Mexique

L'économie mexicaine, victime collatérale de la politique migratoire de Donald Trump

Auteur: Claire Rouaud Source: Les Echos:::
Juillet 14, 2025 at 09:32
Les transferts de fonds vers le Mexique ont chuté de 4,6 % en mai. Une baisse qui n'avait pas été observée depuis près de treize ans. (Rodrigo Oropeza/AFP)
Les transferts de fonds vers le Mexique ont chuté de 4,6 % en mai. Une baisse qui n'avait pas été observée depuis près de treize ans. (Rodrigo Oropeza/AFP)

 

Le Mexique subit une forte baisse des transferts de fonds de la part des immigrés vivant aux Etats-Unis. Entre rafles de sans-papiers, expulsions et taxes aux Etats-Unis, les experts attribuent ce recul à la politique migratoire sévère de l'administration Trump.

Pour le deuxième mois consécutif, les transferts de fonds vers le Mexique chutent, selon la banque centrale du pays, une alerte préoccupante pour l'économie nationale. En mai, 5,4 milliards de dollars de transferts de fonds sont entrés dans le pays, soit 4,6 % de moins qu'en 2024 à la même période. C'est la plus forte baisse dans les envois de fonds depuis près de treize ans. Une diminution qui pourrait avoir des conséquences lourdes, tant ces fonds jouent un rôle crucial dans l'économie quotidienne de millions de foyers mexicains.

Aux Etats-Unis, il est coutume pour les Mexicains naturalisés, ainsi que les quelque 4,8 millions de migrants en situation irrégulière originaires du Mexique, d'envoyer une partie de leur salaire chaque mois à leurs proches restés au pays. En mai, 13,9 millions de transactions de 385 dollars en moyenne vers le Mexique ont été enregistrées.

Ces transferts de fonds (« remesas » en espagnol) sont la principale source de revenus pour deux millions de familles mexicaines. Plus de la moitié des personnes qui reçoivent ces sommes vivent dans des zones rurales du Mexique et dépendent de l'argent envoyé depuis les Etats-Unis pour couvrir leurs besoins fondamentaux de santé, d'alimentation et d'éducation.

La menace des rafles de sans-papiers

Pour l'économiste associé à l'Institut français des relations internationales (Ifri) Jean-Louis Martin, cette baisse est liée à la politique migratoire sévère de Donald Trump, qui avait ordonné une intensification desrafles de sans-papiers dès son arrivée à la Maison-Blanche. « Les personnes qui faisaient des transferts en liquide et qui passaient donc par des bureaux de change ont peur d'y aller en ce moment, il y a un réel risque physique », analyse l'économiste.

Sur son réseau Truth Social, le 15 juin, le président américain avait demandé à la police de l'immigration (ICE) « d'exécuter le plus grand programme d'expulsion de masse de l'histoire ». Dans ce climat de tension, de nombreux migrants en situation irrégulière renoncent même à se rendre sur leur lieu de travail, par crainte d'être interpellés puis expulsés. Cet isolement imposé aux « illégaux » entraîne une détérioration de leur situation économique et une difficulté à envoyer des fonds vers le Mexique.

Pour l'économie mexicaine, les « remesas » sont une ressource essentielle. Ces transferts ont atteint en 2024 près de 64,7 milliards de dollars, soit 3,5 % du PIB mexicain, dépassant les revenus de l'agriculture, du tourisme et des exportations de pétrole du pays.

 

Une nouvelle taxe américaine

L'administration Trump cible ces sommes dans sa « grande et belle loi » budgétaire, promulguée le 4 juillet. Ce texte impose désormais une taxe de 1 % sur les envois de fonds liquides vers l'étranger. Les versions précédentes du projet de loi prévoyaient des taux d'imposition de 5 % puis 3,5 % et visaient spécifiquement les migrants en situation irrégulière. Une taxe de 5 % aurait représenté des pertes d'au moins 3,25 milliards de dollars en un an pour le Mexique, soit une réduction de son PIB de 0,18 %.

La présidente mexicaine Claudia Sheinbaum, avait qualifié une taxe de 5 % d'« inacceptable » et avait incité ses compatriotes et les émigrés mexicains à envoyer des lettres aux députés américains afin de protester contre ces mesures.

Consciente de la nécessité pour son pays de recevoir ces fonds, elle a depuis annoncé que son administration remboursera la taxe de 1 % à ses concitoyens. Pour Jean-Louis Martin, la présidente, de gauche, a tout intérêt à s'y engager : « C'est une mesure sociale qui peut avoir un impact politique, car ce sont les plus modestes qui reçoivent des fonds des Etats-Unis. »

Cependant, pour l'économiste, la nouvelle taxe américaine sur ces « remesas » ne représente pas, à ce stade, le risque le plus préoccupant pour le pays : « La politique visant à effrayer et à expulser a un impact beaucoup plus fort que cette taxe », souligne Jean-Louis Martin. Environ 32.000 illégaux auraient été arrêtés pendant les 50 premiers jours du mandat de Donald Trump, ce qui pourrait correspondre à 300.000 immigrés illégaux expulsés par an. « Leur expulsion aurait un impact plus important sur les transferts de fonds depuis les Etats-Unis qu'une taxe de 1 %. »

Pour l'économiste, il appartient au temps de trancher quant à l'ampleur réelle de la menace pesant sur ces revenus si essentiels pour le Mexique : « Nous verrons mieux en fin d'année si la baisse perdure, ou s'il s'agit d'un creux de premier trimestre comme nous pouvons le voir tous les ans. »

Mot clé
Vous n'avez pas utilisé le site Web, Cliquer ici pour maintenir votre état de connexion. Temps d'attente: 60 Secondes