Le président des Etats-Unis tend la main aux électeurs mécontents de la baisse de leur pouvoir d'achat. Ce geste de Trump met aussi la pression sur la Cour suprême, qui pourrait censurer ses nouveaux tarifs douaniers.
Par Solveig Godeluck
Un gros chèque pour tout le monde, ou presque : rien de tel pour regagner le coeur des électeurs, après une cuisante défaite dans les urnes. Donald Trump semble prêt à passer à l'acte. « Un dividende d'au moins 2.000 dollars par personne (n'incluant pas les gens à haut revenu) sera payé à chacun », a-t-il annoncé ce dimanche matin, sur Truth Social.
Si le président des Etats-Unis évoque un « dividende », c'est parce que ces chèques seront prélevés sur la cassette des droits de douane. Depuis le lancement de la guerre commerciale de l'Amérique contre tous, cette année, les recettes douanières ont bondi. Elles dépassent 30 milliards par mois, contre 9 milliards en janvier, avant le lancement des hostilités. De janvier à septembre, la collecte a atteint 215 milliards - la statistique d'octobre n'a pas été publiée en raison du « shutdown » qui paralyse le gouvernement.
Le précédent du chèque Musk
« Les gens qui s'opposent aux tarifs sont fous ! Nous sommes maintenant le pays le plus riche, le plus respecté du monde, avec quasiment pas d'inflation et une valorisation boursière record. L'épargne retraite est au plus haut. Nous encaissons des milliers de milliards de dollars, et nous commencerons bientôt à rembourser notre énorme dette de 37.000 milliards », assure Donald Trump dans le même message, en citant également « des investissements record aux Etats-Unis ».
Cette apologie des droits de douane s'adresse bien sûr à la Cour suprême. Mercredi, lors d'une audition publique, les magistrats se sont montrés sceptiques sur les « tarifs réciproques ». Ces derniers ont été pris sur le fondement d'une urgence nationale discutable. Or il revient au Congrès de lever l'impôt, pas à l'exécutif.
5.000
Durant la campagne, Elon Musk avait déjà émis le voeu de redistribuer jusqu'à 5.000 dollars à tous les ménages grâce aux coupes budgétaires de son Doge.
Le secrétaire au Trésor, Scott Bessent, était présent à l'audience et il en est ressorti en assurant que tout se passait pour le mieux. En réalité, la Maison-Blanche est fébrile, car si la Cour ordonne au gouvernement de rembourser les droits de douane, et surtout de cesser d'en prélever, c'est la pierre angulaire des Trumponomics qui disparaît.
Reste à voir si ce chèque sera bien distribué. Ce n'est pas la première fois qu'il est évoqué. Durant la campagne, Elon Musk, alors premier soutien du candidat populiste, avait émis le voeu de redistribuer jusqu'à 5.000 dollars à tous les ménages grâce aux coupes budgétaires de son Departement of Government Efficiency (Doge).
Le thème électoral du coût de la vie
Ces économies n'ont pas été réalisées, et les deux hommes se sont brouillés. Mais Donald Trump a ressuscité l'idée du « dividende » en l'appliquant aux droits de douane. En octobre, dans une interview à la chaîne OAN, il avait expliqué qu'il étudiait comment « faire une distribution aux gens, presque comme un dividende au peuple d'Amérique » ; « peut-être 1.000 dollars à 2.000 dollars, ce serait bien ».
Interrogé sur ABC, le secrétaire au Trésor Scott Bessent a semblé relativiser l'annonce de Trump, en estimant que les 2.000 dollars de dividendes pouvaient se traduire «sous différentes formes». «Cela pourrait se faire simplement via les baisses d'impôts qui figurent à l'agenda du président : pas de taxes sur les pourboires, heures supplémentaires défiscalisées, déductibilité des crédits automobiles, etc.»
Donald Trump cherche à regagner le coeur des Américains qui ont voté pour lui l'an dernier, mais qui sont mécontents parce qu'ils n'ont pas obtenu d'amélioration de leur pouvoir d'achat. Mardi, les électeurs ont porté au pouvoir des démocrates qui avaient fait du coût de la vie leur thème de campagne, en Virginie, dans le New Jersey et à New York.
Le moral des consommateurs est tombé au plus bas depuis le pic historique d'inflation post-Covid de 2022, a révélé l'université du Michigan vendredi. Le « shutdown » le plus long de l'histoire des Etats-Unis pèse sur le moral. Les Américains l'imputent majoritairement aux républicains. Les foyers modestes qui ne participent pas au festin boursier de ces dernières années attendaient probablement plus de considération de la part du nouveau gouvernement.
Solveig Godeluck (Bureau de New York)