Après six ans de procès pour corruption, fraude et abus de confiance, Benj a sollicité une grâce du président Isaac Herzog avant même le verdict et sans reconnaître sa culpabilité.
Par Pascal Brunel
Benyamin Netanyahou est bien décidé à ne pas lâcher le pouvoir. Il entend se présenter de nouveau aux élections, prévues l'an prochain, en espérant qu'un point final aura été donné d'ici là à son procès pour corruption, fraude et abus de confiance. Pour y parvenir, il a présenté officiellement une demande de grâce au président Isaac Herzog, expliquant que son procès « déchire le pays ». Mais, détail important : aux yeux du droit israélien, ce qui s'apparente à une sorte d'amnistie ne peut pas être accordé avant que l'accusé soit reconnu coupable et exprime des regrets.
En attendant de connaître son sort, le Premier ministre est apparu très offensif lundi à la reprise de son procès. « Le système judiciaire perd son temps avec des interprétations absurdes, et j'ai le droit d'exprimer ma frustration et ma colère », a lancé le Premier ministre lors d'une des trois audiences hebdomadaires au cours desquelles il doit comparaître à Tel Aviv. A l'extérieur du tribunal, quelques manifestants revêtus d'un costume orange de prisonnier ont réclamé une peine de prison à l'encontre du Premier ministre.
Trump fait pression
Benyamin Netanyahou n'en a cure et il n'a aucune intention de faire amende honorable. Il continue à se présenter comme une victime d'un complot ourdi par le bureau du procureur, la police, les médias, en résumé « l'Etat profond », une des expressions favorites de Donald Trump. Ce dernier n'a d'ailleurs pas ménagé ses efforts pour voler au secours de Benyamin Netanyahou.
Ne craignant pas d'être accusé d'immixtion dans les affaires intérieures d'un pays étranger, il a fait parvenir une lettre au président Herzog lui demandant d'accorder son pardon au Premier ministre. Le président américain a aussi été jusqu'à lancer, le mois dernier, un appel public dans le même but lors d'un discours devant la Knesset. L'ambassadeur américain Mike Huckabee est venu en personne lors d'une des audiences du procès pour exprimer sa solidarité avec le Premier ministre.
Ces interventions sans précédent ont été dénoncées dimanche par des manifestants réunis à l'extérieur de la résidence du président Herzog à Jérusalem. Ils ont déversé un tombereau de bananes pour exprimer leur colère de voir leur pays traité par les Etats-Unis comme une « république bananière ».
Cigares, bijoux, champagne…
Tout le suspense est centré désormais autour de la future décision d'Isaac Herzog, un ancien chef du parti travailliste. « Aucun discours violent ne m'influencera », a-t-il affirmé, ajoutant qu'il ne tiendrait « compte que du seul intérêt de l'Etat ». Les opposants à Benyamin Netanyahou ont plaidé à l'unisson en faveur d'un pardon, mais assorti d'une démission, ce que le bureau du Premier ministre s'est empressé de rejeter. Selon un sondage, l'opinion publique est divisée : 43 % des Israéliens sont opposés à une grâce, tandis que 38 % y sont favorables.
Benyamin Netanyahou est accusé dans trois dossiers. Il aurait accepté, avec son épouse, pour des centaines de milliers de dollars de cadeaux (cigares, bijoux, champagne…) de la part de milliardaires amis de la famille. Il a été également inculpé pour avoir accordé des avantages réglementaires à Shaul Elovitch, patron de Bezek, la plus grande compagnie israélienne de télécommunications, en échange d'une couverture médiatique favorable pour lui et son épouse sur le site d'informations Walla, appartenant au même groupe.
Possible grâce conditionnelle
Pour s'expliquer, Benyamin Netanyahou a été contraint de comparaître, alors que la guerre dans la bande de Gaza contre le Hamas et au Liban contre le Hezbollah faisait rage, deux à trois fois par semaine pour s'expliquer devant ses juges. Les juristes estiment que la procédure risque de traîner en longueur durant des mois, voire plus. Toute la question est de savoir si le président Herzog ne va pas conditionner une éventuelle grâce à une ou plusieurs conditions.
De son côté, Benyamin Netanyahou a clairement laissé entendre qu'en échange d'une grâce, il pourrait renoncer à mener jusqu'au bout une réforme judiciaire très controversée, qui accorderait beaucoup plus de pouvoir au gouvernement au détriment des juges de la Cour suprême, la plus haute instance judiciaire qui est aussi l'équivalent du Conseil constitutionnel.