La nouvelle « Stratégie de sécurité nationale » du président Trump déclare la guerre à l'immigration massive.
L'ère du libre-échange et de la mondialisation tous azimuts est bel et bien terminée aux États-Unis, si l'on en croit la nouvelle « Stratégie de sécurité nationale » dévoilée par l’administration Trump.
Au cours des neuf derniers mois, nous avons ramené notre nation – et le monde – [qui était] au bord de la catastrophe et du désastre.
Une citation deExtrait du préambule rédigé par Donald Trump
Selon le document d’une trentaine de pages, qui établit les priorités et les objectifs du gouvernement américain en matière de sécurité nationale, d’économie, d’énergie et de relations internationales, le seul objectif de l’administration américaine sera désormais la protection des intérêts nationaux fondamentaux.
Après la fin de la guerre froide, les élites de la politique étrangère américaine se sont convaincues que la domination américaine permanente du monde entier était dans l'intérêt de notre pays, explique-t-on.
Elles ont surestimé la capacité de l'Amérique à financer simultanément un État providence massif et un complexe militaire mondial, tout en misant sur un mondialisme et un libre-échange destructeurs qui ont évidé la classe moyenne industrielle.
Une approche qui a incité, selon Donald Trump, les alliés de l’Amérique à se décharger du coût de leur défense sur le peuple américain en plus de lier la politique des États-Unis à des institutions internationales qui cherchent à dissoudre la souveraineté des États.
Les présidents américains publient habituellement un document de ce type à chaque mandat. La dernière version, publiée par Joe Biden en 2022, portait sur l'acquisition par les États-Unis d'un avantage compétitif sur la Chine et les dangers que représente la Russie.
La sécurité des frontières avant tout
Or, la principale menace à la souveraineté contre laquelle les États-Unis et leurs alliés doivent se prémunir, à l’heure actuelle, est l’immigration massive, prévient la présidence américaine.
Nous voulons un contrôle total sur nos frontières, sur notre système d'immigration et sur les réseaux de transport par lesquels les gens entrent dans notre pays – légalement et illégalement.
Une citation deExtrait de la Stratégie de sécurité nationale
Nous voulons un monde où la migration n'est pas simplement ordonnée, mais où les pays souverains travaillent ensemble pour arrêter plutôt que faciliter les flux de population déstabilisateurs, et ont un contrôle total sur qui ils admettent et n'admettent pas, statue le document présidentiel.
L'administration Trump dit redouter une perte d’identité nationale importante et rapide chez les alliés des États-Unis, due à l’arrivée continue et massive d’étrangers sur leur territoire.
Si les tendances actuelles se poursuivent, le continent [européen] sera méconnaissable dans 20 ans ou moins.
Une citation de Donald Trump, président des États-Unis
Il est plus que plausible que, d'ici quelques décennies au plus tard, les membres de l'OTAN deviennent majoritairement non européens, prédit le président Trump.
Il est légitime de se demander s'ils [les membres européens de l’OTAN] percevront leur place dans le monde, ou leur alliance avec les États-Unis, de la même manière que ceux qui ont signé la Charte de l'organisation, ajoute la Maison-Blanche.
Nous voulons nous assurer que l'hémisphère occidental reste raisonnablement stable et suffisamment bien gouverné pour prévenir et décourager la migration de masse vers les États-Unis, résume-t-on.
À Berlin, le ministre des Affaires étrangères, Johann Wadephul, a rapidement réagi en déclarant que l'Allemagne n'avait pas besoin de conseils venant de l'extérieur, notamment sur la liberté d'expression ou l'organisation des sociétés libres.
L'eurodéputée Valérie Hayer, présidente du groupe centriste Renew Europe au Parlement européen, a pour sa part dénoncé une vision inacceptable et dangereuse en ajoutant que l'administration Trump n'a pas à se mêler de nos politiques intérieures.
Cette administration Trump est un ennemi de l'Europe. Nous devons cesser de nous comporter en amis avec elle.
Une citation deValérie Hayer, eurodéputée et présidente de Renew Europe
Le deuxième changement important de la doctrine sécuritaire américaine est le rétablissement d’une présence américaine significative en Amérique latine. L’idée étant de s’assurer un accès aux ressources et aux emplacements stratégiques, notamment des gisements de terres et de métaux rares.
En augmentant sa présence militaire et économique dans la région, l’administration Trump veut également s’assurer que les gouvernements y soient suffisamment stables et bien gouvernés pour prévenir et décourager les migrations massives vers les États-Unis.
C’est ce que la nouvelle Stratégie de sécurité nationale appelle le corollaire Trump à la doctrine Monroe.
Qu'est-ce que la doctrine Monroe?
Énoncé en 1823 par le président américain James Monroe, ce principe de politique étrangère stipulait que les puissances européennes ne devaient plus coloniser ni interférer dans les affaires de l’Amérique latine, qui devenait la sphère d’influence exclusive des États-Unis. En échange, Washington s’engageait à rester neutre dans les affaires européennes.
La Russie et la Chine
En ce qui a trait aux puissances concurrentes, la Stratégie de sécurité nationale est étonnamment discrète sur la Russie et la menace qu’elle représente pour la stabilité en Europe. On y évoque le besoin de négocier une cessation rapide des hostilités pour stabiliser l'Europe et rétablir la stabilité stratégique avec la Russie, mais sans plus.
En ce qui a trait à la Chine, l’administration Trump entend poursuivre ses efforts pour rééquilibrer ses échanges commerciaux avec l’Empire du Milieu, tout en protégeant l’industrie américaine et en mettant fin au vol de propriété intellectuelle.
Pour ce qui est des questions stratégiques, Washington compte maintenir une force de dissuasion conventionnelle en Asie du Sud-Est, notamment autour de Taïwan et de la première chaîne d'îles, tout en exigeant que le Japon et la Corée du Sud augmentent leurs dépenses militaires.
Les États-Unis de Donald Trump prendront également leurs distances du Moyen-Orient, qui n’est plus, selon eux, une priorité absolue en raison de l’indépendance énergétique américaine croissante et de l’affaiblissement de l’Iran, selon la vision américaine, à la suite notamment du bombardement de leurs installations nucléaires. La stratégie globale, qui dit peu de choses sur Israël, vise à élargir les accords d'Abraham et à encourager les partenaires régionaux à combattre le radicalisme sans tenter de leur imposer la démocratie.
En ce qui a trait à l’Afrique, Washington parle de relations basées sur le commerce et l'investissement afin d’assurer un accès aux minéraux critiques et le développement de l'énergie, notamment nucléaire, pour y contrer l'influence des puissances concurrentes.
Et le Canada dans tout ça?
Bien que le mot Canada ne soit mentionné qu’une seule fois dans le document, les impacts de la nouvelle politique américaine ne passeront pas inaperçus de notre côté de la frontière.
Dans le contexte de la guerre tarifaire qui embrase depuis le printemps ses relations commerciales, Washington somme notamment le Canada, le Mexique, l’Europe et le Japon à adopter des politiques commerciales plus sévères envers la Chine. Un alignement que l’administration Trump entend encourager en usant au besoin de pressions commerciales ou tarifaires.
Le temps où le Canada pouvait diversifier ses échanges commerciaux à sa guise avec l'Asie tout en profitant de l’accord de libre-échange avec les États-Unis pourrait bientôt tirer à sa fin.
La volonté des États-Unis de rapatrier sur leur territoire les chaînes d'approvisionnement industrielles et les entreprises menace également le secteur manufacturier de l’Ontario et du Québec.
Dépenses militaires et pressions sécuritaires
Les Canadiens devront aussi s’habituer aux achats répétés d’armements dans la mesure où Washington exige désormais un niveau de dépenses militaires d’au moins 5 % du PIB national aux pays membres de l’OTAN, comme stipulé dans l’engagement pris par l’Alliance à La Haye.
Or, l’atteinte du seuil actuel de 2 % du PIB cause déjà des maux de tête au gouvernement Carney, qui a promis de franchir le cap d’ici le printemps prochain. Un objectif que le gouvernement Trudeau prévoyait atteindre en 2032.
L’atteinte du seuil de 5 % nécessitera au Canada une augmentation colossale des dépenses militaires pour satisfaire aux exigences de Washington, qui a prévenu à maintes reprises que sa patience envers les profiteurs (free-riders) au sein de l’OTAN est épuisée.
Des milliards qui ne seront pas consacrés aux missions sociales de l’État et aux infrastructures.
La fin du « Net Zero »
Quant aux énergies vertes et à la lutte contre les changements climatiques, le Canada devra désormais composer avec un voisin qui rejette en bloc la stratégie de la carboneutralité, ou du « Net Zero », et ce qu'il considère comme l'idéologie du changement climatique.
Nous rejetons les idéologies désastreuses du changement climatique et du Zéro émission nette [Net Zero] qui ont nui à l'Europe et subventionnent nos adversaires.
Une citation deExtrait de la Stratégie de sécurité nationale
Le document est clair : la dominance énergétique américaine passera par le pétrole, le gaz et le nucléaire.
Enfin, le renforcement de la sécurité frontalière américaine pourrait également créer des pressions importantes sur le Canada, dont la frontière est considérée comme poreuse et vulnérable par l’administration Trump.
À la lumière de cette nouvelle politique américaine, les Canadiens font face à un dilemme : soit de s'aligner sur les États-Unis, au prix de leur autonomie politique et de leurs ambitions climatiques, ou bien se retrouver économiquement isolés face à un voisin qui utilise son économie comme une arme.