre de l'Economie, Eric Lombard. Plusieurs autres pays européens appliquent par ailleurs une taxe similaire, relève Bercy, dont le Royaume-Uni, l'Espagne, l'Italie et l'Autriche.
Rendement croissant
Adoptée en France à l'été 2019, la taxe sur les services numériques impose à hauteur de 3 % les revenus des sociétés réalisant un chiffre d'affaires sur leurs activités numériques d'au moins 750 millions d'euros au niveau mondial et de plus de 25 millions d'euros en France. Elle a été conçue pour cibler en particulier les géants technologiques américains comme Google, Amazon, Facebook et Apple (d'où son surnom de taxe Gafa), qui échappent largement à l'impôt sur les sociétés en France, le gros de leurs bénéfices étant déclaré dans d'autres pays.
Mais son spectre, qui inclut la publicité en ligne, la commercialisation de données personnelles et les services d'intermédiation sur une place de marché, est plus large et touche aussi d'autres groupes, comme le Français Criteo ou le groupe norvégien Adevinta (la maison mère du site Leboncoin.fr). Son rendement a beaucoup augmenté ces dernières années. Alors qu'en 2019, cet impôt rapportait 277 millions d'euros à l'Etat, ce montant a grimpé à 680 millions d'euros en 2023, 756 millions d'euros en 2024 et doit encore croître pour atteindre 774 millions d'euros en 2025.
Cet impôt n'a jamais été bien accepté par les Etats-Unis. Dès son instauration, Donald Trump, alors dans son premier mandat, avait menacé la France de représailles, ciblant le champagne et le roquefort, entre autres produits français exportés. Ces surtaxes avaient ensuite été suspendues, puis abandonnées par l'administration Biden en 2021, quand un accord avait été trouvé dans le cadre de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) pour une meilleure taxation, à l'échelle mondiale, des activités numériques des grandes multinationales. Ce dossier semble aujourd'hui dans l'impasse.
Stéphane Loignon et Sébastien Dumoulin