Israel

Comprendre, L’assassinat ciblé, une pratique maintenant revendiquée par Israël

Auteur: Kamel Bouzeboudjen Source: Radio Canada
Septembre 13, 2025 at 06:20
Un immeuble explose à Beyrouth après l'impact d'une bombe israélienne, en 2024. (Photo d'archives) PHOTO : AP / BILAL HUSSEIN
Un immeuble explose à Beyrouth après l'impact d'une bombe israélienne, en 2024. (Photo d'archives) PHOTO : AP / BILAL HUSSEIN

Pour la première fois dans l’histoire du Qatar, la capitale du pays, Doha, a été le théâtre d’un bombardement israélien visant des dirigeants du Hamas qui étaient réunis pour discuter d'une proposition américaine d'accord sur les otages et d'un cessez-le-feu.

Le Hamas a affirmé que ses négociateurs avaient échappé à la mort, mais que six personnes avaient été tuées.

Le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, a revendiqué l’attaque qui, selon lui, a été menée pour assurer la sécurité future des citoyens d’Israël.

L'action a mis en lumière le fait que depuis le 7 octobre 2023, après l’attaque du Hamas contre le territoire israélien, le gouvernement Nétanyahou a procédé à des assassinats ciblés aussi bien dans la bande de Gaza que dans d’autres pays.

Les assassinats ciblés ont été pratiqués par des gouvernements israéliens depuis des décennies. La différence entre ces deux dernières années et les précédentes est qu’Israël revendique ouvertement ces actions, soulignent des experts.

 

Assassinats ciblés contre des dirigeants du Hamas à l’étranger depuis le 7 octobre 2023 :

Saleh Al-Arouri, haut dirigeant du Hamas qui assurait les liens avec le Hezbollah libanais et les Gardiens de la révolution iraniens, a été assassiné dans la banlieue sud de Beyrouth, le 2 janvier 2024, par l’attaque d’un drone.

Ismaïl Haniyeh, le chef du bureau politique du Hamas, a été assassiné le 31 juillet 2024 dans la capitale iranienne, Téhéran, où il assistait à l’investiture du nouveau président iranien, Messoud Pezeshkian. Ce n’est que le 23 décembre de la même année que le ministre israélien de la Défense, Israël Katz, a reconnu l’assassinat du leader palestinien.

Assassinats ciblés contre des dirigeants du Hezbollah :

Hassan Nasrallah, le secrétaire général du Hezbollah, a été assassiné le 27 septembre 2024 dans un bombardement massif dans la banlieue sud de Beyrouth, fief du mouvement chiite.

Hashem Safieddine, celui qui devait succéder à Hassan Nasrallah, a été tué le 3 octobre 2024 par un bombardement israélien à Beyrouth.

Fouad Chokr, le chef de la branche armée du parti chiite, a été assassiné le 30 juillet 2024. Ce vétéran du Hezbollah était recherché par les Américains depuis les années 1980 pour l’attaque contre des soldats américains à Beyrouth, en 1983, qui avait fait 307 morts.

Ibrahim Aqil était le chef d’Al-Radwan, la force d’élite du Hezbollah. Il a été assassiné le 20 juillet 2024 avec 15 membres de son état-major.

Ali Karaké, qui était considéré comme le numéro 3 du parti, a été tué dans le bombardement qui a visé Hassan Nasrallah en septembre 2024.

Assassinats ciblés contre des dirigeants yéménites : 

Le 28 août 2025, le premier ministre d’Ansar Allah (Houthis), Ahmad Ghaleb Al-Rahwi, et neuf ministres ont été tués dans un bombardement. Le premier ministre et son gouvernement étaient en réunion à Sanaa.

Depuis le début de la guerre dans la bande de Gaza, les Houthis du Yémen ont mené plusieurs attaques par missiles et drones contre Israël et les bateaux qui ont un lien avec Israël, en passant par la mer Rouge.

 
 

Impunité totale dans un contexte favorable

Pour le professeur Yakov Rabkin, de l’Université de Montréal, l’objectif est de décapiter tous les mouvements qui s’opposent à Israël et de mettre fin à toute négociation. Mais, souligne-t-il, ces opérations n’ont jamais été productives puisqu’on remplace toujours les têtes de ces organisations.

 

Israël doit regarder les causes profondes des conflits, car tant et aussi longtemps qu’il mise sur la "terrorisation" des États voisins et des Palestiniens, Israël ne fera que pratiquer la terreur, c’est tout.

Une citation de Yakov Rabkin, professeur à l'Université de Montréal

 

Ce spécialiste de l’histoire juive contemporaine et du sionisme souligne qu’Israël bénéficie de l’impunité totaleIsraël n’a jamais payé un prix quelconque pour ce genre d’attaques, dit-il, ajoutant qu'Israël agit dans un contexte favorable avec le soutien total du président américain, Donald Trump.

 
Ils sont assis dans des fauteuils.
Le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, rencontre le président américain, Donald Trump, dans le bureau ovale de la Maison-Blanche, à Washington, le 4 février 2025. PHOTO : GETTY IMAGES / AFP / ANDREW CABALLERO-REYNOLDS
 
 

Pour démoraliser l'adversaire

Samir Saul, professeur à l’Université de Montréal et spécialiste du monde arabe et des relations internationales, voit une explication supplémentaire dans les revendications par Israël d'assassinats ciblés. 

Israël est déchaîné parce qu’il doit remporter des victoires. Il s’est engagé à détruire le Hamas, à chasser les Palestiniens, à détruire l’Iran, à détruire le Hezbollah. Il doit réussir, mais il n’y arrive pas, constate le professeur Saul.

La raison de la revendication est le fait que les objectifs n’ont pas été atteints. Il faut donc compenser les échecs par des apparences de succès.

Une citation de Samir Saul, professeur à l'Université de Montréal

 

L'objectif est aussi psychologique, ajoute-t-il. Ils espèrent que cela va impressionner, démoraliser ses adversaires. Cela est basé sur les vieux préjugés des pays coloniaux : donner l’impression qu’ils sont invincibles et qu’il est inutile de les combattre.

Depuis le 7 octobre 2023, Israël fait des choses inimaginables. Aucun pays au monde, même les États-Unis, ne peut se permettre de se comporter comme Israël le fait. Cette situation est due au soutien total des Américains et des Occidentaux en général.

 

Pas de justification de légitime défense

Sur le plan juridique, la question des assassinats ciblés se révèle complexe, explique la spécialiste du droit international Fannie Lafontaine, de l’Université Laval. 

Le terme d’"assassinat ciblé" n’est pas une définition claire. En ce qui concerne l’attaque israélienne contre le Qatar, il s’agit d’un bombardement d’un pays contre un autre. Si on doit invoquer la Charte des Nations unies, cette action est illégale, car l’interdiction du recours à la force y est clairement stipulée, ainsi que la violation de l’intégrité territoriale et de la souveraineté, indique Mme Lafontaine. 

Il y a deux exceptions à l’interdiction du recours à la force, précise Mme Lafontaine, soit une autorisation du Conseil de sécurité, ce qui n’est pas le cas ici, soit agir en légitime défense.

Selon la spécialiste du droit international, il n’y a rien, dans le cas de l'attaque au Qatar, qui justifie l’invocation de la légitime défense.

 

En résumé, on ne peut pas attaquer un groupe armé ennemi sur le territoire d’un autre pays sans le consentement du pays en question.

Une citation de Fannie Lafontaine, spécialiste du droit international

 

Selon le droit humanitaire international, en d’autres termes les lois de la guerre, les combattants ennemis peuvent être considérés comme des objectifs militaires légitimes, explique Mme Lafontaine.

Cependant, les dirigeants politiques du Hamas sont-ils, au même titre que les combattants de la branche armée du mouvement palestinien, les brigades Al-Qassam, considérés comme des objectifs militaires légitimes?, s’interroge la spécialiste du droit international.

 
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