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1 year oldDix-huit jours après l’attaque du Hamas, la bande de Gaza reste complètement inaccessible, mercredi 24 octobre, y compris à la presse. Aucun journaliste n’a pu sortir ni accéder à l’enclave palestinienne. L’information sur place est relayée par les correspondants locaux, pris eux aussi en tenailles entre les bombardements et le blocus israélien.
"Un manque de couverture médiatique de Gaza ... dû à l'assassinat de plus de 12 journalistes, aux bombardements, et à la coupure d'électricité et d'Internet. Cependant, nous essayons toujours de résister et de poursuivre la couverture afin que le monde puisse voir les crimes israéliens à Gaza ", écrivait le 17 octobre le photojournaliste Roshdi Sarraj sur le réseau social X, avant d’être tué à son tour, dans une frappe israélienne, à son domicile, dans le quartier de Tel Al Hawa, à Gaza City. Sa femme et sa fille, âgée d'un an, ont été blessées dans ce bombardement.
Sa mort, le 22 octobre, fait grimper le nombre des journalistes victimes de cette guerre à 23 morts, dont 19 Palestiniens tués à Gaza, selon le dernier bilan du Comité de protection des journalistes (CPJ), basé à New York.
A lack of media coverage from Gaza ..
— Roshdi Sarraj (@RoshdiSarraj) October 17, 2023
due to the killing more than 12 journalists, the bombing, and the blackout of electricity and the Internet.
However, we are still trying to withstand and continue coverage so the world can see the israili crimes in Gaza. pic.twitter.com/ELlmUN2984
Ce jeune père de famille de 31 ans, fixeur pour Radio France et France télévision depuis 2021, mais aussi Le Monde, la BBC et beaucoup d'autres médias, avait fondé l’agence de presse audiovisuelle Ain Media dans la bande de Gaza, avec son épouse et son ami Yasser Mourtaja. Ce dernier est mort en 2018, victime d'un tir de l'armée israélienne lors de la couverture d'une manifestation à la bordure de séparation avec Israël.
"Ceux qui ont connu Roshdi Sarraj et travaillé avec lui saluent un journaliste hors pair", écrit Radio France dans un article lui rendant hommage. "C'est grâce à son travail que la vie des Palestiniens et l'horreur de la guerre étaient racontées sur l'antenne de France Inter".
"Il était celui qui nous informait en premier, celui qui risquait sa vie pour ça, au moment où personne ne peut entrer", indique sur X la journaliste Alice Froussard, qui travaille pour Radio France.
Mais voilà, c’est Gaza. Roshdi était journaliste et il racontait l’horreur sur place, celle qu’on ne veut pas regarder dans les yeux. Il était celui qui nous informait en premier, celui qui risquait sa vie pour ça, au moment où personne ne peut entrer. https://t.co/2DMIlYnxn5
— Alice Froussard (@alicefrsd) October 22, 2023
Crainte d’un black-out médiatique
Reporters sans frontières, qui enquête actuellement sur les conditions de la mort de Roshdi Sarraj, évoque le chiffre de neuf journalistes tués à Gaza dans le cadre de leurs fonctions ou ciblés en raison de leur métier. "Les mesures générales comme le blocus, imposé depuis longtemps et renforcé récemment, et ces derniers jours le déplacement forcé de civils affectent les journalistes locaux et leurs familles. Mais il y a aussi une mise en danger spécifique des rédactions et des professionnels de l’information, sous des formes multiples", alerte RSF, qui redoute "un véritable black-out médiatique" sur ce territoire.
L’ONG pour la liberté d’information a recensé la destruction entière ou partielle par les missiles israéliens de plusieurs centres de médias. "Le 19 octobre, une frappe a détruit une rédaction éphémère sous tente abritant des équipes de la BBC, Reuters, Al-Jazira, l'AFP et des agences de presse locales, sans faire de blessés, à proximité de l'hôpital Nasser de Khan Younès", fait savoir RSF. Selon le Syndicat palestinien de la presse, 50 locaux de médias sont désormais hors d'usage.
L’Agence France-Presse, qui dispose d’une équipe de neuf salariés dans l’enclave palestinienne, a dû évacuer son bureau situé dans la ville de Gaza. "Maintenant on est dispersés dans plusieurs appartements dans le sud, nos journalistes et aussi leurs familles, une cinquantaine de personnes en tout", explique Philip Chetwynd, directeur de l’information de l’AFP. "Le travail de nos journalistes est extrêmement difficile dans ces conditions. Ils vivent sous pression constante. Ils couvrent l’actualité et en même temps ils s’inquiètent du sort de leur famille. L’un de nos photographes a perdu cette nuit [dans la nuit du 22 ou 23 octobre] plusieurs de ses proches".
Des caméras braquées sur le ciel de Gaza
En l’absence d’envoyés spéciaux à l’intérieur de Gaza, les informations transmises par les journalistes de l’AFP sur place deviennent une matière encore plus précieuse pour les médias internationaux. Trois caméras de l’agence sont braquées en permanence sur le ciel de Gaza pour capter et documenter les bombardements et leurs conséquences.
L’une d’entre elle se trouve toujours sur le toit de leur ancien bureau dans la ville de Gaza, l’autre sur le terminal de Rafah et une troisième filme depuis le sol israélien. Mais tout comme les rares reporters présents dans l’enclave, l’agence est elle aussi soumise à la pénurie d’eau et d’essence. "Nous avons encore du pétrole pour deux ou trois jours pour faire fonctionner nos générateurs. Nous recherchons des solutions pour la suite", indique Philip Chetwynd. À défaut de ravitaillement, les caméras allumées sur le sol gazaoui s’éteindront et le monde ne verra plus ce qui s’y passe.
La plupart des médias français, faute de pouvoir envoyer des reporters à Gaza, s’appuient sur des fixeurs et les agences de presse encore présentes sur place.
Chez France 24, ces caméras "live" de l’AFP sont scrutées en permanence. France 24 travaille aussi avec sa correspondante arabophone à Gaza, Maha Abu Al Kass, qui a survécu il y a deux semaines à un bombardement de l'armée israélienne. Légèrement blessée mais indemne, elle a été évacuée de son quartier résidentiel avec sa famille. Elle travaille courageusement dans des conditions éprouvantes avec un accès limité à l’électricité et au téléphone, internet étant coupé dans l’essentiel de l’enclave.
L’équipe des Observateurs de France 24 s’attèle en complément à authentifier les images partagées sur les réseaux sociaux, comme elle le fait au quotidien. Ses journalistes travaillent aussi avec des observateurs à Gaza pour avoir accès à des informations vérifiées sur ce qui se déroule dans l’enclave.
Conduire des enquêtes journalistiques indépendantes
La frappe de l'hôpital Al-Ahli de Gaza, qui a fait des centaines de morts le 17 octobre, selon les autorités du Hamas, et dont l’origine a donné lieu à une grande confusion médiatique, a montré la nécessité de disposer de sources locales, indépendantes et libres de circuler sans danger dans l’enclave, pour conduire des enquêtes journalistiques sur les faits.
"Ces journalistes palestiniens de terrain sont la première ligne de défense conte la désinformation et la propagande qui malheureusement sont de plus en plus présentes dans les zones de conflits", rappelle le responsable du bureau Moyen-Orient de RSF, Jonathan Dagher.
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