Le revers subi par Donald Trump cette semaine au Congrès pourrait changer la dynamique au sein du Parti républicain.
Ce fut une première depuis le début du deuxième mandat du président américain : des élus républicains du Congrès ont forcé Donald Trump à reculer cette semaine, et non l’inverse.
Le message a été clair : à la Chambre des représentants, pas moins de 427 élus des deux partis ont voté pour rendre publics les documents concernant l’affaire Epstein. Un seul républicain a voté contre. Au Sénat, le projet de loi est passé comme une lettre à la poste.
Cela a constitué une gifle pour un président qui a passé des semaines à tenter de contrecarrer la tenue de ce vote, qualifiant l’affaire de canular démocrate. À la dernière minute, il a fait volte-face et a encouragé les républicains à voter en faveur de la divulgation, sachant sans doute qu’ils seraient nombreux, au sein de son propre parti, à la défier.
Ce bras de fer a complètement éclipsé l’annonce du président à propos de l’annulation des droits de douane sur le café, les bananes et le bœuf importés, lui qui tente de recentrer son action sur la question du coût de la vie.
Les conséquences pourraient toutefois être beaucoup plus lourdes pour Donald Trump. Le vote auquel on a assisté reflète un changement de dynamique au sein de sa propre famille politique. L’aile législative du Parti républicain a rappelé au président qu’il n’est pas le seul maître à bord.
Les élus de sa formation ont été plutôt dociles ces derniers mois. Ils ont adopté sa grande et belle loi budgétaire sans trop d’opposition cet été. Ils ont aussi laissé Donald Trump tester les limites du pouvoir présidentiel avec l’imposition de vastes droits de douane. Dans l’affaire Epstein, par contre, ils ont choisi de lui tenir tête.
Je m’en fiche, a écrit Donald Trump en réaction à l’adoption du projet de loi par le Sénat tout en lançant un avertissement : Je ne veux pas que les républicains perdent de vue les victoires que nous avons remportées, a-t-il poursuivi sur son réseau Truth Social en citant ses baisses d’impôt, sa gestion des frontières et la réduction de la réglementation, notamment.
Donald Trump sent-il que la loyauté de ses troupes est en train de lui glisser entre les mains?
La fracture MAGA
La saga Epstein est aussi un rappel de la puissance de la base républicaine et du mouvement MAGA (« Make America Great Again », ou « Rendons sa grandeur à l'Amérique »). En s’opposant à la divulgation des dossiers, le président s’est aussi placé en position de rupture avec les électeurs républicains qui étaient largement favorables à leur publication.
Les élus de son parti qui ont mené la charge pour forcer le vote de cette semaine le savaient très bien. Les représentants Thomas Massie et Marjorie Taylor Greene ont réussi à faire reculer Donald Trump et en ressortent énergisés.
Marjorie Taylor Greene, une féroce partisane de MAGA et une alliée de la première heure de Donald Trump, a prononcé l’éloge funèbre de leur relation cette semaine, elle qui a été qualifiée de traîtresse par le président. Il m’a traitée de traîtresse parce que je me suis tenue debout avec ces femmes, a-t-elle lâché, entourée de victimes du milliardaire Jeffrey Epstein, mardi.
J’ai été qualifiée de traîtresse par un homme pour qui j’ai combattu pendant [...] six ans et à qui j’ai voué ma loyauté gratuitement.
Une citation deMarjorie Taylor Greene, représentante républicaine de Georgie
Selon elle, la bataille au sujet des documents Epstein a déchiré le mouvement MAGA. L’élue de la Georgie a aussi intensifié ses critiques contre les priorités du président, lui reprochant son attention trop portée sur les conflits étrangers et pas assez sur les problèmes intérieurs comme le coût de la vie. C'est un thème populaire auprès des militants MAGA.
Même si le divorce est consommé entre Donald Trump et Marjorie Taylor Greene, c’est une voix que le président ne peut pas se permettre d’ignorer. Il risquerait alors d’approfondir les divisions au sein de la base républicaine.
Signaux d’alerte
Le locataire de la Maison-Blanche pourrait aussi être aux prises avec d’autres désaccords à l’interne.
Par exemple, des élus républicains doutent de sa proposition d’utiliser les recettes de ses tarifs douaniers pour envoyer un chèque de 2000 $ US aux Américains à faible et à moyen revenu pour les aider à faire face au coût de la vie. Les sénateurs John Thune et Shelley Moore Capito croient plutôt que cet argent devrait être utilisé pour rembourser la dette. Les élus républicains se sentiront-ils inspirés par l’indépendance d’esprit qu’ils ont retrouvée?
Le président s’est aussi heurté à un mur cette semaine après avoir tenté d’inciter des élus républicains de la législature de l’Indiana à redessiner la carte électorale à l’avantage de son parti en prévision des élections de mi-mandat, l’année prochaine.
C’est sans compter qu'à l'heure actuelle, les sondages ne sont pas encourageants à l’échelle nationale. Selon un récent sondage*, le Parti démocrate a une avance de 14 points sur le Parti républicain, sa plus importante depuis 2017, en vue des élections de 2026.
Il serait exagéré de dire que Donald Trump est en train de devenir un canard boiteux. Il demeure la figure la plus influente du Parti républicain.
Toutefois, plus l’échéance de 2028 approchera, plus sa famille politique commencera à penser à l’après-Trump. Les querelles internes et les joutes d’influence pourraient s’intensifier.
Cette semaine, une faille est apparue dans son armure.
* Sondage NPR/PBS News/Marist mené du 10 au 13 novembre 2025 auprès de 1443 adultes américains, avec une marge d’erreur de 3 %.