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Comprendre | Qui est Mark Carney, nouveau chef libéral?

Auteur: Sandrine Côté Source: Radio Canada
Mars 9, 2025 at 20:24
Économiste de carrière, Mark Carney fera ses premiers pas en politique active en tant que nouveau chef du Parti libéral du Canada. (Photo d'archives) PHOTO : LA PRESSE CANADIENNE / JEFF MCINTOSH
Économiste de carrière, Mark Carney fera ses premiers pas en politique active en tant que nouveau chef du Parti libéral du Canada. (Photo d'archives) PHOTO : LA PRESSE CANADIENNE / JEFF MCINTOSH

Études, carrière, vie personnelle : voici ce qu’il faut savoir sur le successeur de Justin Trudeau.


Le nom de Mark Carney circulait dans les rangs libéraux pour succéder à Justin Trudeau depuis l'annonce de sa démission. Après des années à travailler dans l'ombre du gouvernement, il a réussi son pari de se lancer en politique active : l'économiste de carrière a été élu, dimanche, chef du Parti libéral du Canada (PLC).

Études, carrière, vie personnelle, promesses électorales : voici ce qu’il faut savoir sur Mark Carney.

Premiers pas

Fils d'enseignants, Mark Carney est originaire de Fort Smith, dans les Territoires du Nord-Ouest, mais a grandi à Edmonton, en Alberta.

Son père, Bob Carney, s’était d’ailleurs présenté sous la bannière libérale à Edmonton aux élections fédérales de 1980, mais avait été défait par le candidat progressiste-conservateur.

Mark Carney a obtenu un baccalauréat en économie de la prestigieuse université américaine Harvard en 1988, puis a continué son parcours à l’Université d’Oxford, en Angleterre, où il a fait une maîtrise (1993) et un doctorat (1995) dans la même discipline.

Celui qui est aujourd'hui âgé de 59 ans a rencontré à Oxford sa conjointe, Diana Fox, elle aussi économiste. Ils se sont mariés en 1994 et ont eu quatre filles.

M. Carney débute sa carrière à la banque d'investissement Goldman Sachs, où il occupera divers postes entre 1988 et 2003, dont celui de directeur général des services bancaires d’investissement.

J’ai aidé à sauver deux économies

En 2003, c’est le retour au pays pour M. Carney, nommé sous-gouverneur de la Banque du Canada, puis sous-ministre délégué principal des Finances (2004-2007).

Il se fait davantage connaître du public dès 2008, alors qu’il accède au poste de gouverneur de la Banque du Canada, en pleine crise financière mondiale.

Il abaisse alors les taux d’intérêt à des niveaux historiquement bas pour l’époque et prend des mesures visant à garantir que les banques canadiennes disposent de suffisamment de liquidités pour maintenir leurs activités, des mesures saluées à l'époque par divers commentateurs. Face à la récession, l’économie canadienne est celle qui s'en est le mieux tirée parmi ses pairs du G7.

Courtisé par Harper

Premier ministre de l'époque, Stephen Harper avait demandé en 2012 à M. Carney de se joindre au gouvernement conservateur en tant que ministre des Finances, une offre qu'il a déclinée.

M. Harper a récemment accusé Mark Carney de s’attribuer à tort le mérite d’avoir sorti l’économie canadienne de la crise financière mondiale, il y a plus de 15 ans. Il affirme que c’est le ministre des Finances de l’époque, Jim Flaherty, qui a pris les décisions difficiles.

Dans une déclaration envoyée à La Presse canadienne, un porte-parole de la campagne de M. Carney a affirmé que l’attaque de M. Harper était une tentative de sauver les chances électorales du chef conservateur, Pierre Poilievre, aux élections fédérales qui devraient suivre la course à la direction du Parti libéral.

À son départ de la banque centrale du Canada, M. Carney retourne de l’autre côté de l'Atlantique pour occuper le poste de chef de la Banque d’Angleterre (2013-2020), un mandat marqué par le Brexit de 2016 et une période tumultueuse sur le plan économique.

Il obtient d'ailleurs en 2018 la nationalité britannique, à laquelle il a toutefois annoncé renoncer.

Il avait alors déclaré aux journalistes qu'il estimait qu'en tant que futur premier ministre, il ne devait posséder qu'une seule nationalité.

M. Carney est parallèlement président du Conseil de stabilité financière entre 2011 et 2018, un groupement économique international.

Dans sa tentative de remporter la direction du Parti libéral, Mark Carney a fait campagne sur son bilan économique en tant qu’ex-gouverneur des banques du Canada et d'Angleterre.

J’ai aidé à gérer plusieurs crises et j’ai aidé à sauver deux économies. Je sais comment les affaires fonctionnent et je sais comment les faire fonctionner pour vous, avait-il dit lors du lancement de sa campagne, en janvier dernier.

 

Mark Carney marche à côté de l'édifice de la Banque du Canada.
Mark Carney, alors gouverneur de la Banque du Canada, en avril 2008. PHOTO : LA PRESSE CANADIENNE / TOM HANSON

 

Proche des cercles libéraux

Après son mandat comme gouverneur de la banque d'Angleterre, M. Carney est nommé en 2020 envoyé spécial des Nations unies pour le financement de l’action climatique. Lors de la COP26, il lance l'Alliance financière de Glasgow pour la carboneutralité, un regroupement de banques et d’institutions financières travaillant à lutter contre les changements climatiques.

Il a aussi conseillé le premier ministre, Justin Trudeau, sur sa gestion de la crise de la COVID-19 en 2020, en plus d'être conseiller financier du premier ministre britannique entre 2020 et 2025.

En septembre 2024, M. Carney se rapproche encore plus des sphères du PLC, en devenant conseiller spécial du parti sur la croissance économique.

Avant la démission du premier ministre Trudeau en janvier dernier, M. Carney avait été abordé pour remplacer Chrystia Freeland comme ministre des Finances et avait manifesté son intérêt. Ses plans ont changé dans le contexte explosif de la démission de Mme Freeland, qui a précipité la chute de M. Trudeau.

 

Justin Trudeau, tête baissée, devant un micro.
Le premier ministre du Canada, Justin Trudeau, a annoncé le 6 janvier sa démission à la tête du Parti libéral depuis sa résidence de Rideau Cottage à Ottawa. PHOTO : REUTERS / PATRICK DOYLE

 

M. Carney était également depuis 2020 président des investissements à la firme Brookfield Asset Management (BAM), poste qu’il a quitté au moment de se lancer dans la course à la direction du PLC.

Des députés conservateurs accusent d’ailleurs le candidat libéral d’avoir « menti »aux Canadiens lorsqu’il a affirmé qu’il n’avait pas participé à la décision de BAM de déménager son siège social du Canada aux États-Unis en janvier dernier.

Les troupes de Pierre Poilievre reprochent aussi à M. Carney de possibles conflits d’intérêts entre ses activités privées et son possible futur rôle de premier ministre.

Taxe carbone, économie : ses engagements électoraux

En plus de Karina Gould et de Frank Baylis, Mark Carney affrontait dans la course à direction du PLC Chrystia Freeland, une amie de longue date. M. Carney est d'ailleurs le parrain du fils de l'ex-vice-première ministre.

 

Elle le fixe pendant qu'il parle.
Les candidats à la direction du Parti libéral du Canada Chrystia Freeland et Mark Carney sont amis de longue date. PHOTO : LA PRESSE CANADIENNE / CHRISTINNE MUSCHI

 

Depuis janvier, M. Carney a reçu des appuis de poids lourds au sein du cabinet libéral, dont ceux de Mélanie Joly, ministre des Affaires étrangères, et de Steven Guilbeault, ministre de l’Environnement.

Au cours de sa campagne, M. Carney a voulu se démarquer des autres candidats en insistant sur le fait qu’il était un outsider (candidat inattendu) en politique, en plus de se distancier du bilan de Justin Trudeau.

Je sais que je ne suis pas le seul libéral au Canada qui pense que le premier ministre et son équipe ont peut-être trop souvent oublié l’économie, avait affirmé M. Carney au lancement de sa campagne, en promettant d'être un candidat centriste dont la priorité serait le redressement de l'économie canadienne.

 

Notre croissance est trop lente, les salaires sont trop bas, les produits essentiels comme l’épicerie et les loyers sont trop chers pour plusieurs.

Une citation de Mark Carney, chef du Parti libéral du Canada, en janvier dernier

 

Mark Carney a par exemple proposé un nouveau cadre budgétaire dans lequel il projette, s’il devient premier ministre, de séparer le budget des dépenses courantes de celui des investissements du gouvernement fédéral. Il souhaite ainsi équilibrer le budget des activités gouvernementales en trois ans.

Parmi les autres promesses de M. Carney, on compte notamment une baisse d’impôt pour la classe moyenne et l'annulation de la hausse d’impôt sur le gain en capital.

Autrefois fervent défenseur de la taxe carbone, M. Carney a par ailleurs tourné le dos à cette mesure environnementale phare du gouvernement Trudeau. Il promet plutôt de la remplacer par un programme d'incitatifs verts.

Depuis des années, le chef conservateur Pierre Poilievre aiguise d'ailleurs ses attaques contre Mark Carney, le qualifiant de  Carney de la taxe carbone (Carbon tax Carney) et plus récemment de  tout comme Justin  (just like Justin).

 

Le candidat à la direction du Parti libéral, Mark Carney, s'entretient avec le chef conservateur Pierre Poilievre avant une cérémonie au Monument national de l'Holocauste, le lundi 27 janvier 2025 à Ottawa.
Le candidat à la direction du Parti libéral, Mark Carney, s'entretient avec le chef conservateur Pierre Poilievre avant une cérémonie au Monument national de l'Holocauste, le 27 janvier 2025 à Ottawa. PHOTO : LA PRESSE CANADIENNE / ADRIAN WYLD

M. Carney n'a pas manqué de décocher des flèches à l'endroit de son rival conservateur au cours de sa campagne, présentant entre autres M. Poilievre comme un politicien qui aurait du mal à s’opposer aux menaces du président américain, Donald Trump.

Quant à sa maîtrise du français de M. Carney, elle a semblé chancelante par moments au premier débat entre les aspirants chefs du PLC. Le candidat avait par exemple fait un lapsus de taille lorsqu’il a été question de se prononcer sur le conflit israélo-palestinien.

En outre, s’il devait s’incliner devant les conservateurs de Pierre Poilievre lors des prochaines élections générales, M. Carney a soutenu qu’il resterait chef libéral pour contribuer à la reconstruction du parti.

À quoi s'attendre pour la suite?

Bien qu’il soit officiellement couronné chef du PLC, M. Carney ne devient pas immédiatement premier ministre. Il devra être assermenté aux côtés d’un nouveau Conseil des ministres, après que Justin Trudeau communiquera avec la gouverneure générale pour lui demander la formation d’un nouveau gouvernement.

Selon nos informations, l’assermentation de M. Carney et de son Cabinet pourrait avoir lieu ce mercredi 12 mars, mais rien n’est encore confirmé.

 

Mary Simon regarde Justin Trudeau.
La démission officielle du premier ministre sortant Justin Trudeau et celle de ses ministres devront être remises à la gouverneure générale Mary Simon. (Photo d'archives). PHOTO : LA PRESSE CANADIENNE / SEAN KILPATRICK

 

Dans les coulisses, une partie de l'équipe de M. Carney était déjà en branle ces derniers jours pour préparer une éventuelle transition avec Justin Trudeau.

D’après nos sources, M. Carney aimerait former un plus petit Conseil des ministres, de 15 à 20 personnes. Le Cabinet de Justin Trudeau compte actuellement 37 membres.

Il existe toutefois un autre scénario, moins probable, selon des experts consultés par Radio-Canada. Justin Trudeau pourrait décider de dissoudre le Parlement et de déclencher des élections fédérales avant l’assermentation de son successeur. De ce fait, le premier ministre sortant demeurerait dans son poste jusqu’à la fin du scrutin, au printemps.

Ce cas de figure permettrait à Mark Carney de se concentrer sur la campagne électorale, pendant que Justin Trudeau se chargerait de gérer la guerre tarifaire avec les États-Unis, tout en maintenant son Cabinet en place.

Avec des informations de La Presse canadienne

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