« Je veux créer un mouvement pour redéfinir le spectacle vivant. Oui, ça passe beaucoup par la technologie et l’IA, mais pas uniquement. […] Plein de gens doivent tester plein de choses pour voir où ça va nous mener, affirme Pascal Lépine. Les formules classiques auront toujours leur place, mais peut-être pas la place principale. »
Cet entrepreneur social, fondateur de l’agence de marketing Atypic, est très impliqué dans le milieu culturel, notamment en tant que président du conseil d’administration du Monastère et comme ancien vice-président du CA de l’Opéra de Montréal. Ces jours-ci, il se consacre, comme auteur et metteur en scène, à un projet de spectacle alliant cirque, théâtre et nouvelles technologies. Prévu à l’été 2026, Station Montréal. En attendant le métro est d’abord surgi de la quête de renouveau de Guillaume Blais, directeur créatif du projet, fondateur de Prod.G et cofondateur du Monastère.
« Après 20 ans de carrière en cirque, j’étais tanné de voir toujours les mêmes appareils, les mêmes propositions. Je me suis dit qu’il manquait de modernité et de variété. Les artistes sont vraiment merveilleux, mais il faut pousser la discipline plus loin », confie ce dernier, assis avec Pascal Lépine à l’Arsenal art contemporain. C’est à cet endroit que se déroulera mardi soir le prélancement du spectacle, durant lequel ils présenteront notamment l’un des numéros, Station Beaudry.
L’idée de départ était de créer de nouveaux appareils de cirque permettant à la technologie de devenir une prolongation de l’artiste. Sur le dispositif utilisé mardi, constitué de quatre tuyaux transparents avec DEL intégrées et capteur tactile, des effets lumineux doivent être synchronisés avec les mouvements de l’acrobate Manuel Gonzalez.
L’intelligence artificielle s’est aussi invitée dans le projet. M. Lépine a commencé par demander à son robot conversationnel, nommé Shah, de créer l’une des dix scènes du spectacle, qui se déroule dans plusieurs stations du métro de Montréal.
« L’épisode de la station Laurier a été écrit cent pour cent par l’IA, sans modification par la suite. C’est très très bon », juge M. Lépine. Il ajoute : « Je sais que c’est controversé. »
S’adapter aux émotions des spectateurs
L’équipe concentre maintenant ses efforts au développement d’interactions entre l’IA et le public. « On a transformé l’IA en avatar qui va pouvoir s’entretenir en temps réel avec le public et avec les artistes, dans plusieurs scènes », explique M. Lépine.
Les créateurs souhaitent également capter les émotions des spectateurs et faire en sorte qu’elles influencent le déroulement du spectacle. « Est-ce qu’on veut allonger une scène parce que le public embarque et trouve ça drôle ? Est-ce qu’il y a moyen de réveiller le public et de raccourcir certaines pièces ? », se demande M. Lépine.
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L’équipe commence à travailler avec Lab148, une coopérative qui soutient des projets en art vivant numérique, immersif et interactif. Essentiellement, ce sont des projets qui allient des performances humaines et technologiques.
« Pour mesurer l’engagement et les sentiments du public, le public peut porter des capteurs qui vont analyser la fréquence cardiaque, l’activité de la peau et certaines zones cérébrales, explique Michal Seta, artiste et cofondateur de Lab148. On peut aussi mesurer les expressions faciales et le bruit généré par les spectateurs. Il reste beaucoup de recherche à faire, mais ça intéresse de plus en plus de gens du spectacle vivant. »
Bouillonnement numérique
Pascal Lépine et son équipe ne sont pas les seuls à faire ce genre d’expérimentation. HUPR, le centre de recherche appliquée en arts vivants chapeauté par l’École nationale de cirque, reçoit chaque année de nombreuses demandes de compagnies de cirque et de danse qui souhaitent être accompagnées dans leurs projets technologiques. Parmi elles, plusieurs utilisent l’IA. Selon Marion Cossin, ingénieure de recherche chez HUPR, le nombre de demandes pour ce genre de projet excède ses capacités, si bien que le centre doit augmenter ses ressources.
« On a un projet avec Les 7 doigts, par lequel on vient capter le mouvement d’un artiste sur scène avec une caméra. En arrière de l’artiste est projetée une vidéo produite par l’IA générative. Ce qui est génial avec ce genre de solution, c’est qu’on peut donner un visuel différent tous les soirs, on peut même demander au public de générer des idées. Ce serait un contenu unique et original créé en direct en fonction du mouvement des artistes », raconte Mme Cossin.
Elle souligne que ces technologies ouvrent un nouveau champ de possibilités pour les artistes. « On a développé un outil qui va reconnaître des mouvements effectués par des danseurs en pleine improvisation. Lorsqu’il va détecter certaines séquences, le modèle va lancer un enregistrement audio du danseur qui explique son processus créatif. Ça demanderait un travail colossal de faire ça manuellement », estime Mme Cossin.
Planche de salut ?
La chercheuse croit que l’IA et les technologies numériques peuvent être une façon d’attirer des jeunes vers les salles de spectacles, ou même de les rejoindre directement chez eux en imaginant des spectacles en réalité virtuelle. Pascal Lépine est du même avis. Il sait toutefois que l’IA ne fait pas l’unanimité dans le domaine des arts vivants. Il décèle une certaine résistance à son utilisation, par crainte qu’elle remplace les créateurs.
M. Lépine, lui, n’a pas peur. « Ça ne remplacera jamais le geste, ça ne remplacera jamais un corps qui se met en danger en haut. Il y a quelque chose de fort là-dedans et la technologie ne viendra pas changer ça. »
Selon lui et Guillaume Blais, les artistes doivent plutôt s’approprier cette technologie pour élever la création.
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