Moyen Orient

Reconnaissance de la Palestine : pour des réfugiés au Liban « rien n’a changé »

Auteur: Rania Massoud Source: Radio Canada
Septembre 23, 2025 at 09:21
Un réfugié palestinien brandit une clé ancienne qui proviendrait de la Palestine dans le camp de Burj Al-Barajneh, dans le sud de Beyrouth, le 22 septembre 2025.  Photo : Radio-Canada / Mohammad Yassine
Un réfugié palestinien brandit une clé ancienne qui proviendrait de la Palestine dans le camp de Burj Al-Barajneh, dans le sud de Beyrouth, le 22 septembre 2025. Photo : Radio-Canada / Mohammad Yassine

Des Palestiniens exilés à Beyrouth se disent toujours attachés au droit au retour sur leurs terres.


C’est un jour comme un autre, ou presque, dans le camp de réfugiés palestiniens de Burj Al-Barajneh, dans la banlieue sud de Beyrouth. Ses ruelles très étroites et faiblement éclairées sont prises d’assaut par un ballet de mobylettes, un concert de klaxons et des hordes d’enfants circulant à vélo ou jouant au soccer.

Youssef Sakhnin, un homme de 61 ans, observe ce brouhaha assis sur un fauteuil roulant à l'entrée d'un casse-croûte. Amputé des deux jambes après avoir été atteint par un missile en 1987 lors de la guerre civile au Liban, il ne se fait pas d’illusion. À ses yeux, la reconnaissance de l’État de Palestine par le Canada, l’Australie, le Royaume-Uni et la France n’est qu’un geste politique symbolique, sans plus.

Pour moi, rien n’a changé parce que je ne vois pas de changements sur le terrain, dit-il à Radio-Canada. Les massacres se poursuivent à Gaza et la colonisation s’étend en Cisjordanie, que le gouvernement de Benyamin Nétanyahou menace d’annexer. Si l'on perd la Cisjordanie, c’est toute la cause palestinienne qui sera perdue, ajoute-t-il.

 

Je ne suis pas intéressé par une reconnaissance symbolique, je veux des gestes concrets.

Une citation deYoussef Sakhnin, réfugié palestinien au Liban

 

 

Un homme portant une chemise brune regarde la caméra.
Zahi Aïcha dans son épicerie dans le camp palestinien de Burj Al-Barajneh, au Liban, le 22 septembre 2025. PHOTO : RADIO-CANADA / RANIA MASSOUD

Un peu plus loin, seul à l’intérieur de son épicerie, Zahi Aïcha est du même avis. La reconnaissance de l’État palestinien par des pays comme le Canada est un pas très important, mais qui reste assez symbolique, explique ce quadragénaire. Je me fiche de tout cela tant qu’il reste encore des enfants qui meurent de faim dans la bande de Gaza.

Cet homme, né dans le camp de Burj Al-Barajneh et originaire d’Acre, non loin de la frontière libanaise, appelle les pays qui ont récemment reconnu l’État palestinien à faire plus de pression sur Israël pour faire cesser la guerre à Gaza. Ces pays peuvent décider de ne plus fournir d’armes à Israël, par exemple.

Se disant déçu par la diplomatie internationale, il prône la lutte armée pour mettre fin à l’occupation israélienne des territoires palestiniens. C’est par la force que nous reprendrons nos droits, ajoute-t-il. C’est mon opinion en tant que réfugié palestinien qui est né dans un camp, mais qui aimerait finir ses jours dans son pays d’origine.

 

C'est notre droit de revenir sur nos terres

 

Une femme âgée, portant un voile blanc, est assise dans une ruelle.
Fatmé, dans une ruelle de Burj Al-Barajneh, dans le sud de Beyrouth, le 22 septembre 2025. PHOTO : RADIO-CANADA / MOHAMMAD YASSINE

Fatmé, 77 ans, ne rêve que de cela : remettre les pieds dans sa ville natale de Safed, dans les hauteurs de la Galilée, à deux pas de la frontière libanaise. Elle avait à peine quelques mois lorsque ses parents ont dû fuir leurs terres en 1948, lors de l’exode qui a suivi la création de l’État d’Israël, que les Palestiniens appellent la Nakba ou la catastrophe en arabe.

J’aimerais beaucoup retourner vivre en Palestine un jour, dit-elle à Radio-Canada, assise sur une chaise en plastique dans le fond d’une ruelle.

Elle devient émotive quand elle se met à parler de Safed.

 

J’ai pu revoir ma ville natale il y a cinq ans, mais de loin seulement, quand je me suis rendue à la frontière dans le sud du Liban. J’ai commencé à pleurer à cet instant parce que j’ai eu envie de revoir la maison de mes ancêtres, mais je n'ai pas pu.

Une citation deFatmé, une réfugiée palestinienne au Liban
 
 
 
 
Des passants dans une ruelle du camp de réfugiés palestiniens de Burj Al-Barajneh, au Liban.
Des passants dans une ruelle du camp de réfugiés palestiniens de Burj Al-Barajneh, au Liban. PHOTO : RADIO-CANADA / RANIA MASSOUD

Dans sa quincaillerie à l’entrée du camp, Abou Ahmad boit du café avec deux autres hommes tout en regardant attentivement les nouvelles qui passent en boucle sur la chaîne qatarie Al-Jazeera. Le visage du premier ministre du Canada, Mark Carney, apparaît sur l’écran de télévision accroché au mur.

Le Canada et les autres pays qui viennent de reconnaître l’État palestinien ont été obligés de le faire sous la pression de la rue, estime-t-il. J’ai beaucoup de respect pour tous ceux qui ont manifesté en solidarité avec les Palestiniens de Gaza et de la Cisjordanie.

Son petit magasin est placardé de souvenirs de la Palestine et de drapeaux rouge, vert, blanc et noir. Tu vois ce tableau accroché là-bas? Il vient de Gaza, lance-t-il.

 

La main d'un homme qui tient une clé ancienne.
Un homme brandit une clé ancienne, symbole du droit au retour des réfugiés palestiniens. PHOTO : RADIO-CANADA / MOHAMMAD YASSINE

Derrière lui, une série de clés anciennes sont accrochées sur une plaque en bois. L’une d’elles, la plus grande, provient, selon lui, de la Palestine. Ces clés symbolisent notre droit au retour dans nos foyers, sur nos terres, dit-il. Chaque réfugié palestinien a la nostalgie du retour.

Abdel Hadi Salous, 23 ans, y croit toujours.

 

Nos parents ont semé l’idée du retour en Palestine dans notre tête dès notre tendre enfance. J’ai bon espoir d’y vivre un jour. Je le souhaite surtout pour mes futurs enfants.

Une citation deAbdel Hadi Salous, réfugié palestinien au Liban

 

Assis devant un miroir dans son salon de coiffure climatisé, assez grand pour trois clients seulement, il est occupé à coiffer soigneusement son épaisse crinière noire.

Je pense que la reconnaissance de la Palestine est un pas positif qui va nous permettre de libérer la Palestine un jour, dit-il. C’est notre droit de revenir sur nos terres. On nous le répète depuis qu’on est nés.

 

Des camps démilitarisés

 

Un jeune homme dans un salon de coiffure.
Abdel Hadi Salous, dans son salon de coiffure dans le camp de Burj Al-Barajneh. PHOTO : RADIO-CANADA / MOHAMMAD YASSINE

Au total, le Liban compte 12 camps de réfugiés palestiniens répartis à travers le pays. Selon l’ONU, il y a environ 500 000 réfugiés palestiniens qui sont inscrits au Liban, dont la moitié vivent dans des camps surpeuplés où règnent la pauvreté et la criminalité.

La sécurité des camps échappe au contrôle de l’État libanais. Elle est assurée par des factions palestiniennes armées, les troupes libanaises n’ayant pas le droit d’y entrer en vertu d’un accord signé en 1969. Certaines de ces factions sont accusées d’avoir lancé des roquettes sur le nord d’Israël en mai dernier, entraînant des ripostes meurtrières de la part de l’armée israélienne dans le sud du Liban.

Le camp de Burj Al-Barajneh, qui abrite près de 20 000 réfugiés palestiniens, est le premier à avoir été démilitarisé par l’armée libanaise il y a un mois. Le camp, dominé par le mouvement Fatah, un rival du Hamas, comptait des armes légères et moyennes, dont des mitraillettes et des lance-roquettes. Depuis le début de l’opération à la fin août, quatre autres camps ont été partiellement démilitarisés.

 

Des enfants jouent au ballon dans l'une des ruelles étroites du camp de Burj Al-Barajneh.
Des enfants jouent au ballon dans une ruelle étroite du camp de Burj Al-Barajneh. PHOTO : RADIO-CANADA / MOHAMMAD YASSINE

La décision de démilitariser les camps palestiniens a été prise à la suite d’une rencontre entre le président libanais, Joseph Aoun, et le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, en mai dernier.

Le Hamas, qui contrôle une grande partie des camps de réfugiés, refuse quant à lui de remettre ses armes aux autorités libanaises.

Cette campagne de démilitarisation s’inscrit dans le cadre des efforts du gouvernement libanais de restaurer sa souveraineté sur l’ensemble du territoire. Sous la pression des États-Unis, le gouvernement de Nawaf Salam s’est par ailleurs engagé à désarmer le Hezbollah d’ici la fin de l’année.

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