L’ancien élu républicain Matt Gaetz, choisi par Donald Trump pour diriger le ministère de la Justice, a annoncé jeudi renoncer à ce poste après une semaine de vives critiques. Au-delà de son manque d'expérience juridique, l'ultratrumpiste fait face à des accusations d'infractions sexuelles, y compris avec une mineure.
Un retrait brutal. L'ancien élu républicain Matt Gaetz, choix controversé de Donald Trump pour le poste de ministre de la Justice, a annoncé jeudi 21 novembre sur les réseaux sociaux qu'il retirait sa candidature, affirmant que sa nomination était "injustement en train de devenir une diversion". "Il n'y a pas de temps à perdre dans une bagarre inutilement prolongée à Washington, c'est pourquoi je retirerai ma candidature pour le poste de ministre de la Justice", a-t-il écrit sur X.
Donald Trump a entériné le retrait de Matt Gaetz, lui exprimant sur son réseau Truth Social son "respect" pour cette décision et lui promettant un "bel avenir".
Cette annonce survient après que la commission parlementaire chargée d'enquêter sur des accusations d'infractions sexuelles, dont une relation avec une mineure, a déclaré ne pas pouvoir s'accorder sur la publication de son rapport.
Jusque-là représentant de Floride, Matt Gaetz avait démissionné le 13 novembre, juste après l'annonce de sa nomination par Donald Trump. Depuis 2021, il faisait l’objet d’une enquête du comité d’éthique de la Chambre, une procédure qui a été suspendue puis relancée, avant d'être finalement close avec son départ du Congrès. Parallèlement, une enquête criminelle du ministère de la Justice, initiée sous la première administration Trump, a été conclue l’année dernière sans inculpation.
Accusations d’infractions sexuelles, soupçons de consommation de stupéfiants, détournement de fonds de campagne et diverses fautes professionnelles : la liste des griefs est longue.
Des milliers de dollars versés à deux femmes
Dans les couloirs du Congrès, la pression montait ces derniers jours pour rendre public le rapport d'enquête. Des élus des deux partis réclamaient au moins sa transmission au Sénat, qui doit valider les nominations présidentielles. Cependant, certains dirigeants républicains, dont le président de la Chambre Mike Johnson, estimaient que ce rapport était caduc avec la fermeture de l'enquête.
Depuis quelques jours, les révélations sur l'ancien élu se sont multipliées dans la presse. Une partie du rapport du comité d’éthique, obtenue par le New York Times, fait état de paiements suspects liant Matt Gaetz à un réseau de participants à des soirées mêlant drogues et relations sexuelles tarifées – la prostitution étant illégale en Floride. Selon ce document, d'abord dévoilé par ABC News et issu d’une enquête fédérale, plus de 10 000 dollars auraient transité via l’application Venmo entre Matt Gaetz, un ami proche et plusieurs femmes. Deux d’entre elles affirment avoir été rémunérées pour des relations sexuelles. L’une déclare avoir été témoin d’un rapport sexuel entre Matt Gaetz et son amie, une adolescente de 17 ans, lors d’une fête en Floride.
Joel Leppard, l’avocat de l’une des femmes ayant témoigné auprès du comité éthique, a donné des détails à CNN : "Il y a eu des événements dans des Airbnb, dans des maisons privées, et même lors d’événements politiques. Il y a eu un voyage à New York, un autre aux Bahamas. Des soirées comme celles-ci se sont répétées, probablement plus d’une dizaine de fois entre juillet 2017 et début janvier 2019." De son côté, Matt Gaetz maintient fermement qu’il n’a jamais eu de relations sexuelles avec une mineure ni payé quiconque.
Loyal soldat de Donald Trump
Face à ces accusations, la confirmation de la nomination de Matt Gaetz par le Sénat s’annonçait difficile. Dans des discussions privées révélées par le New York Times, Donald Trump lui-même aurait reconnu que les chances de Matt Gaetz d’être confirmé étaient moins élevées que pour d’autres nominations.
Avant de jeter l'éponge, Matt Gaetz avait malgré tout tenté de rallier des soutiens parmi les sénateurs, un exercice délicat après avoir souvent critiqué ouvertement certains d’entre eux. Il avait notamment qualifié Mitch McConnell, chef de la minorité républicaine au Sénat, de "dangereux" et l’avait affublé du surnom de "McFailure" ("McÉchec", en français).
Mercredi, il s’était efforcé de convaincre les républicains sceptiques, comme John Cornyn et Susan Collins, lors d’une série de réunions privées aux côtés du vice-président élu, J.D. Vance. L’occasion pour l’ancien représentant de Floride de nier les accusations, sans entrer dans les détails, affirmant que celles-ci étaient infondées et rappelant que le ministère de la Justice n’avait retenu aucune charge contre lui après enquête.
Proche du mouvement Maga ("Make America great again"), Matt Gaetz représente l’aile dure du Parti républicain et s'est toujours montré extrêmement loyal envers Donald Trump. S'il est titulaire d’un diplôme en droit spécialisé dans les litiges commerciaux, il n’a aucune expérience en tant que procureur. Ce fils de sénateur a brièvement travaillé comme avocat avant de siéger à la Chambre de Floride dès 2010, puis d'accéder à la Chambre au niveau fédéral en 2017.
Depuis son siège au comité judiciaire de la Chambre des représentants, Matt Gaetz a régulièrement attaqué le ministère de la Justice, qu’il accuse de persécuter l'ex-président. Il a publiquement qualifié le procureur général, équivalent du ministre de la Justice, Merrick Garland, de responsable de la "militarisation" du système judiciaire.
Trublion assumé
Défenseur farouche des armes à feu, opposé au droit à l’avortement, climatosceptique et propagateur de théories complotistes comme celle du "grand remplacement", Matt Gaetz incarne les positions les plus polarisantes de l’extrême droite américaine. Sa popularité, limitée jusqu’alors à certains cercles conservateurs, s'est envolée en octobre 2023 lorsqu’il a orchestré la destitution du président républicain de la Chambre des représentants, Kevin McCarthy.
Ce coup de force inédit a plongé le Congrès dans un chaos de plusieurs semaines, attisant l’hostilité de ses pairs républicains, même les plus modérés. Matt Gaetz avait rallié les figures les plus radicales de son camp pour déposer cette motion.
Au-delà de ce coup d’éclat politique, Matt Gaetz est connu pour ses provocations. Il a perturbé à de nombreuses reprises les travaux parlementaires, jouant le rôle de trublion assumé. En 2018, il avait invité un négationniste à assister au discours sur l’état de l’Union de Donald Trump. En 2020, il s’était présenté à la Chambre avec un masque à gaz pour tourner en dérision les débats sur les mesures anti-Covid. Son comportement outrancier lui a valu des critiques acerbes, et même une suspension temporaire du barreau de Floride en 2021 pour non-paiement de cotisations.
"Toutes les carrières politiques se terminent par un échec, mais certaines de façon spectaculaire. Je préfère provoquer ce spectacle plutôt que de rester silencieux sur des vérités qu’on aurait préféré étouffer, parce que personne ne m'écoutait à ce moment", a-t-il écrit dans ses mémoires.
Après une semaine de polémiques, Matt Gaetz ne se retrouvera donc pas à la tête de l’appareil judiciaire des États-Unis. Donald Trump devra trouver un autre candidat, qui devra ensuite patienter jusqu’au 20 janvier, jour de l’investiture présidentielle, au plus tôt, pour savoir si le Sénat lui accordera la majorité nécessaire à sa confirmation.
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