Dans une rare sortie commune, le Canada, le Royaume-Uni et la France ont condamné avec vigueur les agissements de l’armée israélienne à Gaza, ouvrant du même coup la porte à des « sanctions ciblées » contre l’État hébreu. Un geste « symbolique » qui, selon un expert, marque l’exaspération croissante de certains pays occidentaux face aux agissements israéliens.
Dans un communiqué commun publié lundi après-midi, les trois pays occidentaux demandent au gouvernement d’Israël de cesser ses opérations militaires à Gaza et d’autoriser « immédiatement l’acheminement de l’aide humanitaire à Gaza ».
« Nous nous opposons fermement à l’élargissement des opérations militaires menées par Israël à Gaza. La souffrance humaine qui y est constatée est intolérable », écrivent les trois membres du G7.
Le trio requiert également la reprise de la collaboration entre Israël et les Nations unies pour acheminer dans la bande de Gaza l’aide nécessaire « conformément aux principes humanitaires. »
La déclaration commune qualifie aussi de « nettement insuffisante » l’annonce faite dimanche par Israël selon laquelle l’État hébreu autoriserait l’entrée d’une quantité minimale de nourriture dans la bande de Gaza.
Dans la foulée, Israël a aussi annoncé lundi son intention de prendre le contrôle de toute la bande de Gaza, où au moins 91 Palestiniens ont été tués dans les bombardements incessants de son armée sur le territoire dévasté.
« Nous ne resterons pas les bras croisés devant ces actes honteux du gouvernement Nétanyahou. Si Israël ne met pas fin à cette nouvelle offensive militaire et ne lève pas les restrictions entourant l’aide humanitaire, nous prendrons d’autres mesures concrètes », ont écrit communément les gouvernements canadien, britannique et français, qui se prononcent de manière favorable à une solution à deux États.
À propos de l’expansion des colonies juives en Cisjordanie, les signataires stipulent qu’« Israël doit mettre fin à l’implantation de colonies, lesquelles sont illégales et compromettent la viabilité d’un État palestinien ainsi que la sécurité des Israéliens et des Palestiniens ».
« Nous n’hésiterons pas à prendre d’autres mesures, y compris des sanctions ciblées », concluent les trois pays.
Rupture de ton
Le texte commun marque une certaine rupture de ton du gouvernement canadien à l’endroit d’Israël, remarque Rachad Antonius, professeur titulaire au Département de sociologie de l’UQAM et spécialiste de la Palestine.
Déjà, la semaine dernière, la nouvelle cheffe de la diplomatie canadienne, Anita Anand, qui a succédé à Mélanie Joly, avait accusé Israël d’« agresser » les Palestiniens, tout en affirmant que le gouvernement Nétanyahou utilisait la nourriture à des fins politiques.
Mme Anand « a exprimé des choses qu’on n’a jamais entendues dans la bouche de Mélanie Joy et dans des termes qu’on n’avait pas entendus avant », a souligné M. Antonius, autour de l’essai La conquête de la Palestine. De Balfour à Gaza, une guerre de cent ans.
Toutefois, selon lui, cette triple sortie diplomatique a bien plus à voir avec l’ampleur des destructions à Gaza et à la situation humanitaire catastrophique sur le terrain.
« Ce qui se passe [à Gaza] est devenu trop embarrassant pour les puissances occidentales. [Leurs gouvernements] devaient se dissocier d’une façon ou d’une autre de ce qu’Israël y fait. »
Lancée en riposte aux attaques sans précédent menée par le Hamas contre Israël le 7 octobre 2023, l’offensive israélienne à Gaza a fait plus de 50 000 victimes, en majorité des civils. L’étroite bande de terre est également soumise à un blocus qui met en péril la sécurité alimentaire et la santé des habitants.
Les trois pays signataires ont un poids diplomatique suffisant pour influencer Israël et l’inciter à permettre à l’aide humanitaire d’entrer de nouveau sur le territoire de 365 km2, estime le sociologue. Encore faut-il qu’ils aient le courage politique de l’utiliser.
« Je crois que le Canada a les moyens, avec la France et d’autres pays, de faire pression pour que la nourriture et les médicaments entrent à Gaza […] sous l’égide de l’UNRWA », dit-il.
« L’enjeu de la distribution de la nourriture est absolument fondamental. Si Israël fait faire parvenir des vivres avec des organismes privés qu’elle va contracter, c’est sûr que ces organismes vont être des instruments de mise en œuvre de sa politique. C’est-à-dire qu’ils vont distribuer des vivres à qui ils choisissent de le faire et dans les lieux qu’ils choisissent de le faire et donc forcer un déplacement de la population. »
L’UNRWA, l’agence de l’ONU pour les réfugiés palestiniens, est souvent ciblée par Israël, qui l’a accusée dans le passé de servir la cause du Hamas. Or, selon Rachad Antonius, c’est la seule institution qui ait les moyens de distribuer équitablement les vivres aux Gazaouis.
Une « récompense » pour le Hamas
Le premier ministre israélien, Benjamin Nétanyahou, a réagi à la sortie tripartite en estimant qu’ils offrent ainsi une « immense récompense » au Hamas.
« En demandant à Israël de mettre fin à une guerre défensive pour notre survie avant que les terroristes du Hamas à notre frontière ne soient détruits, et en exigeant un État palestinien, les dirigeants de Londres, Ottawa et Paris offrent une immense récompense pour l’attaque génocidaire contre Israël du 7 octobre, tout en encourageant de nouvelles atrocités de ce genre », a déclaré Nétanyahou dans un communiqué.
Avec La Presse canadienne et l’Agence France-Presse
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