Les États Unis

"Big and Beautiful Bill" : les dessous du mégaprojet de loi budgétaire de Trump

Auteur: Barbara GABEL Source: www.france24.com
Mai 22, 2025 at 15:06

Adopté d’une courte majorité à la Chambre des représentants jeudi, le gigantesque projet de loi budgétaire voulu par Donald Trump se dirige à présent vers le Sénat. Derrière son nom flamboyant, que contient le "Big and Beautiful Bill" du président américain ? France 24 fait le point. 


Un texte monstre, un vote à suspense, et une promesse présidentielle XXL. La Chambre des représentants a adopté de justesse, jeudi 22 mai, le vaste projet de loi budgétaire défendu par Donald Trump. Voté à 215 voix contre 214, le "One Big Beautiful Bill Act", baptisé modestement ainsi par le président américain, doit désormais passer par le Sénat. 

Pour Donald Trump, il s’agit de concrétiser certaines promesses phares de sa campagne, comme la prolongation des baisses d’impôt - bénéficiant surtout aux plus riches -, entamées lors de son premier mandat. Derrière l’emballage flatteur du "Big and Beautiful Bill", les détails du texte révèlent également des coupes drastiques dans le système public de santé. France 24 décrypte ce mégaprojet qui divise jusque dans le camp républicain. 

  • Que contient la "grande et belle loi" de Donald Trump ? 

Le "Big and Beautiful Bill" de Donald Trump, long de plus d’un millier de pages, entend prolonger des gigantesques crédits d'impôt de son premier mandat, qui arrivent à expiration à la fin de l’année. À cela s’ajoutent de nouvelles exonérations ciblées : pourboires et heures supplémentaires défiscalisés, intérêts de prêts automobiles non imposables… 

Ce n’est pas tout : le texte propose un nouveau programme d'épargne. Chaque enfant né entre le 1er janvier 2025 et le 1er janvier 2029 se verrait créditer 1 000 dollars sur un compte ouvert par ses parents, baptisé "Trump account", investi en son nom sur les marchés financiers. Une fois majeurs, ces bénéficiaires pourraient utiliser les fonds pour financer leurs études ou acheter un logement. 

Mais ces largesses fiscales ont un coût et l’administration Trump prévoit des coupes massives dans les dépenses sociales pour les financer. Plusieurs volets de l’Inflation Reduction Act – texte phare de Joe Biden en faveur des énergies renouvelables – seraient ainsi supprimés. Malgré la promesse de Donald Trump de ne pas toucher à Medicaid, le programme de couverture santé destiné aux foyers les plus modestes, celui-ci pourrait subir des coupes de près de 500 milliards de dollars. Et pour y rester éligibles, les bénéficiaires sans enfants devront désormais justifier de 80 heures de travail par mois, selon Politico

D’après les projections du Congressional Budget Office (CBO), une agence parlementaire non partisane, 8,6 millions d’Américains pourraient ainsi perdre leur assurance santé d’ici à 2034. Le texte restreint également le champ d'action de Medicaid : il interdit son financement au Planned Parenthood (équivalent du Planning familial) tant que l’organisation soutiendra des services liés à l’avortement ou à la transition de genre, qu’il s’agisse d’adultes ou de mineurs. 

Le programme d’aide alimentaire Snap (Supplemental Nutrition Assistance Program) serait également amputé, privant trois millions de bénéficiaires mensuels de leurs bons d’alimentation. Les bénéfices de ces économies profiteraient aux 10 % d'Américains les plus riches, tandis que les 10 % les plus pauvres en pâtiraient, d’après un autre rapport du CBO

En outre, le texte prévoit 350 milliards de dollars de nouvelles dépenses, dont 150 milliards pour le Pentagone, notamment pour le "Dôme d'or", le nouveau bouclier anti-missiles de Trump. Le reste sera dédié à la lutte contre l'immigration, avec le recrutement de dizaines de milliers de garde-frontières et la reprise de la construction du mur à la frontière mexicaine : le "grand et beau mur" de Donald Trump.

  • Pourquoi suscite-t-elle des divisions profondes au sein des républicains ? 

Malgré son adoption à la Chambre des représentants, le "Big and Beautiful Bill" ne fait pas l'unanimité. Le texte pourrait ajouter 3 800 milliards de dollars à la dette américaine déjà colossale (36 200 milliards de dollars) au cours de la prochaine décennie, selon le CBO. Une perspective qui inquiète jusqu'au sein du Parti républicain, tiraillé depuis plusieurs semaines entre ses ailes radicale et modérée. 

Le speaker de la Chambre, Mike Johnson, fidèle de Donald Trump, a dû manœuvrer habilement face à une opposition croissante. Les conservateurs les plus radicaux, dont des membres du House Freedom Caucus, jugent les coupes budgétaires insuffisantes, tandis que l'aile modérée craint que les coupes drastiques dans Medicaid ne représentent un risque électoral majeur pour les élections de mi-mandat en novembre 2026. 

Autre point de friction : la suppression progressive des incitations fiscales aux énergies renouvelables, qui, selon certains élus, compromettrait la capacité des entreprises à financer des projets verts, particulièrement dans les États engagés dans la transition énergétique. 

Un amendement de dernière minute de 42 pages, publié mercredi soir, a permis de rallier une partie des récalcitrants. Parmi les nouveautés : un fonds de 12 milliards de dollars pour rembourser les États participant à la sécurisation des frontières, et l’avancement de conditions de travail obligatoires pour bénéficier de Medicaid, désormais prévues dès fin 2026. 

Mais l'unité n'était pas totale dans le camp de Donald Trump. Deux élus, dont Thomas Massie (Kentucky), ont voté contre, aux côtés des 212 démocrates. "Ce projet de loi est une bombe à retardement", a mis en garde Thomas Massie. Deux autres républicains se sont abstenus, tandis qu’un dernier s’est contenté de voter "présent", refusant ainsi de prendre clairement position. 

  • Quelle suite au "Big and Beautiful Bill" ? 

Adoptée à la Chambre, la "belle" loi de Trump doit maintenant passer l’épreuve du Sénat - sans doute pas avant le début du mois de juin -, où les républicains détiennent une majorité de 53 sièges sur 100. Dans sa publication matinale sur les réseaux sociaux, Donald Trump a poussé les sénateurs républicains à se mobiliser : "Il est temps que nos amis du Sénat américain se mettent au travail et m'envoient ce projet de loi au plus vite !", a-t-il écrit sur Truth Social. "Il n'y a pas de temps à perdre." 

Mais plusieurs sénateurs ont déjà prévenu : ils exigeront une révision en profondeur du texte. Le bras de fer pourrait donc durer plusieurs semaines voire plusieurs mois. 

Autre échéance brûlante pour les parlementaires : le relèvement du plafond de la dette, prévu début juillet. Les États-Unis, dont la dette publique culmine à 124 % du PIB, viennent de perdre définitivement leur triple A chez les agences de notation. Un avertissement qui n’ébranle pas la majorité républicaine : pour Donald Trump et ses alliés, le projet de loi s’autofinancera grâce à la croissance – un pari déjà fait en 2017… et jamais tenu. 

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